20 décembre 2022

Noël ou le salut de notre planète à la portée d’un enfant.


Plus que jamais les citoyens du monde œuvrent au chevet de la terre qui s’épuise et de la vie qui souffre. Dans sa course en avant effrénée, l’histoire contemporaine a tout simplement occulté l’expérience des populations qui vivaient exclusivement des ressources de la nature et qui savaient préserver son avenir. Le mot d’ordre, aujourd’hui, est au « salut » de la maison commune, rien de moins. « Sauvegarde » aurait fait moins prétentieux ! A grand renfort de colloques, de G20, de G15 et de G5, les rapports s’accumulent et les recommandations s’empilent. Experts, économistes, prévisionnistes rivalisent de préconisations pour offrir une vie digne et décente aux presque 8 milliards d’habitants de la terre. En vain ! Le combat est perdu d’avance. Tout au plus, l’échéance fatale sera retardée mais un jour le bateau coulera inexorablement. Les jeunes générations en sont conscientes qui traînent leur désarroi entre attente passive, actions prophétiques et colère sporadique.
 


Depuis trois millénaires, c’est-à-dire hier dans l’échelle du temps, il en va ainsi. Babylone raconte le déluge de Gilgamesh et construit les Ziggourats, l’Egypte renforce ses pyramides, la Grèce ordonne la cité à l’idéal de ses sagesses, Rome perce l’Empire de ses voies pavées gardées par ses légions et administre. Le temps et l’espace sont ainsi maîtrisés.


Et voilà que quelques illuminés, rôdant du côté du Jourdain, prétendent que Dieu va s’occuper de notre salut et pour ce faire Il va confier cette tâche impossible aux puissants à un enfant, fruit de son désir. Un enfant endormi dans un couffin de chiffons, comble de la fragilité, de la faiblesse, de l’innocence. Un petit sans parole, sans calcul, sans appuis des grands de ce monde, sans adresse reconnue. Un sourire, quelques balbutiements. Puis, deux mots, les premiers appris : papa pour dire Dieu ; maman pour dire l’humanité éclairant les yeux de sa mère, Marie. 


Les malades, les éclopés, les laissés pour compte, ceux qui croient aux chimères, ceux ne connaissent rien à l’économie ou aux armes, qui ne comprennent rien aux statistiques et aux courbes de pourcentages se mettent à espérer. A espérer quoi ? Un salut, une vraie libération de toute oppression.
 « Vous appelez ça un salut ? » ricane Hérode, le ministre de Rome. Comment Dieu peut-il à ce point se moquer de sa création et surtout de celui qu’Il a voulu à son image pour lui envoyer un enfant comme sauveur ? Décidément, ce Dieu invisible et sans nom n’est pas à la hauteur ! Aurait-il inventé cette histoire à dormir debout pour nous faire oublier que le bateau coulait ? 


Et pourtant cet enfant va « sauver » à la fois la fête elle-même de Noël et le monde tout entier.
Le dédain des grands qui ne croient plus aux contes de fées, les sarcasmes des gens sérieux et compétents, n’ont pas réussi à éteindre l’étoile. Noël est la fête religieuse qui résiste le mieux même si elle est engloutie sous un déluge de fêtes, de bouffe et de cadeaux. Mais jusqu’à quand ? Il y a longtemps qu’elle aurait dû revenir à son origine païenne, le solstice d’hiver. Mais c’est bien l’enfant qui, jusqu’à aujourd’hui, a « sauvé » Noël avec ce qu’il réveille de merveilleux, d’ingénu, de ravissement, de nouveauté. Car à Noël, c’est le tout-petit qui remonte du tréfonds de tout homme et de toute femme y compris les plus sérieux, les plus affairés, les plus conscients de leur rôle salvifique et de leur place indispensable au chevet de la mère-planète.   


Noël est le sourire du calendrier mais la nouvelle de cette naissance n’est pas une plaisanterie !
Car ce bébé enchanteur, cet enfant du bonheur de Dieu dont les yeux illuminent la nuit de Bethléem, ce nourrisson accroché au sein de Marie ne vient pas seul. Il est accompagné de ses frères de malheur, ceux que l’on a appelés gentiment les « saints innocents ». La cohorte apeurée et tremblante de ceux qui paient leur part de vie à la face sombre et cachée  de l’humanité, celle qui broie ses fils et ses filles sans pitié et sans regret depuis l’aube des temps. L’émerveillement de cet accouchement espéré depuis des siècles n’efface pas par magie le cri d’effroi des mamans dont on égorge l’enfant ni l’obscénité des viols des petites filles livrées aux mains des vainqueurs criminels.


Non, ce n’est pas une plaisanterie. Dieu n’est pas le suprême hypnotiseur qui endort la douleur. Cet enfant n’aura que trente ans pour s’attaquer aux forces du mal avec le sourire du Père prodigue qui tend les bras au fils pardonné, avec aussi le râle du condamné suspendu  au gibet de la croix qui a tout donné y compris son Esprit. Il n’aura que trente ans pour nous dire et pour nous montrer que le salut n’est pas dans la planification du bonheur à l’échelle mondiale mais dans l’amour partagé, même et surtout dans le naufrage et la désolation.
Faire appel à un enfant pour sauver le monde n’était pas une idée farfelue car cet enfant là n’était en rien complice du mal, il était simplement le frère des malheureux et le compagnon des pauvres, des absents des écrans. 


