31 octobre 2021

Belloc, encore et toujours…


 Ce nom fleure bon la beauté harmonieuse d’un paysage amoureusement aménagé et délicatement soigné depuis bientôt un siècle et demi. A l’approche de la Toussaint, la lumière purifiée par la fraîcheur de l’air avive les couleurs automnales. Les brebis piquent de boutons blancs le tissu encore verdoyant des pâturages, les futaies mordorent leurs broderies qui bordent le  ciel. Le carré de l’abbaye ancienne flanqué de ses ailes récentes couronne la colline d’un éclatant diadème.

Là, quelques moines vieillis sous le joug de la règle et secondés par les plus jeunes fraternels et dévoués chantent au long du jour les psaumes usés jusqu’au silence. Malgré l’âge, les infirmités, la fatigue, ils resserrent les rangs clairsemés et jusqu’au dernier filet de voix, ils louent au nom de l’humanité le Dieu qui est, qui était et qui vient. La lumière de leurs visages émaciés éclaire leur longue bure comme la flamme dans la nuit. L’un d’eux, Bernard, conscience vive et lucide, jugement sûr, parole souvent prophétique, va atteindre le siècle en trottinant silencieusement sur son fauteuil roulant. Ils quitteront bientôt le berceau qui les a vus naître à la vie d’un monde nouveau et ils passeront sur l’autre colline, celles de leurs sœurs.



Comme à chacun de mes séjours, j’emprunte la longue allée jusqu’au Christ aux bras ouverts et j’entre avec précaution sur le champ des grands vivants. Six longues dalles mémorielles égrènent le nom de ceux qui sont couchés sous les grands chênes. Ils sont là les  saints de ce 1er novembre et des jours suivants. Ils sont là réunis comme ils l’ont été par la prière, toute une vie durant, malgré leurs péchés et leurs aspérités. « Comme on connaît ses saints, on les honore », frères partis en avant, bien connus ou inconnus, je vous honore tous!

Belloc, malgré le grand déménagement, restera  encore cette terre bénie, baignée de pure lumière. Et pour celui qui écoute, des langues nouvelles et des cantiques nouveaux résonneront encore sur la colline habitée…


14 octobre 2021

L’institution

 

Devant la montagne de turpitudes qui écrase l’Eglise, nous sommes tentés, chrétiens et à fortiori prêtres, de nous terrer, de rentrer dans notre trou et d’y rester. Essayer autant que possible de prendre la mesure du mal accompli et trop longtemps caché, compatir, réparer, prier, se taire. Mais le silence pourrait être interprété aussi comme un manque de courage.


L’institution est l’objet aujourd’hui de tous les reproches et de toutes les invectives. Sous ce vocable est visée la hiérarchie de l’Eglise par opposition aux fidèles laïcs. Mais ne serait-ce pas oublier un trop vite qu’on ne naît pas évêque ou prêtre. Ce sont bien des laïcs qui sont ordonnés à ces ministères. L’origine des déficiences n’est peut-être pas dans la distinction des tâches. Mais bien dans la prépondérance d'un état sur un autre, oubliant le sacerdoce commun des baptisés.
 
Alors, en ces temps d’accablement, deux personnages s’imposent : celui de Pierre et celui de Paul : Pierre, figurant la pesante et prudente institution, Paul, la légère et audacieuse mission. Pierre qui reçoit la charge exorbitante du pouvoir des clefs (Je te donnerai les clefs du Royaume de Dieu…) comprise au fil des siècles comme un pouvoir absolu et surtout solitaire. Or, dès le début de l’Eglise, l’exercice de ce pouvoir n’a pas été vécu ainsi. Paul, le dernier des disciples, s’est permis de faire des reproches à Pierre et cela a provoqué la convocation d’une assemblée décisionnelle, essentielle pour l’avenir de l’Eglise. On l’a appelé la première assemblée synodale (Ac 15). François, notre Pape veut associer toute l’Eglise à une démarche similaire. Aura-t-il la possibilité d’associer les laïcs aux prises de décision à chaque étape de ce processus et jusqu’à son terme ? 


Enfin, pour éviter le cléricalisme insupportable - mais qui n’est pas réservé hélas ! au seul clergé - pourquoi ne pas écouter Pierre quand il écrit à ses lecteurs : « Comme des pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel pour un sacerdoce saint… » (1 P2 ,4). Et pourquoi ne pas s’inspirer des recommandations de Paul aux épiscopes  (les évêques) : « …que l’épiscope soit irréprochable…bienveillant, ennemi des chicanes…Il faut, en outre, que ceux du dehors lui rendent un bon témoignage… » (1 Tim3, 1). Revenons à la source !





"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.