Miguel de Unamuno, philosophe espagnol du 20ème siècle, avait intitulé un des ses ouvrages : « Le sentiment tragique de la vie ». Ne nous envahit-il pas lorsque nous faisons le bilan de l’histoire de notre humanité ? Ne sommes-nous pas à la fois les acteurs et les spectateurs d’une immense tragédie qui se déroule depuis des millénaires et dont on ne voit jamais l’épilogue. Nous assistons et nous participons, chacun pour notre part, à ce gigantesque effort de l’humanité qui, rassemblant toute son énergie et son génie, s’est extirpée lentement de l’animalité et continue de repousser sans fin les limites qui entravent ses projets et ses rêves.
Il serait malvenu de dédaigner les progrès accomplis dans le soulagement de la peine des hommes, dans le soin de ses maladies, dans la recherche de la connaissance de l’univers et dans l’efficacité de ses techniques. Il suffit d’avoir l’honnêteté de regarder en arrière ce que fut notre enfance pour mesurer l’étendue des bienfaits dont nous bénéficions, du moins dans notre pays.
Mais, outre le fait qu’il existe encore une grande partie du monde qui manque du nécessaire, il semble que nous n’en finirons jamais de nous battre contre des obstacles qui surgissent sur la route de l’histoire au fur et à mesure que nous avançons. Le progrès de l’industrie, des communications, de la consommation génèrent des obstacles nouveaux de plus en plus insurmontables. L’épuisement de la planète, l’accumulation des déchets, le changement climatique, notre intrusion dans l’espace et dans l’origine de la vie posent des questions tellement vastes et complexes que les incantations des candidats à nos suffrages paraissent dérisoires et presque futiles.
Un autre obstacle majeur vient plomber cette course épuisante. Il s’agit de ce sourd « mal être » qui s’empare de nos sociétés occidentales et qui vient poser un masque de défiance sur le visage de beaucoup de nos contemporains. Ils ont conscience de se traîner au raz de leur quotidien de plus en plus soumis à des forces qui leur échappent et qui les écrasent sous leur anonymat et leur puissance aveugle. Ils tourbillonnent comme dans un manège dont ils ne possèdent pas le volant. Ils sont malades d’avoir perdu la maîtrise de leur vie. Enfin, ils redoutent ce réveil inquiétant de la violence gratuite et sauvage qui devient le lot quotidien de tous les affrontements ! Faut-il en conclure que malgré cette irrésistible poussée de l’intelligence humaine, l’homme en est toujours au même point sur le plan du progrès de son « humanité » et que ses efforts se briseront toujours sur les forces adverses? Il est loin le souffle de Teilhard de Chardin qui entrevoyait une montée progressive de la matière vers l’esprit, de l’humain vers la sphère du divin !
Tragique et dérisoire est notre histoire. La vie de Jésus Christ l’a été, elle aussi. Ne s’est-il pas attaqué à mains nues à la limite indépassable, celle du mal et de la mort ? Beaucoup se moquaient de Lui. Dérision déjà ! Et pourtant la mort ne lui a pas volé sa vie. Elle était entièrement donnée, il n’y avait plus rien à prendre mais tout à recevoir.
4 commentaires:
Merci pour cette très belle analyse qui pose bien la question de notre condition humaine et le salut que nous offre le Christ vivant.
Je relève juste une remarque : « les incantations des candidats à nos suffrages paraissent dérisoires et presque futiles ». Sans incantations électorales, avez-vous lu le programme « l’Avenir en commun » ? Tout sauf futile, il propose une stratégie humaniste pour sortir de la situation de blocage actuelle. J’y vois un écho politique, très cohérent avec « Laudato si » et Fratelli tutti ».
Merci pour cette référence et en espérant que programme soit réalisé!! JC
Cher monsieur :
j'apprécie beaucoup vos commentaires mais j'aime trop Miguel de Unamuno pour ne pas vous faire remarquer que c'est ce grand poète et philosophe catholique,basque et espagnol à la fois qui a écrit "Le Sentiment tragique de la vie"
bien cordialement à vous
J. Penet de la Bussière
Cher Monsieur,
"Tragique" erreur. J'ai trop aimé Unamuno pour ne pas rectifier ma bévue. Trop d'années me séparent de la fréquentation de ces auteurs qui m'induisent à la confusion!! Merci pour votre remarque. Bien cordialement JC
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