Cet amour là ne se planifie pas, ne se comptabilise pas, ne se programme pas ; il se vit avant, pendant et après à l’échelle de l’éternité ; dans la main caressée du mourant qui s’en va, dans le regard échangé du couple qui s’est  compris, dans les yeux d’un enfant qui se blottit dans les bras de sa maman …
Mais combien, dans cette obsession de la fête, de la neige, des cadeaux, des repas, se souviennent encore que Noël est le salut et que le salut est cet enfant nommé Jésus?
Avec Lui, que chacun de vous ami(e) lecteur ou lectrice puisse vivre un vrai Noël !
 

15 décembre 2022

L’honneur des chrétiens : Pier Luigi Maccalli


 Dans cet hiver de la foi que subissent les catholiques, les éditions médiaspaul nous donnent à lire une expérience bouleversante. Pier Luigi Maccalli, missionnaire au Niger, a été pendant deux ans l’otage d’un groupe de djihadistes fanatiques, qui l’ont traîné, sous la menace des armes, de campements en abri de fortune, très souvent enchaîné à un arbre ou entravé, sans aucun repère géographique et sans explication.  Au-delà des péripéties scabreuses et pénibles  qui émaillent son récit, l’expérience la plus douloureuse du « Père Gigi » fut celle la non communication. Là, il a pu mesurer combien l’homme est avant tout un être relationnel et que privé de communication, il perd son identité. 


Cette nuit en plein soleil, cette prison sans barreaux de sable et de désert ne l’ont pas empêché de garder une liberté d’esprit suffisante pour s’accrocher à la pensée de tous ceux et celles auxquels il avait donné sa vie et surtout pour rejoindre le Dieu de Jésus dont ses ravisseurs voulaient l’éloigner en l’obligeant à adopter celui de Mahomet. La prière et la messe en « esprit » compensaient difficilement son trop long jeûne eucharistique. Un nuage de non sens noircissait son horizon à l’exemple de celui de Job criant son incompréhension devant un Dieu silencieux. Ajouté à cela le poison mortel de l’inactivité pour cet homme qui,  dans l’esprit des missionnaires d’Afrique, pratiquait tous les métiers et s’attelait à toutes les tâches afin de favoriser la promotion de l’homme et sa dignité. De sa bouche, pas un cri de haine, pas une insulte, que du respect pour les vrais croyants de l’Islam.


Enfin, au terme de cette nuit de 752 jours, il pouvait reprendre les notes confiées à un carnet précieusement conservé, pour nous inviter à allumer comme lui « l’espérance dans l’obscurité des évènements ». Ce livre est pour nous providentiel : il nous rappelle que de la nuit la plus profonde peut jaillir une aurore prometteuse. Cet évangile silencieux, vécu dans les larmes et la déréliction  sera peut-être l’acte missionnaire le plus fécond de la vie de ce prêtre et pour nous, comme la parabole  d’un « Avent » d’une Eglise nouvelle.


    (1) Pier Luigi Maccalli « Chaînes de liberté » médiaspaul 2022

18 novembre 2022

Je vous en prie...

Tandis que la prière personnelle et silencieuse a souvent déserté les églises, sa petite sœur profane s’affiche sans retenue dans les entrées des bureaux ou dans les documents officiels des administrations.  « Prière de bien vouloir sonner » pour une invitation polie. « Vous êtes priés de fermer la porte » dans le genre impératif. « Prière …sous peine de… » dans la catégorie sanction à la clé. Quant au délicieux souhait « Je vous prie de bien vouloir agréer l’expression… », il s’est contracté en « cordiales salutations » aussi sèches que brèves. Qui se souvient dans le beau pays de Béarn avoir été accueilli sur le pas d’une porte par un savoureux : « Het’p en daban, que p’em pregam » autrement dit « Avancez, nous vous en prions » ? De quoi ôter ses souliers et entrer à genoux ! Quant au galant « Je vous en prie » qui laisse la priorité à une dame, il résiste encore…si peu.


Ces temps-ci, les catholiques atterrés par les révélations récentes qui atteignent le clergé achèvent souvent leur conversation en disant : « Il ne reste plus qu’à prier ! ». Comme si devant la complexité et la gravité des problèmes, seul Dieu, par un miracle sorti de ses réserves pouvait redresser la situation. La prière apparaît ainsi comme la solution par défaut lorsqu’on a épuisé tous les autres recours.


Prier c’est, avant tout, revenir à la source, c’est garder le contact avec l’origine qui se perd dans le mystère du don infini. Prier nous aide à nous remettre dans l’axe de la vraie vie, à sonder l’origine, à retrouver le réel, le nôtre et celui du monde. 


On ne prie pas pour que Dieu descende des nuées et vienne réparer les dégâts causés par notre inconduite ou nos incapacités.  Nous nous adressons à Lui  parce que nous savons qu’Il est là au creux de notre détresse, qu’Il ne nous abandonne pas et que sa présence fera de la catastrophe,  non pas un anéantissement, mais une apocalypse c’est-à-dire, comme le mot l’indique, une révélation.


