Dans quel pays
sommes-nous ?
Le 17 décembre 2015, je suis invité par un organisme de presse palois à
participer à un débat autour du thème : « Noël marchand ou Noël fervent »,
avec le directeur d’un hyper marché en vue de l’édition du 19 suivant. Le débat
se déroule de manière correcte. J’affirme, dès le départ, le rôle
nécessaire et bienfaisant des fêtes dans le déroulement du temps. La fête
enchante le temps ordinaire et lui donne sens.
Je précise, ensuite, que je ne
me situe pas dans le « comment faire la fête »
mais dans le « pourquoi
célébrer Noël » ; tous les mots ayant leur importance.
Mon interlocuteur
me fait remarquer que nous sommes complémentaires mais que lui, se pliant à la
règle de la laïcité, n’a pas à « décrypter » le sens de la fête qui est avant
tout une fête familiale dédiée à l’échange des cadeaux. Occasion pour moi de
rappeler l’histoire des rois mages qui sont à l’origine de la tradition de ces
présents. J’en profite également pour ajouter qu’expliquer le sens exact de
Noël, à un enfant qui a dépassé l’âge de croire au père barbu n’est pas une
prise de position religieuse mais l’affirmation d’une simple vérité historique.
La discussion qui suit se déroule sur ce même ton pendant plus d’une heure. Je
peux même exprimer que, dans ma foi de chrétien, je considère Noël comme une
révolution dans l’histoire des religions et donc dans l’histoire tout court :
Dieu vient parmi nous et entre dans nos limites humaines. Evènement
inimaginable, et pour ceux qui plaçaient la toute-puissance de Dieu dans sa
transcendance absolue (le judaïsme), et pour ceux qui avaient accès au divin
par ses incarnations impériales (je veux
parler des romains). Sur ce point, le directeur de magasin, sagement,
s’abstient de tout commentaire. Le débat reprend de la couleur quand je lui
avoue que je ne suis pas un assidu de son « temple ».
-« Il n’y pas de temple, car il n’y pas de sacré dans mon
espace ! »
-« Sauf le client » lui dis-je.
-« Non l’homme qui entre chez nous est libre, il garde son
libre arbitre »
-« Ce n’est pas tout à fait ce que j’entends dans les hauts
parleurs qui s’intéressent au client potentiel que je suis et auquel on veut
faire croire qu’il lui manque le dernier gadget nécessaire pour bien faire la
fête » !
Le mot « temple » apparemment n’était pas le bienvenu.
Si je relate cette anecdote, c’est que le compte-rendu de
cette discussion ne paraîtra pas dans les journaux locaux. Motif : la direction
nationale de la chaîne commerciale, au vu d’une demande de vigilance accrue au
moment des fêtes, émanant du ministère de l’intérieur, ne souhaite pas que
l’article paraisse. Embarras de la rédaction à quelques heures du tirage et
excuses réitérées…
Dans quel pays sommes-nous pour que la moindre
allusion au fait religieux pose un problème ?
D’une part, je ne savais pas que
les hyper marchés étaient des « magasins d’état » soumis à la loi de la
laïcité. D’autre part, comment quelques mois après les grands défilés consécutifs
aux attentats contre « Charlie Hebdo », la liberté d’expression peut-elle faire
peur à ce point aux adorateurs de « Mamon ». A moins que les maniaques de la
kalachnikov aient réussi leur projet, celui de parvenir à ce que notre société
s’autocensure par crainte de déplaire à quelques fanatiques incultes ou aux
serviteurs zélés d’un laïcisme borné.
Il faut croire que le « veau d’or
» a les pieds bien fragiles dès qu’il les retire du tiroir
-caisse. En effet, si le client n’est pas sacré, le
chiffre d’affaire, lui, l’est assurément.
Morale de l’histoire : Je
constate que dans l’Eglise « intolérante et moyenâgeuse » personne ne
m’empêche de prendre la parole en public
alors qu’une grande marque peut toujours user des moyens de pression que l’on
sait. Elle ne m’empêchera pas de continuer à privilégier les commerçants locaux
qui ont pitié de mon grand âge quand je cherche vainement un produit qui a
changé de rayonnage ou que j’oublie le code de ma carte bancaire !
1 commentaire:
Approchant à une décennie près de ton "grand âge" (je plaisante), j'apprécie toujours tes commentaires. Beau et joyeux Noël à toi aussi.
Philippe (75)
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