06 décembre 2023

« Jusques à quand Seigneur ?…»

 « Jusques à quand Seigneur ?…» demande le psalmiste angoissé.
Ps 89,46
« La bête humaine » ! Quand elle est majoritaire et qu’elle a l’appui des puissants, elle s’étale en écrasant tout ce qui la gêne. Quand elle est minoritaire et suspecte aux yeux de ses voisins, elle baigne dans le ressentiment, puis elle fait sauter le joug trop pesant.
La fin du 20ème siècle a préparé l’explosion de toutes les minorités. A commencer par celles des peuples premiers qui avaient été laminés par la culture des nouveaux arrivants, jusqu’aux minorités grammaticales refusant que le masculin l’emporte sur le féminin.
En effet, quand une majorité de citoyens de par son poids et sa masse impose la norme sociale et culturelle, elle ne se rend même pas compte qu’elle engendre sur ses marges une société parallèle hybride, composée de toutes les minorités qui se sentent, à tort ou à raison, exclues de ce bien commun.
Ne supportant pas l’existence de ces verrues sur sa peau, la société établie parque ces minorités dans des réserves ou les détruit culturellement, si ce n’est physiquement.
Or, il arrive que des individus « hors normes » ne supportent ni l’exclusion, ni l’assimilation, ni la destruction. Pour faire entendre la voix de leur existence ignorée, ils lancent le cri de ralliement de tous les marginaux. Ce cri, devenu celui de tout un peuple, se décline en revendications politiques.
Malgré l’usage d’une langue commune, les imposants et les imposés ont une compréhension opposée des mêmes paroles. 

La « terre » d’une culture industrielle n’a pas la même résonnance que la « terre » nourricière des ancêtres. Dialogue de sourds, dit-on, traversé par le hurlement de douleur ou de rage.
Quand l’incompréhension ajoutée à la surdité dresse un mur de plus en plus infranchissable entre des communautés imbriquées, les revendications orales laissent la place aux actes violents.
Et ceux-ci génèrent des paroles devenues in/sensées pour les uns et les autres : terroriste ou combattant ?
Ajoutez à cela, le récit plus que bimillénaire d’une histoire de frères ennemis issus d’un ancêtre commun, et vous avez tous les ingrédients pour laisser se déposer sur des relations devenues impossibles, la lie d’une haine monstrueuse.
« Esaü prit Jacob en haine » à cause d’une bénédiction usurpée… (Gn 27,41) Quant à Ismaël, il se souviendra toujours que sa mère fut une répudiée.
Hélas ! Un déluge de bombes n’ouvrira ni les oreilles ni les yeux des frères ennemis. Seul, le sang de l’Innocent pourra « faire tomber le mur de la haine » affirme St Paul, l’ancien persécuteur.

09 novembre 2023

Jamais contents

 

 Jusqu’à la fin du siècle dernier, les paysans étaient réputés comme étant les champions du mécontentement. Pas une année sans que la nature ne vienne contrarier leurs espoirs. Le gel, la pluie, le soleil, la grêle, le vent, les oiseaux et pour finir « la limace » conjuguaient leurs efforts pour contrarier le travail des cultivateurs. Il se trouve que cette année ma voisine m’a glissé au creux de l’oreille une nouvelle stupéfiante qui avait quelque chose d’inconvenant : « une récolte de maïs et de foin fantastique » !! Et elle ajoutait : « On n’a pas à se plaindre ! » N’ébruitez pas cette parole. Elle est révolutionnaire, presque contre nature !
 