Prier dans les jours lumineux nous fait percevoir à travers un voile qui est Dieu ; prier dans le malheur permet de comprendre qui Il n’est pas ou ce qu’Il n’est pas. Dans un cas comme dans l’autre, Il nous ouvre un chemin vers Lui. A nous de l’emprunter…


19 octobre 2022

A quoi bon !

 


 Les Français n’ont pas le moral. Ils ont le sourire en berne. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement ! Chaque jour, matin, midi et soir, leur est servi la potion amère des informations qui s’inscrivent en négatif sur leurs écrans et qui ont pour titres principaux : pouvoir d’achat, inflation, pénurie, guerre, famines, migrations, naufrages, inondations, épuisement de la planète, réchauffement climatique, déboisement de l’Amazonie, saccage de la biodiversité, sans oublier le Covid…Ajoutez à cela, la violence qui flambe au coin de la rue, les insultes qui fusent à la moindre contrariété, l’obstruction bruyante des gamins qui siègent au palais Bourbon, les agressions sexuelles, l’inconscience des fortunés, le gaspillage éhonté de l’alimentation, l’égoïsme assumé comme seule référence et pour couronner le tout : les fausses nouvelles  parallèles qui jettent le soupçon sur toutes les autres. Etonnez-vous si les citoyens de notre pays avouent déprimer dès le matin en se  levant et « tirent la gueule » le reste de la journée.
 

Désabusés, ils vont en maugréant:
« - A quoi bon aller voter : « ils » parlent et ne font rien.
-        A quoi bon l’Europe, l’OTAN, l’ONU, la guerre gronde à nos portes.
-        A quoi bon faire bien, il y a toujours un idiot ou un jaloux pour détruire ce que l’on a bâti
-        A quoi bon travailler pour vivre mieux et plus longtemps, alors qu’un virus incontrôlé remet tout en question.
-         A quoi bon produire quand tout se soldera par l’épuisement des ressources de la planète.
-        A quoi bon avoir des enfants pour leur offrir un monde invivable.
-        A quoi bon croire quand les croyants ne sont pas mieux que les autres et parfois pires. »


Français, après cette joyeuse avalanche, s’il vous reste un soupçon d’espérance ou un brin d’optimisme, lisez un livre de la Bible appelé l’Ecclésiaste. Son auteur se nomme Qohélet. Il n’hésite pas à s’identifier à Salomon et prétend partager sa sagesse renommée dans tout l’Orient. Qohélet, donc, se chargera en quelques chapitres d’envoyer ce qui reste de votre « moral » au fond du trou et de dissoudre dans l’acide de son analyse du monde le peu d’envie qui vous restait de remonter la pente. Les biblistes se demandent encore comment un texte aussi corrosif a pu entrer dans la liste des livres canoniques. A suivre son raisonnement, rien ne distingue l’homme de la bête, le but de toute l’activité humaine consistant à vouloir tromper la mort en la repoussant le plus loin possible. Hélas, elle aura le dernier mot. Alors tout n’est que « buée », vanité, rien ne tient, tout s’évapore, à quoi bon vivre. Le bon a le même sort que le méchant, il se fatigue pour rien. La mort est à l’œuvre dès le berceau; bienheureux l’enfant  mort-né ! « Je félicite les morts qui sont déjà morts, plutôt que les vivants qui sont encore vivants ! » (Qo 4, 2) A croire qu’il entame une véritable entreprise de démolition du poème de la création  inaugurant le livre de la Genèse répétant à l’envi que tout était bon et béni. Pour l’Ecclésiaste, rien ou presque n’est bon. Même la sagesse en prend pour son grade : « A quoi bon ma sagesse ? Tout cela est aussi vanité. » (Qo 2,15) Il ne reste plus qu’à refermer le livre pour aller boire et manger. «  Mange ton pain dans la joie et bois de bon cœur ton vin » (Qo 9,7). On se serait attendu à sursaut salutaire plus élevé!


Ce livre est peut-être entré dans la Bible à titre d’outil pédagogique. Il n’est pas un appendice fortuit. Il est le porche d'entrée indispensable de ce temple des Ecritures car il faut aller jusqu'au bout de l'absurdité du monde clos sur lui-même pour chercher, ailleurs, la clé de sa vérité. On peut se demander si  cette cure de lucidité désespérée ne nous était pas prescrite comme un préalable nécessaire pour prendre au sérieux la folie de l’homme qui ne se résout pas à sa disparition ? Contre toute logique, au creux des catastrophes abyssales, en face de la bêtise pure, devant l’inanité de toutes ses conquêtes et les revers de tous les progrès obtenus, après un temps d’accablement et de paralysie, le « roseau pensant » s’acharne à recommencer, à rebâtir, à relever (1). D’où lui vient donc cette force vitale qui refuse de se mettre à genoux devant la mort ? A quel appel originel répond-t-il ? Quel est le secret ressort qui bande les dernières énergies pour remonter le rocher de Sisyphe ? Qui a inscrit en nous cet élan forcené qui défie l’inexorable destin du mortel ? Peut-être faut-il passer par les affres de « l’à quoi bon » pour se poser ces questions et pour que nos yeux perçoivent à travers la buée cette source intarissable dont nous cherchons toujours l’origine,  cette empreinte d’un infini  qui ne dit son nom qu’à voix basse.


