03 décembre 2020

Attendre

 


 « Je n’attends plus rien de la vie » constate le vieillard lucide qui en a tant vu. « Je ne sers plus à rien » se désole la vieille maman qui attend le plateau repas de l’EHPAD. Elle sait d’expérience  que la vie est mouvement, action ; que ruminer le passé ou rêver le futur ne font pas avancer les choses. « Je n’ai pas le temps d’attendre» halète le poly-actif agité.
La Bible, qui elle aussi « en a tant vu », connaît le temps sans fin, sans but,  qui  semble s’enrouler sur lui-même dans une monotone répétition des jours, des nuits, des saisons, des guerres cruelles et des paix éphémères. Emporté par les rouleaux de l’histoire, balloté entre déportations, oppressions et occupations, le peuple des croyants n’en finissait pas de subir le temps et n’attendait plus rien des lendemains. « Rien de nouveau sous le soleil » concluait le sage Qohelet désabusé.   
Face à cet horizon fermé par l’éternel retour de l’insignifiant ou du mal, un prophète un peu fou relève la tête : « Ne vous souvenez plus du passé, je vais faire du nouveau » fait-il dire à Dieu et le voilà qui annonce des « cieux nouveaux et une terre nouvelle». Ne ruminez plus les splendeurs d’autrefois, ne rêvez plus à l’impossible victoire, visez l’impossible répétait Isaïe.
 Qu’est-ce qui lui permettait d’entonner ce refrain alors que les épaules des prisonniers ployaient toujours sous le joug du vainqueur ? Une foi inébranlable en Dieu. Un Dieu qui ne supprimera pas les rouleaux incessants de l’éternel retour des choses de la vie et de la mort mais  qui nous rendra capables de transformer le futur  en avenir, ouvrant  ce temps répétitif sur l’éternité.
Comme les captifs de Babylone,  ne sommes-nous pas acculés à subir les éternels errements de l’histoire, qui n’ont d’autre issue que de butter sur l’épuisement de l’univers et la mort individuelle? La période de l’Avent semble entrer, elle aussi, dans cette impression de déjà vu. Or cette attente de Noël vient greffer sur les troncs noueux de nos rêves déçus, un rameau  qui fleurira en « cieux nouveaux et terre nouvelle ». Non, notre radicale pauvreté n’ouvre pas les mains de notre prière sur une chimère, notre attente n’est pas vaine. Nous savons qu’Il est déjà venu et qu’Il vient encore… 




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