Il faut croire que beaucoup de Français sont devenus paysans sans le savoir! Pas une frange de la population qui ne se plaigne amèrement et régulièrement de la vie qui est la sienne.
Les patrons surtaxés qui ne trouvent pas de main-d’œuvre ; les syndicats qui s’insurgent contre le report de l’âge des retraites ;
Les jeunes médecins qui refusent une affectation d’office à la campagne ou qui demandent des « motivations supplémentaires » car soigner les gens est sans doute une motivation insuffisante;
Les automobilistes qui reprennent le vélo pour cause de carburant trop coûteux mais qui vilipendent Les chauffeurs imprudents ;
Les piétons qui redoutent les trottinettes ;
Les usagers des trains toujours en retard ;
Les motards accusant de tous les maux ces routes mal entretenues par les pouvoirs publics ;
Les assureurs pris de court par les intempéries ;
Les chasseurs qui veulent pratiquer leur religion le dimanche comme les promeneurs ;
Les ouvriers qui se méfient de la main-d’œuvre étrangère ;
Les locaux qui détestent les résidents secondaires ;
Les industriels qui redoutent la concurrence chinoise ;
Les vacanciers pressés qui insultent les trop lents camping cars !
Quant au gouvernement, il déplore l’irresponsabilité des députés tandis que le parlement vitupère contre la surdité de l’exécutif. Et vous pouvez ajouter à la liste, elle est sans fin… 


On en oublierait presque celles et ceux qui font la queue devant les restaurants du cœur, qui campent sur les trottoirs et sous les ponts, qui comptent à un euro près, qui ne « s’en sortent pas ». Et tous ces invisibles solitaires qui frôlent les murs en gardant l’apparence de la normalité...


Finalement, le mécontentement n’est-il pas une affaire de proportion gardée ? Il suffit parfois de demander  à ceux qui se plaignent de se mettre à la place de ces populations qui, à nos portes, se déplacent sous les bombes avec un baluchon sur la tête, de ces mères qui ne peuvent plus nourrir leur bébé, de ces vieux qui ne savent pas où ils dormiront, pour que l’intensité du mécontentement et de la colère baisse d’un cran ! Malgré cela, certains n’hésiteront pas à se plaindre encore en arguant que la misère des uns ne doit pas discriminer le mal-être des autres ! Et il y a même fort à parier qu’à la lecture de cette page innocente, une avalanche d’insatisfactions et de commentaires désagréables s’abatte sur le dos de ce vieux chroniqueur qui ne sait plus dans quel monde il vit ! Jamais contents ? A défaut d’être toujours contents, les sages savent se contenter…



02 novembre 2023

Sainteté


Cela se passait au siècle dernier. Le curé du village se plaignait (déjà !) de l’abandon du sacrement de pénitence et se désolait surtout de l’absence des hommes à ce rendez-vous annuel. Un vieux berger, un peu facétieux, se permit de lui donner ce conseil. « Monsieur le curé, quand je vais à confesse, je ne sais que dire car je ne pense pas que mes peccadilles valent la peine d’un aveu. Par contre, si vous me demandez de confesser les péchés de mon voisin, je serai intarissable ! Alors si vous voulez attirer du monde au confessionnal, demandez aux paroissiens d’accuser les péchés des autres !». Cinquante ans plus tard, au siècle suivant, le phénomène s’était amplifié au point que le Père Bro, prédicateur à Notre Dame, publiait un ouvrage au titre évocateur : « On demande des pécheurs ».


Quel lien entre la sainteté et le péché ? Les saints, nous dit-on, ont toujours eu plus que les autres le sens de leur péché. En effet, si le berger avait su que, lorsqu’il rabâchait, en latin, le miserere, il affirmait « mon péché, moi je le connais » (Ps 50), il aurait peut-être eu plus de facilité à l’avouer et aurait fait un pas vers la sainteté.


Les  derniers Papes ont insisté sur le fait que l’Eglise avait davantage besoin de saints que de docteurs ou de managers. En rappelant cela, ils ne prenaient pas de risque. En effet, l’histoire du christianisme fourmille d’exemples de ces hommes et de ces femmes qui ont reformé les institutions par le seul rayonnement de leur sainteté.


L’époque contemporaine, marquée à la fois par la dernière guerre mondiale avec ses conséquences économiques et sociales et par le sous développement de continents entiers, a suscité dans notre pays ou à l’étranger de grandes figures de la charité : l’abbé Pierre, les sœurs Theresa et Emmanuelle, le père Laborde à Calcutta (cf. la cité de la joie) et bien d’autres anonymes qui incarnaient le Christ au chevet des malades, des petits et des pauvres. Un large public a reconnu leur sainteté.


