29 août 2023

Où va-t-on ?


 Le succès du pèlerinage de Chartres et des JMJ, le chantier audacieux du synode romain suffiront-ils pour redonner le sourire aux catholiques accablés par le rapport Sauvé et par les analyses et autres enquêtes qui n’en finissent pas de sonner le glas des obsèques de l’Église? On ne va pas reprocher aux sociologues et aux journalistes d’évaluer la vie ecclésiale selon les seuls critères de la comptabilité des adhérents, de l’ampleur de sa réussite ou de sa capacité à épouser les cultures contemporaines. Mais cette vision des choses n’est-elle pas victime d’une certaine myopie ? Est-il inconvenant d’introduire dans ce funèbre requiem deux petites notes dissonantes?


La première résonne sur la réussite ou non de l’Église catholique, sur son espace conquis ou perdu. Retour aux origines. Quelle a été la réussite de Jésus son fondateur ? N’a-t-il pas lamentablement échoué ? D’abord à Nazareth, chez lui, où Il aurait pu compter sur un capital de sympathie : « Là, il ne put faire aucun miracle ». N’a-t-il pas « douché » tous les espoirs qu’Il avait réveillés ? A part quelques exceptions, Il n’a pas convaincu ses compatriotes attachés à la Loi juive. Que restait-il de l’euphorie de la multiplication des pains et des guérisons quand on le traînait devant Pilate ? Où sont passés ceux qui applaudissaient ce prophète puissant «  en parole et en actes » quand il trébuchait sur le chemin du calvaire. Quant à ses courageux compagnons, n’ont-ils pas laissé poliment les premières places aux femmes au pied de la croix ! « Échec, peut-être, mais lui au moins n’a pas été pris en flagrant délit d’immoralité et de fausseté ! » pourrait-on objecter. Pourtant, n’allait-il pas se compromettre avec les pécheurs et les publicains !


La deuxième note à introduire dans l’annonce nécrologique de l’Église concerne la mesure du temps. Les commentaires lus ou entendus s’appuient sur l’histoire passée et sur la tradition que l’on estime trop figée de la vieille institution. Ils décortiquent aussi et à souhait un présent guère réjouissant. Quant au futur, il reste suspendu à quelques hypothèses basées sur la vitalité ou le degré d’adaptation supposé des communautés éclatées actuelles. Cet usage du temps semble oublier que les écrits de la deuxième Alliance s’achèvent par le livre de « L’Apocalypse ». Le mot, si ce n’est le message, revient à la mode avec la multiplicité des catastrophes climatiques, la pollution de la terre, les  guerres et les terrifiantes conséquences de la suppression des limites à la voracité humaine. Or, l’auteur de ce livre, codé pour une période de persécution, ne nous demande pas de craindre une fin catastrophique de notre monde mais de scruter une naissance bouleversante !  Des modalités de cette « fin » (finalité) des temps, nous n’avons pas les clés, pas plus que nous n’avons celles de ce qui a présidé à la genèse du monde.

Réfléchir à l’avenir de l’Église non plus en termes de réussite mondaine mais selon la fidélité ou non à l’Évangile et sans exclure les « douleurs d’un enfantement qui dure encore »,  pourrait être la tâche des théologiens. Ils  rendraient ainsi un peu de sérénité aux catholiques. En attendant, laissons au maître de la moisson la gestion de la récolte et contentons-nous de semer humblement ces paroles et ces actes qui nous condamnent à la sainteté sans jamais l’atteindre. Quoiqu’il en soit, le Seigneur viendra et le Ressuscité mettra nos doigts sur les plaies que nous lui infligeons!   

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.