(1)   Noter que ce verbe est celui employé pour la résurrection du Christ ; Il fait également écho au « Lève toi prend ton grabat et marche ».

13 octobre 2022

Missionnaires et desservants.


 Quel dommage d’avoir déposé le mot « desservant »  dans le cercueil d’une langue morte ! Il se disait d’un prêtre chargé du service d’une paroisse. Il se glissait encore sous la plume de Daudet et sur les lèvres de Don Camillo. Il magnifiait le verbe « servir » sans le compromettre par le voisinage plus prestigieux du curé ou du doyen qui lui aurait fait oublier son modeste rang.


Un congrès de la mission s’est tenu récemment à Paris. Le qualificatif « missionnaire » s’emploie souvent pour désigner des équipes de croyants convaincus, souvent jeunes, qui abordent les gens dans la rue, sur les plages, au cours des festivités, en les interrogeant sur leurs croyances et en leur présentant Jésus comme notre sauveur. La surprise peut se traduire par un sourire étonné devant la fraîche spontanéité de ces jeunes ou par un refus courroucé face à ce qui peut paraître une intrusion sans précaution dans la conscience de chacun. La méthode est celle de l’interpellation. Elle est adaptée à notre temps qui voit grossir de plus en plus la masse de celles et ceux qui sont les orphelins de toute tradition religieuse ou les rejetons de l’athéisme officiel du 20ème siècle. En revanche, les « post chrétiens », qui ont encore quelques relents d’un catéchisme mal digéré, accueillent ces nouveaux missionnaires avec un regard soupçonneux. Cette méthode importée des grandes métropoles cosmopolites mériterait une fine connaissance des mentalités locales.


L’interpellation directe, forcément rapide, court également le risque de présenter le croyant comme un individu bardé de certitudes pratiquant un prosélytisme sans retenue. Or, on « n’a » pas la foi  comme un paquet de convictions acquises une fois pour toutes et que l’on ne remet jamais en question. Etre croyant ou essayer de l’être est une autre histoire car c’est effectivement l’histoire d’une longue fréquentation de Dieu et d’un combat intérieur à l’image de celui de Jacob avec l’ange.


Missionnaires et desservants, si les deux se donnaient la main ! Des missionnaires respectueux de leurs interlocuteurs sont indispensables car « comment croire si personne ne parle » rappelle St Paul. Il faut ensuite des desservants qui nourrissent et maintiennent vivante la foi en essayant de ne pas trop la « desservir » dans le sens négatif du terme. La formule « disciples-missionnaires » voudrait y parvenir.

 

12 septembre 2022

Livres pour une rentrée

 

 « Vivre avec nos morts » tel le titre de l’ouvrage de Delphine Horvilleur, paru chez Grasset qui paradoxalement se termine par ces mots : « A la vie ! ». 


L’auteure, une des rares « femme rabbin » exerçant en France, nous fait part de son expérience de l’accompagnement des personnes en deuil. Elle aborde tous les sujets qui concernent la mort à l’aide de la tradition juive qui s’avère plurielle dans ce domaine comme dans d’autres. 


Ceux et celles qui lisent l’Evangile en replaçant son écriture dans le contexte culturel de l’époque trouveront matière à jeter des ponts entre les commentaires successifs des rabbins contemporains des premiers chrétiens et le récit de la vie et des paroles de Jésus. Ils comprendront par exemple d’où vient la réflexion de celui qu’on appelait parfois « Rabbi » lorsqu’il affirmait que « pas un iota, pas un trait de l’Ecriture ne disparaîtront de la Loi. »


Ils pourront aussi mesurer l’écart entre l’interprétation juive de la Loi qui permet la coexistence de nombreuses versions de la vérité et celle de Jésus qui s’inscrit dans l’acte suprême de sa mort et de sa résurrection, ouvrant ainsi à la révélation impensable d’un Dieu qui se fait l’un de nous. 


Vers la fin de l’ouvrage, l’auteure aborde l’idée de résurrection qui s’apparenterait plutôt à une survivance. Quoiqu’il en soit des différentes théologies, nous pouvons retenir une grande leçon de ce livre : l’humilité et la délicatesse indispensables à tous ceux qui abordent les endeuillés dans l’épreuve de la séparation et du mystère de l’au-delà. 


Un autre livre plus court, mais pas plus léger : « Le très-vif »  de Jérôme Ternynk, prêtre de la congrégation de St Jean, chez Salvator. L’auteur se met dans la peau de Cléophas, l’un des disciples d’Emmaüs. Il nous fait passer par tous les doutes et toutes les espérances de ce disciple qui attend, tous les soirs de la semaine qui suit la résurrection, la venue inopinée du maître.

 
Que sera le Royaume annoncé et promis ? Il attend une réponse. Elle ne viendra pas. Simplement l’Esprit se manifestera et l’engagera, lui et ses amis, sur le même chemin que celui qu’ils appelleront désormais le Fils du Père. 


Une méditation stimulante et profonde à reprendre à petites doses au temps pascal ou autour du repas eucharistique.