Le temps est peut-être venu de nous rappeler que Jésus était aussi reconnu comme un maître de sagesse, un « sage-saint » : « Rabbi, toi qui ne fais pas de différence entre les personnes dis-nous… » En ces jours d’excès et de fureur où toutes les valeurs qui ont fait le trésor de notre humanité sont remises en question et bafouées, où le pronom possessif est devenu l’idole commune des sociétés occidentales (ma vie personnelle, mes loisirs, mon opinion, mon pays, mon argent), n’avons-nous pas un urgent besoin de maîtres de sagesse ? Non seulement une sagesse imposant une limite à la voracité universelle qui sera vouée malheureusement à disparaître sous la pression de l’opinion publique et  la validation des politiques, mais encore, une sainte sagesse, celle du dépassement et du détachement de toutes les idoles. Ces sages saints seraient les bienvenus à tous les niveaux de la vie en société: celui de la vie politique afin d’éviter l’éclatement du monde, celui de la vie sociale pour retrouver les principes d’une vie en commun élémentaire, celui de la vie personnelle pour qu’elle réponde à sa vocation humaine à être image de Dieu. Tout en sachant  bien que cette sainte sagesse restera toujours folie pour le monde, comme le soulignait déjà St Paul!


21 octobre 2023

Du pain, des hommes et de la terre.


  En 1967, Henri Mendras nous avait gratifiés d’une analyse au titre prémonitoire : « La fin des paysans ». Si l’on s’en tient à l’idée traditionnelle attachée à ce mot, la prophétie du sociologue est réalisée.
Tablant sur des constatations chiffrées, Bertrand Hervieu (1) et François Purseigle, dans une récente étude envisagent « Une agriculture sans agriculteurs ». Une tendance lourde apparaît aujourd’hui qui consiste à confier l’exploitation de la terre, clé en main, à des sociétés. Elles prennent tout en charge, du labour à la récolte en passant par l’administration de la ferme et la commercialisation des produits. Il en résultera au moins trois agricultures. La première entièrement contrôlée, robotisée et financiarisée fournira la base d’une alimentation de masse; la deuxième sera encore gérée par l’agriculteur ou l’agricultrice et s’apparentera à l’exploitation familiale classique. La troisième, la moins gourmande en hectares, s’adaptera à des demandes plus locales et plus spécifiques.
Même constat établi par « l’atelier paysan » qui, dans un ouvrage collectif, veut « Reprendre la terre aux machines ». L’analyse est encore plus cruelle que celle de l’ouvrage précédent et ne laisse augurer d’aucune échappatoire au système mis en place.  De l’avis des auteurs, sous l’emprise incontrôlée du machinisme, l’agriculteur indépendant est devenu au mieux un sous-traitant, sinon un agent technique des firmes industrielles et des marchés financiers.

Il y eut un temps, dont certains se souviennent encore, où l’on répétait sentencieusement  que « la terre commandait ». Nous avons cru pendant 60 ans que l’homme lui imposerait, enfin, sa loi. Mais le consommateur calcule, la terre se rebelle et le paysan désespère. Cependant autour de lui, des initiatives porteuses de perspectives nouvelles voient le jour, issues de la réflexion et de l'engagement de jeunes et de moins jeunes agriculteurs, mais aussi d'autres professions. Tous veulent vivre de leur métier, dignement, avec des conditions de travail et de revenu meilleures que celles de leurs prédécesseurs. Et voici l’agriculteur(trice) sommé(e) une fois de plus de se remettre en question. Au fond, l’enjeu n’est-il pas, encore comme toujours, de renouer l’alliance du pain, de l’homme et la terre avec l’aide, s’il le faut, du robot et de l’intelligence artificielle ? Avec le risque récurrent de se laisser séduire par ces nouveaux dieux qui veulent faussement nous libérer. 


NB Voir la lettre de l’Ifocap-Adour et écouter la conférence de B. Hervieu donnée lors des Trente ans de l’Institut des cadres paysans et acteurs de pays des pays de l’Adour.

