31 juillet 2021

« Majeur et vacciné »



 Cette expression claquait fièrement sur les lèvres du jeune homme, monté sur ses ergots, qui venait d’accomplir le service militaire. En ce temps là, pas si lointain, tous les Français subissaient, à cette occasion, trois vaccins réglementaires sans qu’il ne soit venu à personne l’idée d’en demander le nom ou d’en contester l’usage.


Vaccinés oui ! Majeurs à 21 ans pas sûr ! Mais pour le moins conscients, après 18 ou 16 mois passés sous les drapeaux, que la vie en groupe comprenait quelques obligations essentielles.
« Obligatoire » est devenu un adjectif banni et honni par une partie de nos compatriotes. La liberté qui a coûté la vie à tant de nos anciens et de nos ancêtres risque, nous dit-on, sa peau sous l’effet d’une piqûre ! Qu’un gouvernement ose imposer une vaccination et chacun se sent offensé dans son intouchable dignité : « Je suis libre de disposer de mon corps comme je l’entends ! »


L’ennui, c’est que mon corps biologique dépend en grande partie du corps social dans lequel il vit, et vice versa. Et de même qu’il y a obligation pour l’individu de neutraliser ses cellules cancéreuses quand elles apparaissent s’il tient à la vie, de même la société est obligée d’édicter des lois contraignantes pour éradiquer les éléments qui la mettent en danger. On peut supposer que celui qui se prétend « libre de disposer de son corps », une fois prononcée cette belle déclaration, va prendre sa voiture et rouler sagement à droite obéissant à une « obligation » du code de la route. Il ne se plaindra même pas de la présence du gendarme rappelant ce même code aux oublieux.


La question n’est pas entre obligation et liberté car la règle commune est nécessaire à la  liberté de chacun. Le problème réside dans le consentement à la loi. En effet, tant que celle-ci se présente comme une contrainte extérieure douloureuse ou injuste, elle sera rejetée. Si  elle est intégrée par l’habitude ou le raisonnement, elle sera respectée.


Il y aura toujours un mouvement de rébellion contre toute atteinte à notre libre arbitre et c’est l’honneur de l’être humain de vouloir être respecté dans sa responsabilité propre. Pourquoi alors ne pas exhumer une expression tombée malheureusement dans les limbes du vocabulaire : « Je vous serai obligé de bien vouloir.. » Nous voilà encore dans l’obligation mais, cette fois-ci, partagée ! 


C’est peut-être de cette manière qu’il faut comprendre ce qui à première vue apparaît comme un contresens : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer ». En régime d’amour l’obligation même douloureuse n’est pas évacuée, au contraire on en redemande !!


Vaccinés, presque ; majeurs, toujours pas !

18 juillet 2021

« Ils étaient comme des brebis sans berger… »

L’image d’Épinal veut que le bon berger marche allégrement en tête du troupeau, bâton en main, béret vissé sur le crâne,  répondant joyeusement aux salutations de ceux qui lui souhaitent un bel été dans les hautes estives. Cette vision du métier correspond à celle du premier de cordée impétueux ouvrant gaillardement la voie de l’ascension. Mais le berger sait que ses chiens jouent les serre-files et qu’en queue du peloton quelqu’un veille à rameuter les distraits. Le premier de cordée trop occupé à baliser les bonnes prises ou à équiper la voie d’escalade risque fort de ne pas entendre celui qui dégringole.
Il serait bien tentant pour le pasteur de se tenir à l’arrière de la troupe pour encourager les faibles et les craintifs mais ne risque-t-il pas de décourager les vaillants et les téméraires qui se lasseront d’attendre le reste du train ?
La bonne position ne serait-elle pas de cheminer sur le côté de la nappe ondulante, embrassant d’un seul coup d’œil l’avant et l’après, encourageant les humbles, ceux qui ne se font pas remarquer mais qui maintiennent la cohérence de l’ensemble ? Ceux qui n’aiment pas la foule bêlante et qui veulent inventer leur propre chemin reprocheront certainement la lourdeur et l’anonymat de cette administration impersonnelle.


Ayant expérimenté les avantages et les inconvénients des trois postures précédentes, le berger zélé ne résistera pas à la tentation de se démener de telle sorte d’être partout à la fois quitte à stresser et à énerver tout ce petit monde. Il s’en repentira vite devant la folle espièglerie qui s’emparera des plus calmes.
Alors, sagement, il ira s’assoupir au pied du grand rocher en laissant les vieilles brebis choisir l’herbe la plus tendre et son chien pastou donner l’alerte en cas danger.


Frère prêtre, comme moi, tu te reconnaîtras sans doute dans ces portraits tirés à gros traits du bon pasteur. Il me reste à te souhaiter un peu de repos à l’ombre de ton rocher préféré.
Quant à vous, frères laïcs, qui avez en charge aussi, d'une autre manière, de guider, de diriger, d’animer, de nourrir, de faire vivre une communauté humaine quelles qu’en soient  sa dimension ou son importance, n’oubliez pas, vous non plus, l'essentiel : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. »  Marc 6,31

 


 

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.