-« Ailleurs, on m’appelle « comtoise ». Chez toi, j’ai toujours été « la pendule ». Depuis ton enfance, tu cherches à savoir depuis quand je fais battre mon pouls : 2 siècles ? 3 ? C’est mon secret !
Je sais que tu trembles lorsque tu remontes le fin cordon et que les crocs de mes rouages grincent sous l’effort. Par contre, je n’ai guère aimé ta désinvolture lorsque, pour ne pas troubler le sommeil de tes invités, tu as laissé choir à terre le poids qui actionnait ma claire sonnerie.
Je me régale quand les tout petits, fascinés par cet écran de télévision inédit, se plantent devant mon hublot et observent le va et vient du balancier sans que jamais n’apparaisse l’opérateur de ce mouvement incessant.
A ce propos, j’ai vu un jour un de tes amis, installé devant moi sur une chaise, les bras croisés, les yeux hypnotisés par le balancement de cette lune cuivrée infatigable, l’oreille aux aguets et la tête perdue dans un nuage d’idées. Intrigué, tu lui as demandé : « Que fais-tu ? »
-« J’écoute le temps qui passe et je suis terrifié. Ta pendule est une menteuse. Elle offre à voir le cercle parfait de son cadran, elle laisse entendre le travail de son mécanisme comme celui d’un infini recommencement, elle donne l’impression de distiller un temps cyclique perpétuel. « Clic, clac, clic clac ». Or, au moment même où claque le « clic », il s’évanouit dans le passé et il entre dans un futur totalement provisoire, « clac » ! Le présent existe-il ? N’est-il qu’un passage inconsistant entre ce qui fut et ce qui n’est pas encore ? » Et pourtant, je connais bien des malades pour lesquels ce temps sautillant se fige dans une douloureuse et épaisse immobilité !
-« Je crois que ton ami a raison. J’égrène un temps emprunté au mouvement des astres mais où se cache réellement sa consistance ?
Tiens, écoute. La cloche de l’église balance l’angélus de midi. Tu peux constater que, malgré mon âge, je suis à l’heure ! Cette sonnerie familière te rappelle la visite de « l’Astre d’en haut». Il est venu bouleverser notre calendrier et entamer une ère nouvelle. Sa mort obscurcit la terre, à 15h, un vendredi et fit lever, trois jours après, le soleil, sur un éternel matin ! C’est lui le maître des horloges !
Console ton ami. Le présent est déjà vieux. Cependant, mes secondes ne se perdent pas dans le néant. Elles scandent discrètement le passage vers le « hors-temps » que l’on appelle l’éternité ».
A chacune et à chacun, belle et féconde année !
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