 

27 août 2022

Berger à sa façon


Chant à Saint Barthélémy

De l’histoire à la légende il n’y a parfois qu’un pas. Le 20 août 2022 l’église de Jasses (64) a vu naître une légende. Frère Pierre (alias Pierre Moulia) prieur du monastère de Sarrance (64) fêtait ses 80 ans ainsi qu’un record diocésain de longévité : Cinquante cinq ans de présence pastorale en Vallée d’Aspe !! Famille, voisins, amis formaient une assemblée eucharistique chaleureuse animée par un groupe polyphonique qui n’avait rien à envier à leurs homologues corses. 

 Chacun sait que frère Pierre, après Dieu, adore l’histoire ! Il ne manque aucune occasion de déplier des généalogies sur plusieurs siècles au terme desquelles vous vous sentez une parenté avec la moitié du groupe que vous venez de rencontrer par hasard dans le cloître de son couvent! Jusqu’ici en Vallée d’Aspe, il existait trois personnages incontournables. Un député haut en couleur, un écolo contestataire professionnel et un pasteur des « valléens », des résidents intermittents et des itinérants. Ils étaient rentrés tous les trois dans l’histoire récente de la vallée. Les deux premiers ont disparu volontairement ou accidentellement des écrans qu’ils ont longtemps occupés.

 Le troisième est toujours là. Il a rétabli une communauté monastique de Prémontrés dans des lieux qu’ils avaient quittés lors de la Révolution Française, c’est-à-dire hier pour lui ! Avec ce record homologué et cette renaissance actée, il entre désormais dans la légende ! Il sait qu’elle est lourde à porter pour lui et pour ses successeurs. Sagement, il a prévu de s’éclipser un certain temps, mais il y a fort à parier qu’un nuage d’ondes informatiques l’accompagnera dans sa retraite. Et encore de belles et fécondes années !! 

 

12 juillet 2022

Sois le berger de mes brebis

Il n’a pas dit qu’il serait le professeur, le censeur, le proviseur, le savant,
le créateur, le promoteur, le directeur, le chef,
l’éducateur, le sélectionneur, l’entraîneur, le timonier,
le recteur, le procureur, l’animateur ou le guide suprême.

Il a dit
 : « Je suis le bon pasteur, je connais mes brebis, mes brebis me connaissent et je donne ma vie…»
Pour connaître et être connu, tu dois :
Ecouter les vieilles brebis,
Demander conseil aux plus vaillantes,
Surveiller les jeunes imprudentes,
Examiner les malades et les blessées,
Contempler la montagne et scruter le ciel et les nuages,
Compter sur le chien, fidèle gardien,
Suivre les habituées des sentes de l’estive,
Te méfier du mercenaire qui ne pense qu’à son salaire et sa promotion,
Questionner les anciens,
Prendre le temps de poser bien à plat tes idées sur les braises jusqu’à bonne cuisson,
Appeler les autres bergers,
Partager avec eux ton pain et ton vin.

Et, surtout, ne pense jamais, ne dis jamais : « Je suis votre pasteur » tant que tu n’as pas, comme Lui, donné ta vie pour ses brebis.

16 juin 2022

La chapelle ou le blockhaus



 Que se passe-t-il dans l’Eglise de France ? Des études sérieuses se penchent sur les causes de l’agonie annoncée du catholicisme ou prévoient sa possible implosion (1). Et voilà que notre Pape, à quelques jours du 29 juin, date traditionnelle des ordinations, suspend celles d’un diocèse du sud de la France réputé pour attirer de nombreuses vocations et un clergé jeune et dynamique.

Depuis quelques années des fractures de plus en plus visibles lézardent le corps de l’Institution. Entre les traditionalistes autoproclamés ou les conciliaires d’origine contrôlée, entre les communiants sur la langue ou dans la main, entre les fans du latin ou les francophones, entre les cathos intransigeants ou les trop complaisants, entre les pour et les contre François et bientôt entre les chevaliers de Mgr Rey ou ses pourfendeurs, la distance s’élargit et le mur s’épaissit. Sommes-nous à la veille d’un schisme ?
Il y a toujours eu des chapelles dédiées à tel ou tel saint ou à telle ou telle confrérie chez la fille aînée de l’Eglise. Mais pourquoi s’ingénier  à les rendre de plus en plus étanches, parfois arrogantes et pour finir concurrentes ? Et surtout, pourquoi les unes imposeraient aux autres leurs coutumes, leur langue et leur culture comme si le vent de la Pentecôte s’était soudain essoufflé ?
Regardons les absides de nos vieilles cathédrales. Elles sont entourées d’une couronne de chapelles mais celles-ci sont ouvertes sur la grande église et l’on peut aisément communiquer de l’une à l’autre par le déambulatoire.
Est-il encore temps de demander à nos confréries qui n’ont souvent de fraternité que le nom, de se poser sérieusement les questions suivantes : Qui peut prétendre présenter au monde l’image authentique du Christ sans le trahir ? Comment oser se réclamer du véritable Christ alors que ses prises de position ont surpris et scandalisé jusqu’à ses plus proches? Lui-même n’a-t-il pas eu recours à la transfiguration pour laisser entrevoir sa véritable identité ? Par pitié, quittons nos blockhaus et ouvrons nos chapelles vers l’autel, seul signe visible et encore caché du Consacré et du Donné !

