18 avril 2009

Pâque au courant d’air.

« N’ayez pas peur ! Vous cherchez le crucifié ? Il est ressuscité… » affirme le jeune homme vêtu de blanc devant les femmes apeurées.
Le temps des grandes peurs n’est-il pas revenu? Une crise économique et financière qui attaque sournoisement dans le dos les pays dits avancés, un réchauffement climatique qui perturbe glaces et vents, une contagion annoncée de menaces terroristes, une possible crise alimentaire et, dans tous les cas, une grave perte de confiance en l’avenir que traduisent les soubresauts d’une jeunesse désorientée.
Réflexe de nos sociétés nanties : se protéger au maximum en se calfeutrant, en se cramponnant aux avantages acquis, en se limitant aux relations privilégiées. Autant d’attitudes qui finissent par nous enfermer et nous asphyxier dans un monde clos sur lui-même dont chacun pense qu’il en est le centre absolu.
Et voilà que l’évadé du tombeau ouvert vient ouvrir tout grand le donjon de nos suffisances. Un grand courant d’air traverse le couloir étroit de nos existences, renverse nos certitudes et s’appuie sur nos déficiences. Pourtant, nous ne serons pas plus que les autres épargnés par la souffrance, par l’angoisse de la mort, par les attaques multiformes du mal. Mais cette envolée ou cette plongée dans la vie éternelle nous procure deux avantages. Tout d’abord elle remet les choses et nous-mêmes à leur place. Un ordre des valeurs s’impose ; il relativise nos déconvenues comme nos succès. Ensuite, cette plongée dans la vie éternelle nous permet de mettre en perspective notre propre histoire : nous avons un « avant » et un « après ». Nous nous situons dans cette grande aventure du salut du monde qui a commencé bien avant nous et qui continuera bien après nous et nous savons que notre parcours personnel, aussi banal et bancal qu’il soit, contribue ou non à cette aventure divine. D’ailleurs, qui aurait parié que Celui qui n’a échappé ni à la loi de la mort ni aux conséquences du péché allait triompher de la croix grâce au souffle de l’Esprit du Père qui l’a soulevé de terre.

Nous sommes, apparemment encore, victimes du mal, vaincus par nos propres excès, soumis à la précarité de la vie ou de la santé. Malgré tout, une voix insistante au fond de nous, nous dit que nous ne sommes pas faits pour cela. Le jeune homme du matin de Pâques nous le confirme : « N’ayez pas peur, Il est ressuscité, désormais un brèche est ouverte dans le mur de la mort et dans l’arrogance du mal, à vous de vous y engouffrer. »

07 avril 2009

Rameaux

La forêt revêt un léger duvet vert ; le verger s’habille de rose et blanc. L’Eglise chante des Hosanna et brandit palmes et lauriers.
L’arbre est le tuteur de l’homme. Aux premiers sommeils, il se fait berceau ; au dernier soupir cercueil. En bas, il est plancher, en haut, il est charpente. Il offre la table et soutient la couche. Sur l’eau, il devient rame, sur le chemin, bâton.
Quand l’arbre se fait croix ; il hurle la mort ; quand il pousse le bourgeon, il appelle la vie.
Les chrétiens ont coutume d’orner leurs crucifix d’un rameau comme pour se souvenir que la croix est les deux à la fois : potence du supplicié et sève du ressuscité.
Ce signe apposé sur leurs maisons leur rappelle qu’ils sont des vivants en sursis. Quand le grand Vendredi les aura dépouillés de nos royautés mensongères, un ânon aux yeux doux les mènera sur le chemin d’humilité…
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.