11 février 2022

Demain l’Eglise…


Hilen Artetik

 Dans sa jeunesse, il a fréquenté l’aumônerie des étudiants de Pau, il a enseigné l’histoire, dirigé des écoles, il est jeune retraité. Il  s’appelle Mikel, basque jusqu’au bout de ses racines et ouvert sur le monde jusqu’au cœur de sa foi. Il aime son pays de Baïgorry et ne manque aucune occasion de le mettre en valeur. Dans ses recherches, il a découvert que 17  jeunes du village des Aldudes étaient entrés au monastère de Belloc en 150 ans. Ils ont connu des fortunes diverses au gré des péripéties de l’histoire du 20 ème siècle. Il a suivi certains d’entre eux « aux Amériques », en Palestine, en Afrique, en exil, à la guerre. Il a recueilli les souvenirs qui couvaient encore sous la cendre de la mémoire de leurs familles, compulsé lettres et archives et interrogé les moines d’aujourd’hui. Il a souligné le développement de la personnalité de ces jeunes bergers qui par le travail, la prière et la vie communautaire ont fait preuve de qualités exceptionnelles. Comment remercier le monastère alors que celui-ci va encore une fois connaître un changement sans précédent?


L’idée a jailli de rassembler, un dimanche, sous les chênes de Belloc qui ont résisté au vent, tous les parents de ses valeureux pionniers,  afin de faire retentir l’expression de ce pays qui avait donné tant de ses fils à Dieu et à l’Eglise. Et voilà que 400 personnes, accompagnées des chanteurs locaux et de la clique en tenue, ont fait chanter les psaumes des Vêpres en langue basque dont les moines furent les traducteurs et les compositeurs. Des prêtres du voisinage se sont joints à cet évènement au même titre que les fidèles, sagement assis à leur place et intérieurement ravis d’assister à cette fête de la mémoire et de la foi. 


Un laïc, aidé de quelques volontaires, a organisé ce qui, autrefois, aurait mobilisé tout le clergé d’un canton. L’Eglise en synode et donc en marche trouvait, cet après-midi là, son illustration la plus prometteuse et la plus éclatante. Si tous les baptisés s’y mettent vraiment, s’ils exploitent toutes les possibilités que leur offre leur baptême, les cloches « au fond de la vallée » (1) ne sonneront plus le glas de la disparition du prêtre mais la naissance d’une Eglise renouvelée.



(1)    Voir l‘article dans jeancasanave.blogspot.com « Village au fond de la vallée »

 
(2)  NB : Miguel de Unamuno, le philosophe de Salamanca, me pardonnera d’avoir attribué par erreur, dans mon dernier article, « Le sentiment tragique de la vie » à son compatriote  Ortega y Gasset. Faute grave mais non tragique !
 

03 février 2022

Tragique et dérisoire

 

 

Miguel de Unamuno, philosophe espagnol du 20ème siècle, avait intitulé un des ses ouvrages : « Le sentiment tragique de la vie ».  Ne nous envahit-il pas lorsque nous faisons le bilan de l’histoire de notre humanité ? Ne sommes-nous pas à la fois les acteurs et les spectateurs d’une immense tragédie qui se déroule depuis des millénaires et dont on ne voit jamais l’épilogue. Nous assistons et nous participons, chacun pour notre part, à ce gigantesque effort de l’humanité qui, rassemblant toute son énergie et son génie, s’est extirpée lentement de l’animalité et continue de repousser sans fin les limites qui entravent ses projets et ses rêves. 


Il serait malvenu de dédaigner les progrès accomplis dans le soulagement de la peine des hommes, dans le soin de ses maladies, dans la recherche de la connaissance de l’univers et dans l’efficacité de ses techniques. Il suffit d’avoir l’honnêteté de regarder en arrière ce que fut notre enfance pour mesurer l’étendue des bienfaits dont nous bénéficions, du moins dans notre pays.

Mais, outre le fait qu’il existe encore une grande partie du monde qui manque du nécessaire, il semble que nous n’en finirons jamais de nous battre contre des obstacles qui surgissent sur la route de l’histoire au fur et à mesure que nous avançons. Le progrès de l’industrie, des communications, de la consommation génèrent des obstacles nouveaux de plus en plus insurmontables. L’épuisement de la planète, l’accumulation des déchets, le changement climatique, notre intrusion dans l’espace et dans l’origine de la vie posent des questions tellement vastes et complexes que les incantations des candidats à nos suffrages paraissent dérisoires et presque futiles. 


Un autre obstacle majeur vient plomber cette course épuisante. Il s’agit de ce sourd « mal être » qui s’empare de nos sociétés occidentales et qui vient poser un masque de défiance sur le visage de beaucoup de nos contemporains. Ils ont conscience de se traîner au raz de leur quotidien de plus en plus soumis à des forces qui leur échappent et qui les écrasent sous leur anonymat et leur puissance aveugle. Ils tourbillonnent comme dans un manège dont ils ne possèdent pas le volant. Ils sont malades d’avoir perdu la maîtrise de leur vie. Enfin,  ils redoutent ce réveil inquiétant de la violence gratuite et sauvage qui devient le lot quotidien de tous les affrontements ! Faut-il en conclure que malgré cette irrésistible poussée de l’intelligence humaine, l’homme en est toujours au même point sur le plan du progrès de son « humanité » et que ses efforts se briseront toujours sur les forces adverses? Il est loin le souffle de Teilhard de Chardin qui entrevoyait une montée progressive de la matière vers l’esprit, de l’humain vers la sphère du divin !


Tragique et dérisoire est notre histoire. La vie de Jésus Christ l’a été, elle aussi. Ne s’est-il pas attaqué à mains nues à la limite indépassable,  celle du mal et de la mort ? Beaucoup se moquaient de Lui. Dérision déjà ! Et pourtant la mort ne lui a pas volé sa vie. Elle était entièrement donnée, il n’y avait plus rien à prendre mais tout à recevoir.   





"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.