(1)    Cf Guillaume Cuchet « Le catholicisme a-t-il encore un avenir en France »  
Danièle Hervieu Léger et J. Louis Schlegel « Vers l’implosion » ed Le Seuil

20 mai 2022

Parle vieillard mais n’empêche pas la musique…


Ils étaient une quinzaine de ceux que l’on appelle pudiquement des prêtres aînés pour éviter de trop les vieillir. Usés, « prothèsés » de toutes parts, riches de leur longue fréquentation de laïcs chrétiens ou pas, heureux de se retrouver à l’initiative de l’un d’entre eux pour écouter une intervention d’un médecin spécialiste des soins palliatifs concernant le temps de la retraite et l’approche de la mort. Comment faire petit à petit le deuil de ce que l’on a fait ou été pour vivre pleinement ce que l’on est devenu, pour se recentrer sur cet Essentiel qui nous a fait vivre. En bref, comment passer du « faire » à « l’être ».
La discussion qui suivit fut fournie car chacun sait que dans cette « profession » on a le verbe haut et facile. Plusieurs réactions s’entremêlèrent. Et d’abord le plaisir, bien compréhensible, d’énumérer ce qu’on savait ou pouvait encore faire au service de l’Église! Mais il y avait du pathétique dans cette insistance sur ce bilan de « ce que je fais encore ». Que va-t-on devenir quand on n’entendra plus : « Ah, heureusement que vous êtes encore là ! »? 


Autre inquiétude : comment s’assurer d’une vie matérielle et sociale décente quand le célibataire « endurci » ayant vécu souvent en communauté doit assurer seul l’intendance ? L’urgence de la question révélait l’absence d’anticipation d’un changement de statut. Deux personnes mandatées par l’évêché étaient là pour rassurer les plus inquiets.


 Plus sereinement, les nonagénaires faisaient part de l’acceptation de leur « déclin » sans chagrin et avec le sourire. Merci à eux !
La présence de l’évêque diocésain et de son vicaire général permettait également à ces « vieilles charrues » d’exprimer leur malaise, tempéré d’un zeste de mansuétude, face à un jeune clergé dont ils ne reconnaissaient pas, et pour cause, la paternité. Comment se sentir père ou frère dans une «  famille recomposée » un peu artificiellement? Occasion offerte à chacun de faire appel à  la « petite fille espérance » tout en gardant assez de lucidité pour ne pas ignorer les limites d’un « dégagisme » qui expédie l’expérience des aînés dans les limbes du passé.


Une rencontre utile que l’on souhaiterait à tous ceux et celles qui abordent ou qui vivent les dernières étapes de cette vie. « Quand tu seras vieux un autre te mettra la ceinture… »


08 avril 2022

Pas de démocratie sans éducation continue

 


 Georges Bastide, philosophe personnaliste, l’un des rares professeurs de l’Université de Toulouse qui, dans la tourmente de 68, n’avait pas troqué son chapeau « petit bourgeois » pour le béret du Che, était interrogé  sur sa vocation de moraliste. « Entre une carrière politique ou universitaire, j’ai choisi l’éducation indispensable à la démocratie » répondait-il.
La situation actuelle illustre pour une part ce choix. Face à une société démocratique amollie, certains sont tentés d’admirer les muscles de l’autocrate qui dirige son vaste empire d’une main de fer et qui n’hésite pas à détruire par le feu un pays gouverné selon lui par des drogués. En effet, on peut légitimement s’inquiéter pour l’avenir des démocraties, régies normalement par la loi, lorsque l’on voit à quel point celle-ci est bafouée y compris par les tenants de l’autorité. L’individu-roi se sait impuni et se croit intouchable. Le délinquant sort du palais de justice, brandit son rappel à l’ordre et se fait applaudir comme le héros du jour. Les forces de l’ordre n’osent plus avouer leur profession et les enseignants sont priés officiellement de ne pas sanctionner pour éviter les ennuis.
 « Force est à la loi » disait-on. Mais quand celle-ci est à la remorque d’une opinion publique manipulée et utilisée comme moyen de pression sur la représentation parlementaire, la démocratie dérive vers l’anarchie ou vers la dictature.
 


A la veille d’une élection présidentielle, dans le climat anxiogène d’une guerre démente et d’un mécontentement généralisé, la tentation est forte de « faire davantage preuve d’autorité et d’en faire le fondement de la gouvernance » souligne Jean Casaubieilh (1). Mais une démocratie ne peut pas vivre sans le soutien de citoyens conscients et responsables et le fait de naître dans un Etat de droit ne suffit pas pour engendrer des démocrates. Mener en parallèle de l’action politique un travail éducatif de fond est indispensable pour les susciter et les maintenir en éveil. Cette éducation devrait s’appuyer sur les grandes traditions philosophiques, morales et religieuses qui inventèrent ces régimes démocratiques tenant l’équilibre fragile entre libertés individuelles et impératifs d’une communauté humaine. Les années de scolarité auraient alors pour but de donner les moyens suffisants pour poursuivre la formation professionnelle et citoyenne tout au long de la vie d’adulte. Cette éducation permanente permettrait à chacun, outre le développement de l’esprit critique indispensable, d’intégrer et de faire siens quelques principes dont celui du sens de la mesure et celui du respect d’autrui. Les débats actuels attisés par les réseaux sociaux en sont hélas tristement dépourvus.
 