 

12 octobre 2023

Bien avant « Laudate Deum »(1)


 Un jeune aumônier accueillait un groupe d’étudiants dans le village de Lescun, au lieu dit « la patte d’oie ». Groupés autour du rocher emblématique, ils contemplaient la perle du Béarn dans son écrin de pâturages et de granges posées sur leur damier verdoyant. Toujours soucieux de transmettre, il leur expliquait comment le mode de vie des habitants avec les trois niveaux de résidence, la maison de l’hiver frileusement blottie contre les autres, plus loin la « grange » des travaux de l’été et, enfin, la cabane du berger perchée dans sa montagne, répondait à la configuration  géographique de ce village. Ces jeunes n’imaginaient pas que, près de chez eux, pouvait vivre une population aux contraintes si différentes des leurs et au mode de vie parfaitement adapté à son milieu naturel.
Et voilà qu’au beau milieu de cette leçon de choses, l’aumônier déclara : «  Et dire que des barbares avec leurs bâtisses, leurs chemins et leurs tracteurs  sont venus « dégueulasser » la belle montagne primitive en décimant les arbres, en rasant des rochers, en délogeant les bêtes et en ouvrant des couloirs d’avalanches!! »
Même les jeunes les plus sensibles aux questions environnementales en furent interloqués. Ils ne voyaient pas en quoi cette intrusion des hommes, qui n’avait fait qu’ajouter de la beauté à celle de la nature, pouvait être répréhensible. Et le jeune abbé provocateur d’expliquer que dans des temps lointains une belle forêt primaire couvrait ce versant montagneux, que ours, chevreuils et coqs de bruyère en avaient fait leur royaume et que son accès étant impossible, nul regard humain ne venait polluer la sérénité secrète de ce lieu.
Les jeunes comprirent vite le message de cette intervention surprenante.  Une vision excessive et intégriste de l’écologie n’a pas de sens sauf à éliminer l’homme de la surface de la terre. Partout où il met les pieds et les mains, il transforme le milieu qui le fait vivre.
Quand il le fait avec discernement et modération, quand agri/culture rime avec « culture », elle se développe dans une harmonie réfléchie entre les besoins de l’homme et ceux de la nature. Alors l’empreinte humaine se fond sans dégâts majeurs dans le paysage qui lui est donné pour être cultivé, c’est-à-dire pour entrer lui aussi en « culture ».
Ces jeunes ont peut-être retenu que l’extrémisme des positions ne génère que des simplismes réducteurs alors que la modération, à ne pas confondre avec  faiblesse de conviction ou lâche compromission,  devient une ardente vertu.

    (1) Dernière exhortation du Pape François



13 septembre 2023

La fin de la chrétienté

 


Pas une conversation entre vieux chrétiens qui ne se termine par le constat amer : « ça va mal dans notre Eglise ! » Inutile de dresser la liste des causes de ce malaise ressenti, elle ne ferait qu’augmenter le sentiment d’impuissance de celles et ceux qui ne peuvent que déplorer l’état de fait.
Il est donc nécessaire de se donner au moins le moyen de comprendre ce qui se passe. La lecture de l’ouvrage récent de Chantal Delsol « La fin de la chrétienté »(1) est d’un précieux secours. L’auteure, à travers une analyse philosophique de la longue histoire des civilisations, nous transporte dans des périodes-clés où de grands bouleversements religieux et culturels se sont produits. Elle nous explique comment les changements des systèmes de la pensée et des mœurs se sont toujours appuyés sur un résidu tronqué et parasité des anciennes croyances. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui. La religion chrétienne avait fondé une civilisation que l’on appelait la chrétienté. Elle s’est effondrée en laissant une sorte d’humus culturel sur lequel croît une autre morale détachée de la foi qui irriguait l’ancienne. Et Chantal Delsol se montre aussi sévère à l’égard des catholiques qui veulent prendre le train de la modernité en marche au risque de s’y dissoudre qu’à l’égard de ceux qui, dans une sorte de « baroud spirituel », veulent restaurer l’ancien monde. Les uns comme les autres refusent la fin de la chrétienté. Mais celle-ci ne signe pas pour autant la fin du Christianisme. D’ailleurs, ce naufrage n’est-il « pas plutôt  un bienfait qu’une catastrophe ? ». « Il n’est pas sûr que Dieu y ait perdu au change » résume Emile Poulat, fin analyste de l’histoire contemporaine de l’Eglise.
Et la philosophe, qui ne passe pas pour une idolâtre des divinités nouvelles, de plaider pour l’avènement de chrétiens copiés sur le modèle des moines de Tibhirine, sortes d’« agents secrets de Dieu », « héros de la patience, de l’attention, de l’humble amour ».

