C’était le thème général du travail de l’Ifocap-Adour (Institut de formation des cadres paysans et acteurs de pays) pendant l’année 2025 (1). En schématisant beaucoup, on peut dire que les femmes de nos campagnes ont commencé leur « émancipation » lors de la première guerre mondiale lorsqu’il a fallu qu’elles prennent les manches de la charrue pour remplacer les hommes partis au combat. Durant la période suivante, le rôle des mouvements d’action catholique (avec la Jeunesse Agricole Catholique en particulier), a été déterminant pour aider les jeunes couples à « dé-cohabiter » c’est-à-dire à se séparer de la maison mère et cela sans casser l’outil de travail. Lors de la deuxième guerre les jeunes femmes étaient plus à même de prendre la relève des hommes et de gérer elles-mêmes la ferme. Mais leur véritable émancipation a commencé à se manifester au grand jour autour des années 50 lorsque, d’une part, la mécanisation des travaux n’exigeait plus le primat de la force musculaire et que, d’autre part, la formation générale dispensée par les cahiers des jésuites de Toulouse, les « cours managers », les « maisons familiales » et l’éducation nationale leur donnaient l’occasion d’une formation adaptée à leur rôle futur. Tout cela a été bien décrit dans le livre de Marie Thérèse Lacombe au titre évocateur : « Pionnières » (2). Si le salaire de la femme travaillant à l’extérieur de la ferme a été avant tout perçu comme un complément nécessaire à celui de son mari agriculteur, aujourd’hui personne ne s’étonne de voir interviewée une femme berger ou viticultrice ou encore chef d’exploitation. Par ailleurs, la « Révolution silencieuse », chère à Michel Debatisse (2), est sortie du silence et outre les décibels de tracteurs bloquant les routes et les préfectures, il n’est pas rare d’entendre la voix des femmes, participant aux manifestations syndicales, s’imposer dans les débats. Et tout ceci sans compter le nombre impressionnant d’entre elles impliquées dans les municipalités et les associations de toutes sortes qui sont le sang de la vie rurale.
Ce simple rappel doit faire sourire les tenants d’une agriculture extensive et industrialisée pour laquelle la profession des femmes rentre aujourd’hui dans un plan d’exploitation déterminé par les compétences acquises et les études du marché mondialisé. Autre élément qui entre de plus en plus en compte : les nouvelles formes de vie familiale qui viennent bousculer le schéma classique du couple et du foyer.
Mais celles et ceux qui ont participé aux nombreux témoignages partagés par les « actrices du monde rural » invitées par l’Institut, ont pu remarquer comment ces dames faisaient preuve à la fois de pugnacité dans des situations où elles étaient peu reconnues et de discrétion par rapport à leurs succès obtenus. Jamais elles ne s’attribuaient l’exclusivité d’une réussite, toujours, elles mettaient en avant le travail collectif et cela dans un climat d’écoute respectueuse et souriante. Serait-ce la marque, combien précieuse, de l’éternel féminin ? Sous prétexte d’égalité homme/femme qu’elles ne tombent jamais dans l’autosatisfaction bruyante et parfois méprisante de la partie masculine souvent gangrénée par la seule loi reconnue dans notre société marchande, celle de la compétition. Sans compter que ces rencontres venaient à point nommé donner du baume au cœur en ces temps de diatribes, de vociférations et de gesticulations émanant du forum médiatique inefficace du Palais Bourbon.
(1) Adresse postale IfocapAdour 1, Place Tamon 64190 Jasses .Voir «https:// ifocapadour.wordpress.com »
(2) Marie Thérèse Lacombe « Pionnières » ed du Rouergue 2009
Michel Debatisse « La révolution silencieuse » ed Calman- Levy 1963
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