(1)    « La Chaîne » (Mars 2022)

10 mars 2022

Filtrée, manipulée, fragmentée, la vérité explose

 



 Un serpent s’immisce dans le dialogue entre Dieu et les humains dès le récit du livre de la Genèse. La tradition chrétienne y a reconnu la préfiguration de Satan. Cette intrusion est lourde de sens. Elle nous rappelle que l’existence de cette puissance maléfique fait partie de la création, qu’elle est antérieure à l’homme et que celui-ci n’est donc pas la seule source du mal et du malheur qui collent à la condition humaine. En effet, si l’être humain avait été totalement responsable du péché et de ses conséquences, il aurait pu être, seul, l’agent de son propre salut. Or, il a fallu que le Père intervienne dans la personne du Fils qui désignera Satan comme son adversaire direct. Faut-il en penser que l’homme est placé dès le départ dans une situation de tentation qui le dépasse, où le mal peut prendre les apparences du bien et la recherche de soi celles de l’amour ? La stratégie de celui que l’on nomme le « jaloux », le « tortueux », le « trompeur », « le menteur » (il a tous les noms car il est « légion »), commence par amplifier l’interdit de Dieu qui consistait à ne pas manger d’un seul arbre du jardin. « Dieu a dit vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin… », susurre le serpent. Ordre impossible à respecter en régime végétarien comme c’était le cas. « Faux ! » aurait dû répondre Adam. Mais quand le « malin » lui fait miroiter qu’il pourrait en outre accéder à la divinité,  la vérité ainsi travestie fait chuter l’homme dans la désobéissance. 


« Les puissances du mal » comme les appelait l’apôtre Paul, ne sont pas mortes. N’a-t-on pas assisté à une magistrale manipulation de la vérité historique au profit d’une rancœur recuite depuis plus de trente ans et d’une revanche longuement préparée par le Sphinx impassible de Moscou? 


De la désobéissance première est né le meurtre. Caïn tua Abel. De la vérité imposée par le Tsar de toutes les Russies est née la guerre. Il reste à souhaiter ce qui advient à tous les grands empires : l’effritement par les bordures ou le pourrissement par le centre. Les petits enfants qui marchent accrochés aux valises de leurs parents vers une lointaine frontière s’en souviendront…En attendant, la prière s’impose pour que Vérité et Liberté se rejoignent.


11 février 2022

Demain l’Eglise…


Hilen Artetik

 Dans sa jeunesse, il a fréquenté l’aumônerie des étudiants de Pau, il a enseigné l’histoire, dirigé des écoles, il est jeune retraité. Il  s’appelle Mikel, basque jusqu’au bout de ses racines et ouvert sur le monde jusqu’au cœur de sa foi. Il aime son pays de Baïgorry et ne manque aucune occasion de le mettre en valeur. Dans ses recherches, il a découvert que 17  jeunes du village des Aldudes étaient entrés au monastère de Belloc en 150 ans. Ils ont connu des fortunes diverses au gré des péripéties de l’histoire du 20 ème siècle. Il a suivi certains d’entre eux « aux Amériques », en Palestine, en Afrique, en exil, à la guerre. Il a recueilli les souvenirs qui couvaient encore sous la cendre de la mémoire de leurs familles, compulsé lettres et archives et interrogé les moines d’aujourd’hui. Il a souligné le développement de la personnalité de ces jeunes bergers qui par le travail, la prière et la vie communautaire ont fait preuve de qualités exceptionnelles. Comment remercier le monastère alors que celui-ci va encore une fois connaître un changement sans précédent?


L’idée a jailli de rassembler, un dimanche, sous les chênes de Belloc qui ont résisté au vent, tous les parents de ses valeureux pionniers,  afin de faire retentir l’expression de ce pays qui avait donné tant de ses fils à Dieu et à l’Eglise. Et voilà que 400 personnes, accompagnées des chanteurs locaux et de la clique en tenue, ont fait chanter les psaumes des Vêpres en langue basque dont les moines furent les traducteurs et les compositeurs. Des prêtres du voisinage se sont joints à cet évènement au même titre que les fidèles, sagement assis à leur place et intérieurement ravis d’assister à cette fête de la mémoire et de la foi. 


Un laïc, aidé de quelques volontaires, a organisé ce qui, autrefois, aurait mobilisé tout le clergé d’un canton. L’Eglise en synode et donc en marche trouvait, cet après-midi là, son illustration la plus prometteuse et la plus éclatante. Si tous les baptisés s’y mettent vraiment, s’ils exploitent toutes les possibilités que leur offre leur baptême, les cloches « au fond de la vallée » (1) ne sonneront plus le glas de la disparition du prêtre mais la naissance d’une Eglise renouvelée.



(1)    Voir l‘article dans jeancasanave.blogspot.com « Village au fond de la vallée »

 
(2)  NB : Miguel de Unamuno, le philosophe de Salamanca, me pardonnera d’avoir attribué par erreur, dans mon dernier article, « Le sentiment tragique de la vie » à son compatriote  Ortega y Gasset. Faute grave mais non tragique !
 