 

En complément, lire l’ouvrage de Danièle Hervieu Léger et Jean Louis  Schlegel « Vers l’implosion : entretiens sur le présent et l’avenir des catholiques » Le Seuil et écouter la conférence de René Poujol « Catholique en liberté » ce vendredi soir à Pau, église St Paul 20h 

 


    (1) Chantal Delsol « La fin de la chrétienté » éditions du Cerf 2023
 

29 août 2023

Où va-t-on ?


 Le succès du pèlerinage de Chartres et des JMJ, le chantier audacieux du synode romain suffiront-ils pour redonner le sourire aux catholiques accablés par le rapport Sauvé et par les analyses et autres enquêtes qui n’en finissent pas de sonner le glas des obsèques de l’Église? On ne va pas reprocher aux sociologues et aux journalistes d’évaluer la vie ecclésiale selon les seuls critères de la comptabilité des adhérents, de l’ampleur de sa réussite ou de sa capacité à épouser les cultures contemporaines. Mais cette vision des choses n’est-elle pas victime d’une certaine myopie ? Est-il inconvenant d’introduire dans ce funèbre requiem deux petites notes dissonantes?


La première résonne sur la réussite ou non de l’Église catholique, sur son espace conquis ou perdu. Retour aux origines. Quelle a été la réussite de Jésus son fondateur ? N’a-t-il pas lamentablement échoué ? D’abord à Nazareth, chez lui, où Il aurait pu compter sur un capital de sympathie : « Là, il ne put faire aucun miracle ». N’a-t-il pas « douché » tous les espoirs qu’Il avait réveillés ? A part quelques exceptions, Il n’a pas convaincu ses compatriotes attachés à la Loi juive. Que restait-il de l’euphorie de la multiplication des pains et des guérisons quand on le traînait devant Pilate ? Où sont passés ceux qui applaudissaient ce prophète puissant «  en parole et en actes » quand il trébuchait sur le chemin du calvaire. Quant à ses courageux compagnons, n’ont-ils pas laissé poliment les premières places aux femmes au pied de la croix ! « Échec, peut-être, mais lui au moins n’a pas été pris en flagrant délit d’immoralité et de fausseté ! » pourrait-on objecter. Pourtant, n’allait-il pas se compromettre avec les pécheurs et les publicains !


La deuxième note à introduire dans l’annonce nécrologique de l’Église concerne la mesure du temps. Les commentaires lus ou entendus s’appuient sur l’histoire passée et sur la tradition que l’on estime trop figée de la vieille institution. Ils décortiquent aussi et à souhait un présent guère réjouissant. Quant au futur, il reste suspendu à quelques hypothèses basées sur la vitalité ou le degré d’adaptation supposé des communautés éclatées actuelles. Cet usage du temps semble oublier que les écrits de la deuxième Alliance s’achèvent par le livre de « L’Apocalypse ». Le mot, si ce n’est le message, revient à la mode avec la multiplicité des catastrophes climatiques, la pollution de la terre, les  guerres et les terrifiantes conséquences de la suppression des limites à la voracité humaine. Or, l’auteur de ce livre, codé pour une période de persécution, ne nous demande pas de craindre une fin catastrophique de notre monde mais de scruter une naissance bouleversante !  Des modalités de cette « fin » (finalité) des temps, nous n’avons pas les clés, pas plus que nous n’avons celles de ce qui a présidé à la genèse du monde.

Réfléchir à l’avenir de l’Église non plus en termes de réussite mondaine mais selon la fidélité ou non à l’Évangile et sans exclure les « douleurs d’un enfantement qui dure encore »,  pourrait être la tâche des théologiens. Ils  rendraient ainsi un peu de sérénité aux catholiques. En attendant, laissons au maître de la moisson la gestion de la récolte et contentons-nous de semer humblement ces paroles et ces actes qui nous condamnent à la sainteté sans jamais l’atteindre. Quoiqu’il en soit, le Seigneur viendra et le Ressuscité mettra nos doigts sur les plaies que nous lui infligeons!   

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.