08 juin 2024

La « Visite »

 Le diocèse de Bayonne va recevoir une « visite fraternelle » de l’archevêque de Dijon. L’adjectif employé devrait réjouir tous les catholiques du département. Mais c’est mal connaître les subtilités du droit canon. La visite est dite « fraternelle » pour qu’elle ne soit pas confondue avec celle dite « apostolique » qui, quoique supposée toujours fraternelle, est plus longue et donc plus problématique dans ses conséquences. Bref, pour en revenir au latin, il s’agit de ce qu’on appelle de nos jours un  audit, suite à la prise en considération de plaintes concernant la gouvernance du diocèse en question. « Il faut se méfier des mots » disait l’artiste Ben.

Il est nécessaire, dès le début,  de lever les ambiguïtés du vocabulaire qui peuvent induire des interprétations opposées comme se méfier des rumeurs qui n’ont pas manqué de circuler dès cette annonce « fraternelle ».
Tout d’abord, on a cru qu’elle s’effectuait dans le prolongement de celle réalisée dans les deux séminaires  alors qu’elles n’ont rien à voir entre elles. Celle-ci n’est pas une visite de routine habituelle. Et contrairement à ce que l’on a entendu encore, elle n’a pas été diligentée par le nonce apostolique à Paris mais par Rome.
Quelques média, toujours à l’affût du sensationnel et du croustillant, ont exhumé l’affaire d’une voyante et de sa communauté dont l’évêque de Bayonne s’est fait le protecteur. Ce rappel pourrait devenir une diversion par rapport au sujet principal et pourrait le cas échéant servir de fusible utile. Débarrassé de cette épine au pied, le diocèse redeviendrait le modèle de fraternité  et d’unité  qu’il a toujours été !

Autre procédure curieuse. L’annonce de cet audit  définit à l’avance la qualité de ceux ou celles qui seront écoutés : Les collaborateurs de l’évêque et ceux et celles « qui ont des responsabilités diocésaines ». Autant demander aux ministres de dénoncer les erreurs du premier ministre ! Si l’archevêque auditeur n’offre pas la possibilité aux laïcs et aux prêtres d’être écoutés en dehors du protocole prévu ou s’ils ne peuvent pas avoir accès à une boîte à lettre dédiée, sa visite est vouée à l’échec et il déclenchera une réaction à la hauteur de la déception.
A maintes reprises et depuis des années des laïcs ont demandé à être écoutés par leur évêque sur ce qu’ils considéraient comme un dysfonctionnement du diocèse et une orientation politique préjudiciable à son image. Un collectif de 200 paroissiens palois a réussi tout dernièrement à être entendu. Dans tous les cas, ce n’est pas la réflexion inexistante sur le synode qui a pu produire ses effets mais plutôt l’éventualité de cette visite déjà dans les tuyaux.

En fait, il y a fracture. Elle se situe entre ceux et celles qui ont vécu le Concile Vatican II, qui en ont apprécié les orientations et qui ont grâce à lui maintenu et renouvelé leur foi, ce sont les anciens de nos paroisses. …et celles et ceux, y compris les jeunes prêtres, qui n’ont pu en lire que les textes, ouverts à toutes les interprétations et en particulier celle dite de la continuité. Ceux-là se sont laissé persuader que ce Concile n’avait rien changé et qu’une tradition figée devait être maintenue et restaurée. Sans compter ceux et celles qui le considèrent comme hérétique et qui font tout pour le torpiller de l’intérieur. Ici, stratégie et duplicité se confondent.
Saisissant l’opportunité de la vague identitaire qui s’étale  sur l’Europe et sur le monde, ces nouveaux catholiques  sont tentés, comme leurs évêques, de plonger dans le courant. Ils pourront, pensent-ils  « sauver » l’Eglise et reconstituer l’ère de la Chrétienté. Sauf qu’avant de prendre la vague, il vaut mieux savoir où elle va s’échouer !
« Il faut bannir les querelles de mots » nous dit St Paul avant d’ajouter: « trace tout droit le chemin de la vérité » 2Tim 2,14



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