Cette expression claquait fièrement sur les lèvres du jeune homme, monté sur ses ergots, qui venait d’accomplir le service militaire. En ce temps là, pas si lointain, tous les Français subissaient, à cette occasion, trois vaccins réglementaires sans qu’il ne soit venu à personne l’idée d’en demander le nom ou d’en contester l’usage.
Vaccinés oui ! Majeurs à 21 ans pas sûr ! Mais pour le moins conscients, après 18 ou 16 mois passés sous les drapeaux, que la vie en groupe comprenait quelques obligations essentielles.
« Obligatoire » est devenu un adjectif banni et honni par une partie de nos compatriotes. La liberté qui a coûté la vie à tant de nos anciens et de nos ancêtres risque, nous dit-on, sa peau sous l’effet d’une piqûre ! Qu’un gouvernement ose imposer une vaccination et chacun se sent offensé dans son intouchable dignité : « Je suis libre de disposer de mon corps comme je l’entends ! »
L’ennui, c’est que mon corps biologique dépend en grande partie du corps social dans lequel il vit, et vice versa. Et de même qu’il y a obligation pour l’individu de neutraliser ses cellules cancéreuses quand elles apparaissent s’il tient à la vie, de même la société est obligée d’édicter des lois contraignantes pour éradiquer les éléments qui la mettent en danger. On peut supposer que celui qui se prétend « libre de disposer de son corps », une fois prononcée cette belle déclaration, va prendre sa voiture et rouler sagement à droite obéissant à une « obligation » du code de la route. Il ne se plaindra même pas de la présence du gendarme rappelant ce même code aux oublieux.
La question n’est pas entre obligation et liberté car la règle commune est nécessaire à la liberté de chacun. Le problème réside dans le consentement à la loi. En effet, tant que celle-ci se présente comme une contrainte extérieure douloureuse ou injuste, elle sera rejetée. Si elle est intégrée par l’habitude ou le raisonnement, elle sera respectée.
Il y aura toujours un mouvement de rébellion contre toute atteinte à notre libre arbitre et c’est l’honneur de l’être humain de vouloir être respecté dans sa responsabilité propre. Pourquoi alors ne pas exhumer une expression tombée malheureusement dans les limbes du vocabulaire : « Je vous serai obligé de bien vouloir.. » Nous voilà encore dans l’obligation mais, cette fois-ci, partagée !
C’est peut-être de cette manière qu’il faut comprendre ce qui à première vue apparaît comme un contresens : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer ». En régime d’amour l’obligation même douloureuse n’est pas évacuée, au contraire on en redemande !!
Vaccinés, presque ; majeurs, toujours pas !