18 novembre 2022

Je vous en prie...

Tandis que la prière personnelle et silencieuse a souvent déserté les églises, sa petite sœur profane s’affiche sans retenue dans les entrées des bureaux ou dans les documents officiels des administrations.  « Prière de bien vouloir sonner » pour une invitation polie. « Vous êtes priés de fermer la porte » dans le genre impératif. « Prière …sous peine de… » dans la catégorie sanction à la clé. Quant au délicieux souhait « Je vous prie de bien vouloir agréer l’expression… », il s’est contracté en « cordiales salutations » aussi sèches que brèves. Qui se souvient dans le beau pays de Béarn avoir été accueilli sur le pas d’une porte par un savoureux : « Het’p en daban, que p’em pregam » autrement dit « Avancez, nous vous en prions » ? De quoi ôter ses souliers et entrer à genoux ! Quant au galant « Je vous en prie » qui laisse la priorité à une dame, il résiste encore…si peu.


Ces temps-ci, les catholiques atterrés par les révélations récentes qui atteignent le clergé achèvent souvent leur conversation en disant : « Il ne reste plus qu’à prier ! ». Comme si devant la complexité et la gravité des problèmes, seul Dieu, par un miracle sorti de ses réserves pouvait redresser la situation. La prière apparaît ainsi comme la solution par défaut lorsqu’on a épuisé tous les autres recours.


Prier c’est, avant tout, revenir à la source, c’est garder le contact avec l’origine qui se perd dans le mystère du don infini. Prier nous aide à nous remettre dans l’axe de la vraie vie, à sonder l’origine, à retrouver le réel, le nôtre et celui du monde. 


On ne prie pas pour que Dieu descende des nuées et vienne réparer les dégâts causés par notre inconduite ou nos incapacités.  Nous nous adressons à Lui  parce que nous savons qu’Il est là au creux de notre détresse, qu’Il ne nous abandonne pas et que sa présence fera de la catastrophe,  non pas un anéantissement, mais une apocalypse c’est-à-dire, comme le mot l’indique, une révélation.


Prier dans les jours lumineux nous fait percevoir à travers un voile qui est Dieu ; prier dans le malheur permet de comprendre qui Il n’est pas ou ce qu’Il n’est pas. Dans un cas comme dans l’autre, Il nous ouvre un chemin vers Lui. A nous de l’emprunter…


"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.