Il fallait un certain courage à ce brillant journaliste, fréquentant l’intelligentsia de notre pays, au mieux frileuse au pire sarcastique à l’approche des rives du religieux, pour publier « Urbi et Orbi » : « Comment je suis redevenu chrétien ? »(1). C’est en analysant honnêtement et sans à-priori idéologique notre modernité sécularisée que le chroniqueur du Sud-Ouest Dimanche et de l’hebdomadaire La Vie s’est aperçu qu’elle vivait encore sur les bases d’un christianisme refroidi. Il lui fallait encore pousser plus loin ses investigations pour mesurer la révolution que cette religion avait semée dans le monde avant d’aborder la relecture contemporaine de l’Evangile. Ce travail qui l’engageait corps et âme laissait percer une pensée juste, exigeante et sans concession à la facilité.
Il n’en fallait pas tant pour que le responsable de la formation des chrétiens dans le Béarn se plonge dans toute une série d’ouvrages que, l’ami de la vallée d’Ossau, consacrait à l’évolution de notre société et parfois à son aplatissement. Il mettait ainsi à notre portée les travaux de spécialistes qui entouraient les philosophes comme Michel Serres, René Girard, Jacques Ellul, Edgard Morin et autres analystes du monde contemporain. Personne alors ne s’étonna qu’invité à donner deux conférences à Pau, l’écrivain charentais fasse « église comble » !
Cet intellectuel ne s'encombrait pas des mondanités usuelles de son milieu. De sa profession de journaliste baroudeur, correspondant de guerre pour le journal « Le Monde », il avait gardé un goût pour la fraternité et pour la simplicité. Une complicité montagnarde l’encouragea à écrire la préface du livre "L'un de vous, prêtre d'une fin de siècle" (2). Celui qui était devenu éditeur profita de cette occasion pour dire tout le bien qu'il pensait de la vie pastorale dans les Pyrénées et combien il savourait le silence retrouvé de ses randonnées.
Voici quelques extraits de cette ode à la montagne béarnaise : « …la vallée d’Ossau est l’un des endroits d’Aquitaine que j’aime entre tous. Surtout vers la fin du printemps…Climat encore frais, fonte tardive des neiges qui marquettent les parages des lacs de Louesque, d’Izieu ou d’Anglas…On me dira qu’il est saugrenu de s’émerveiller de la transhumance en vallée d’Ossau, au moment même où les guerres s’enlisent un peu partout…où une désespérance sociale se répand chez nous en Europe… La lente montée des moutons vers l’estive, fêtée dans les villages et conduite par des bergers patients représente l’exact contre point des folies ordinaires…Ici la lenteur prévaut au lieu et place de la hâte…Monter vers l’estive, c’est prendre de la hauteur (à tous les sens du terme) mais c’est aussi monter vers le silence. Or le silence est une devenu une dentée rare…Et la prière n’est jamais loin… »
Au moment où Jean Claude Guillebaud, au-delà des pics saupoudrés de la première neige, bascule maintenant dans l'éblouissement de la lumière divine, nous pensons à lui avec gratitude et nous prions pour lui et avec lui !
(1) Ed Albin Michel 2007
(2) Ed Parole et Silence 2018

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