On meurt même en été…
A Nice, au volant d’un camion, un terroriste fait un
carnage, en public, en un lieu mondialement connu. Des dizaines de vies
joyeuses, au parfum d’été, catapultées, broyées, déchiquetées par un monstre
qu’elles n’ont pas vu venir en face.
A Saint-Etienne-du-Rouvray, un vieux
prêtre égorgé, en huis clos, au couteau, au cours de la messe matinale.
Point
commun : la revendication fait état de « soldats » de l’EI. Vous
remarquerez au passage le courage manifesté par ces dits soldats !
Dans les deux cas on parle d’acte de guerre car ce genre de
mort est inqualifiable. Dans les deux cas encore on entend
dire : « Il faut que la vie reprenne le dessus ! ». De
la même façon que lorsqu’une personne âgée ou malade meurt, on répète
machinalement ce qui pourrait paraître une incongruité : « C’est
la vie ! » Il n’est pas interdit, cependant, de se
demander : « Mais quelle vie doit reprendre? Celle qui
a engendré ces chevaliers de la mort ? Celle qui n’a d’autre issue que
quelques poignées de poussière ?»
Deux jours après le dernier attentat, j’entends dans une
émission d’une radio nationale un reportage sur les fêtes de Bayonne, vivantes,
s’il en est ! Au journaliste un participant répond: « Personne
ne nous empêchera de picoler, de baiser et de danser !... on est
Français…» Au vu du niveau atteint par cette réflexion solennelle, je ne peux
m’empêcher de penser : « Les terroristes de tout poil ont de
beaux jours devant eux ! Si, là, réside le sommet de la résistance du
Français « vivant » face à la barbarie, on a quelque souci à se
faire. »
Et pourtant ce « festayre » local ne fait que
prolonger une autre sentence qui est en passe de devenir la règle d’or de notre
société : « Profites- en bien ! Profite de la vie… elle est
courte… tu n’en as qu’une ». « Profiter de la vie ! »
devient le refrain entonné par tout nouveau retraité lorsqu’il est interrogé
sur les projets qui sont les siens.
Ici encore, on peut légitimement poser la
question : « De quelle vie s’agit-il exactement? »
Il y a deux façons de répondre à la loi universelle de la
mort pour la vie. Partant du principe que toutes les espèces vivantes se
nourrissent de la vie des autres espèces, et que la mort est nécessaire à toute
vie, on peut envisager l’existence humaine comme une lutte pour la vie. D’ailleurs,
l’expression courante « gagner sa vie » suppose bien une perte
quelque part. La logique de cette lutte veut que le plus fort gagne et comme
chacun est en droit de gagner, il en résulterait, si nous n’étions pas dans des
Etats de droit, une élimination chronique d’une partie de la société ou de
l’humanité et l’épuisement général de la planète. Consciemment ou non, nous
baignons dans cette « culture de mort » faite de concurrence, de
performance et de constante compétition et finalement de violence. Les salaires
indécents de certains dirigeants, les sommes faramineuses versées lors des
transferts des joueurs de foot, comme l’affligeante réponse citée plus haut, ne
sont que les symptômes, aux deux extrêmes, de cette même culture mortifère.
Il y a une autre façon de considérer sa vie. Elle consiste à
la recevoir comme un cadeau que nous avons à rendre et à partager. Il ne s’agit
pas de nier la loi universelle de la mort pour la vie mais d’en opérer un
radical changement de sens. Regardons comment Jésus a assumé sa vie
humaine. Constatons d’abord qu’Il n’a
pas volé sa divinité au Père au terme d’un combat, comme on volait le feu des
dieux dans les mythologies anciennes. Il l’a reçue et il s’est efforcé
d’accueillir la volonté du Père dans un cœur à cœur avec Lui. Quand ses adversaires ont voulu l’éliminer,
lui ôter la vie, Il ne l’a pas défendue. Pour autant, la mort ne lui a pas volé
la vie. Elle était déjà donnée et même par-donnée, donnée par delà le refus. Sa
vie n’a été qu’Eucharistie, c’est-à-dire offrande au Père et à ses frères. Vie
rendue pour que nous soyons nous-mêmes « eucharistie »…
Ceux qui font de la mort d’autrui, sous toutes ses formes,
leur seule raison d’être pourront-ils accéder à ce renversement sans une
lumière venue d’en haut ? Raison de plus pour prier aussi pour eux.
1 commentaire:
Merci d'avoir osé écrire ce que jeunes et moins jeunes auraient besoin d'entendre et que les voix publiques n'osent jamais diffuser!
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