05 novembre 2025

Visite en Mongolie…

« Le fou de Dieu au bout du monde »(1) est le  titre d’un livre relatant le voyage du pape François en Mongolie où ne résident que 1500 catholiques. L’auteur, Javier Cercas, écrivain espagnol collectionnant les prix littéraires se présente : « Je suis athée. Je suis anticlérical. Je suis laïc militant, un rationaliste obstiné, un impie rigoureux ». Et c’est ce « fou sans Dieu », autre appellation auto proclamée, qui, contre toute attente, reçoit un appel téléphonique du directeur des éditions vaticanes lui demandant de bien vouloir faire partie de la délégation qui accompagnera le Pape dans son périple. Une seule exigence : écrire un livre à son retour. L’écrivain hésite puis relève le défi tout en sollicitant la faveur d’un court entretien avec François. Etonné de ne lire que des comptes-rendus qui mettent exclusivement l’accent sur les retombées sociales ou politiques des discours de l’Argentin Bergolio et rattrapé par les mots de sa mère affirmant qu’elle reverra au ciel son défunt mari, il veut « interroger le pape sur la résurrection de la chair et la vie éternelle ». Deux promesses à ses yeux « scandaleuses » et néanmoins au cœur de la foi catholique. 


Nous passons par la ville éternelle dont nous finissons par connaître tous les recoins et tous les protagonistes clercs ou laïcs de cette aventure. Nous pénétrons ensuite dans l’univers du Vatican si décrié et pourtant si  méconnu. Aucun des problèmes de l’Eglise n’échappe au diagnostic de l’incroyant de service qui sait appuyer où ça  fait mal. 


Nous embarquons dans l’avion pontifical : 471 pages d’une folle cavalcade mongole dans un « mélange extravagant de chronique et d’essai et de biographie et d’autobiographie ». Une fantasia littéraire qui nous fera traverser plusieurs mondes grâce à une érudition flamboyante faisant appel à une réserve inépuisable de références bibliques, théologiques, sociologiques, politiques, poétiques, géographiques. La verve torrentielle de Cercas emporte sur son passage le cléricalisme dénoncé par François, la synodalité en  gestation, le langage incompréhensible de l’Eglise,  la théologie de la libération, les accointances du responsable des jésuites d’Argentine avec le péronisme…Cette plongée au cœur de l’Eglise nous donne droit à de véritables cours de théologie en particulier sur l’éternel affrontement entre la raison et la foi qui s’apaiserait s’il laissait une place au « sentiment » trop négligé !


Rien ni personne n’échappe au scalpel de l’« impie » sauf ces fous de Dieu que sont ces missionnaires, hommes ou femmes, immergés dans un univers totalement étrange avec un seul espoir : celui de refléter l’image du Christ frère jusqu’au bout de l’amour. Pier Luigi Maccali (2), missionnaire en Afrique enlevé pendant 2 ans par les djihadistes est cité, lui aussi, parmi ces témoins sans parole de l’absolu.  
Enfin, avec l’anticlérical revendiqué, nous pénétrons dans le monde « Bergolio », un « vrai chrétien monté sur le siège de Pierre » ce qui ne nous empêche pas de déceler ces moments cruciaux où le jésuite est passé par des remises en causes douloureuses. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette excursion aux périphéries du monde et de l’Eglise guidée par un athée, invite à la prière ! 
L’auteur réussira-t-il à approcher François pour lui poser la question  qui le hante et dont sa mère attend la réponse? Il faut lire le livre jusqu’à la fin sans perdre le souffle…


    (1) Editions Actes Sud.
    (2) Voir jeancasanave. blogspot .com sous le titre : « L’honneur des chrétiens : Pier Luigi Maccali » blog du 15/12/2022


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