03 février 2022

Tragique et dérisoire

 

 

Miguel de Unamuno, philosophe espagnol du 20ème siècle, avait intitulé un des ses ouvrages : « Le sentiment tragique de la vie ».  Ne nous envahit-il pas lorsque nous faisons le bilan de l’histoire de notre humanité ? Ne sommes-nous pas à la fois les acteurs et les spectateurs d’une immense tragédie qui se déroule depuis des millénaires et dont on ne voit jamais l’épilogue. Nous assistons et nous participons, chacun pour notre part, à ce gigantesque effort de l’humanité qui, rassemblant toute son énergie et son génie, s’est extirpée lentement de l’animalité et continue de repousser sans fin les limites qui entravent ses projets et ses rêves. 


Il serait malvenu de dédaigner les progrès accomplis dans le soulagement de la peine des hommes, dans le soin de ses maladies, dans la recherche de la connaissance de l’univers et dans l’efficacité de ses techniques. Il suffit d’avoir l’honnêteté de regarder en arrière ce que fut notre enfance pour mesurer l’étendue des bienfaits dont nous bénéficions, du moins dans notre pays.

Mais, outre le fait qu’il existe encore une grande partie du monde qui manque du nécessaire, il semble que nous n’en finirons jamais de nous battre contre des obstacles qui surgissent sur la route de l’histoire au fur et à mesure que nous avançons. Le progrès de l’industrie, des communications, de la consommation génèrent des obstacles nouveaux de plus en plus insurmontables. L’épuisement de la planète, l’accumulation des déchets, le changement climatique, notre intrusion dans l’espace et dans l’origine de la vie posent des questions tellement vastes et complexes que les incantations des candidats à nos suffrages paraissent dérisoires et presque futiles. 


Un autre obstacle majeur vient plomber cette course épuisante. Il s’agit de ce sourd « mal être » qui s’empare de nos sociétés occidentales et qui vient poser un masque de défiance sur le visage de beaucoup de nos contemporains. Ils ont conscience de se traîner au raz de leur quotidien de plus en plus soumis à des forces qui leur échappent et qui les écrasent sous leur anonymat et leur puissance aveugle. Ils tourbillonnent comme dans un manège dont ils ne possèdent pas le volant. Ils sont malades d’avoir perdu la maîtrise de leur vie. Enfin,  ils redoutent ce réveil inquiétant de la violence gratuite et sauvage qui devient le lot quotidien de tous les affrontements ! Faut-il en conclure que malgré cette irrésistible poussée de l’intelligence humaine, l’homme en est toujours au même point sur le plan du progrès de son « humanité » et que ses efforts se briseront toujours sur les forces adverses? Il est loin le souffle de Teilhard de Chardin qui entrevoyait une montée progressive de la matière vers l’esprit, de l’humain vers la sphère du divin !


Tragique et dérisoire est notre histoire. La vie de Jésus Christ l’a été, elle aussi. Ne s’est-il pas attaqué à mains nues à la limite indépassable,  celle du mal et de la mort ? Beaucoup se moquaient de Lui. Dérision déjà ! Et pourtant la mort ne lui a pas volé sa vie. Elle était entièrement donnée, il n’y avait plus rien à prendre mais tout à recevoir.   





14 janvier 2022

Le TEMPS



Jusque dans les années 55/60 nous avons connu le temps des grecs ! Dans les premières religions et chez certains philosophes anciens, on parlait d’un éternel retour. Le livre de l’Ecclésiaste en est un témoin : « Rien de nouveau sous le soleil… ». La sagesse populaire approuve : « La roue tourne ». La civilisation paysanne familière du rythme des saisons  était imprégnée de cette vision des choses. D’où l’attachement au passé et à la répétition des gestes, à l’importance du rite qui revient à date fixe.


Avec l’industrialisation et jusqu’aux « 30 glorieuses », le temps linéaire a triomphé. Représenté par la flèche, il était avant tout tendu vers l’avenir. Le temps s’est fait histoire ; il avait un sens.  A preuve la profusion de tous les « pro » : projet, production, profit, promotion, projection... Le marxisme et libéralisme pur ont divinisé l’histoire. Le futur était la seule conjugaison et le progrès, nouveau nom du bonheur, en était le vecteur essentiel. Ce futur, qui devait nous enchanter, nous a plutôt déçus : avons-nous gagné en humanité ? La pro-messe n’a pas été tenue.


Avec la révolution numérique, nous capturons le présent, l’immédiat. L’espace se mondialise et se rétrécit pendant que le temps se rétracte à l’instant T où toutes les données nous sont communiquées, tous les contacts  nous sont permis. Cette immédiateté nous maintient en alerte constante. Après le cercle de l’éternel retour, la flèche du devenir, voici le point de l’instant.


Avec le premier schéma, nous reproduisions le passé en l’améliorant; avec le deuxième, nous jetions les bases des lendemains (qui chanteraient) ; avec le troisième, nous répondons à l’immédiat. Aucun n’est satisfaisant. La reproduction du passé est mortifère ; la fuite en avant s’apparente à l’addiction d’une drogue ; la satisfaction du présent est retour à l’animalité. Le passé n’est plus là, le futur pas encore, quant au présent, il nous apprend un autre pro : « pro-tection » ! Protection contre le virus, contre le « trop proche », contre la science, contre la politique ! Le moment n’est-il pas venu d’inoculer dans le temps des hommes le gène d’éternité que Dieu nous offre?


"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.