23 janvier 2024

Bénir

 Il faut croire que l’Eglise n’a pas de problème plus urgent à résoudre que celui de disserter sur les conditions de la licéité d’une bénédiction. On peut comprendre que, dans un contexte de confusion et d’ignorance du vocabulaire usuel, les évêques français aient le souci de distinguer le sacrement du mariage d’une bénédiction donnée à des personnes du même sexe vivant ensemble ou à des divorcés remariés. Les académiciens français, artisans officiels du dictionnaire de notre langue, auraient été bien inspirés de proposer un mot nouveau pour désigner ces unions de nature bien différentes à moins que le lobby LGBT, après avoir revendiqué haut et fort pendant des années le respect d’un statut différent, ne les ait convaincus du contraire c’est-à-dire de la revendication du « mariage pour tous » et plus tard de la parentalité pour tous!

Ceci dit, les réactions des évêques africains qui refusent le texte du Vatican pour des raisons politiques laissent perplexe. Si l’union homosexuelle est interdite par les gouvernements,  la question de la bénédiction est hors sujet. Par ailleurs, comment distinguer les unions irrégulières et les autres, lorsqu’à la fin de la messe de la nativité, dans la chaleur de la nuit africaine, est donnée la bénédiction finale, sachant que dans la foule dense et bigarrée, se sont faufilés bien des situations refusées par la doctrine chrétienne !
Plus près de chez nous, lors de la bénédiction annuelle et estivale des bâteaux sur le bassin d’Arcachon,  a-t-on jamais entendu l’archevêque de Bordeaux demander aux divorcés remariés  de rester à quai et aux nombreux renégats de leur baptême, pécheurs publics s’il en est, de quitter la jetée ? Et si l’un d’eux, emporté par un réflexe religieux  esquisse un mini signe de croix furtif, personne ne s’en offusquera !
Quant aux curés de nos vallées pyrénéennes, ils ne paraissent pas se faire trop prier pour accompagner à coups de goupillon le départ des troupeaux en transhumance, même si, au passage, le jeune berger et sa compagne, baptisés et vivant ostensiblement en union libre, donc canoniquement en situation de péché,  reçoivent quelques gouttes d’eau bénite !
De même encore, n’y a-t-il que des motards en situation régulière qui lors d’un rassemblement  festif demandent à un prêtre, lui-même motorisé, de bénir leurs « bécanes » rutilantes ?

A-t-on subitement oublié que les adversaires de Jésus lui reprochaient de s’attabler dans la maison de Lévi avec des publicains et des pécheurs, non parce qu’il mangeait avec eux, mais parce que le repas était encadré de bénédictions  et que l’on ne pouvait pas s’associer à la prière des pécheurs ?

Pourquoi ces arguties et ces analyses de texte pour distinguer la bénédiction donnée à chaque individu et non au « couple » alors que tout le monde est au courant de leur situation et que, dans les cas précédents, personne ne prend la précaution de distinguer les uns des autres?
Chacun sait très bien que la mère des bénédictions  est celle du Créateur, déclinée en 6 séquences dans le récit de la Genèse, déclarant que toute sa création était bonne : « Et il vit que cela était bon ! ». Et quand l’homme bénit à son tour, il rend à Dieu sa bénédiction ou répète pour ses frères le geste créateur qui ne fait aucune distinction entre les œuvres créées. (1)
Tout chrétien et tout prêtre est capable de faire la différence entre une bénédiction et un sacrement, entre l’approbation ou non d’une union et une prière pour des enfants de Dieu.
A moins que tout ce tapage théologique et pastoral (n’a-t-on pas brandi la menace de l’hérésie) ne consiste à placer des peaux de banane sous les pieds de François qui, heureusement, se déplace en fauteuil !!!

Malheureusement, une fois encore, comme bien souvent dans l’Eglise, on trouve une réponse officielle à des demandes formulées depuis longtemps mais dont plus personne  n’éprouve  aujourd’hui ni l’urgence ni même la nécessité. Qui, dans ces situations familiales et conjugales de plus en plus brouillées se soucie d’en appeler à la bénédiction de Dieu ?


(1)Voir dans mon blog (jeancasanave.blogspot.com) l’article bénédiction. Bénédiction



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