27 avril 2023

La boîte à livres

 

Les impatients du volant ralentissent ; ceux qui maudissaient les courbes de ce village tortueux leur trouvent un certain charme ; même les motards qui lâchaient leurs chevaux à cet endroit prennent le temps d’un coup d’œil. Une splendide fresque pastorale orne désormais les murs de la vieille forge qui fonctionnait encore au début du siècle précédent. Nos fières montagnes surplombent un paysage verdoyant, abritent la cabane du berger, ses brebis et son chien. Si ce personnage pouvait parler, il vous relaterait la vie de Grat et d’Etienne qui revenaient chaque automne de leurs hauts pâturages et celle de François, le dernier maître de la forge. 

Grat, le silencieux, une besace sur l’épaule parquait tous les soirs son troupeau dans un enclos voisin pour la traite du soir. Et si vous prêtez bien l’oreille, vous pourrez encore entendre le concert de bêlements, de cloches et de bidons de lait tintinnabulant qui accompagnait ce rituel laitier. Aujourd’hui, les rosiers, de sa petite fille, elle-même bergère, profitent de la vieille fumure.
Il vous ferait certainement partager la bonne humeur d’Etienne en vous relatant les péripéties de la traversée d’Oloron  par ses brebis qui, se mirant dans les devantures des magasins de la ville et croyant avoir à faire à un troupeau concurrent, se préparaient au combat en fonçant dans les vitrines. Des black blocs avant l’heure !
Enfin, il ne manquerait pas de vous camper la silhouette chaloupée de François, qui après une tournée dominicale dans un village voisin qui comptait quelques vignerons, réveillait ses souvenirs vaporeux et entamait le récit de sa grande guerre ainsi: « Quand j’étais Maréchal, à Crève Cœur sur Oise » ! Traduisez : « Quand j’étais maréchal ferrant… » L’ennemi n’avait qu’à bien se tenir !

Les trois compères seraient fort étonnés de savoir que l’artiste qui a créé cette œuvre venait des Landes voisines connues pour les bergers montés sur échasses et que cette nouvelle boite à livres reflétait la diversité démographique désormais inscrite  de nos campagnes. Outre l’ancienne propriétaire qui a cédé le bâtiment et la municipalité qui a conçu et suivi ce projet et qu’il faut remercier, il convient de mentionner que c’est un anglais, un allemand et une nouvelle résidante qui ont prêté leurs talents à sa réalisation. Jasses, terre d’accueil !  Et gageons que les brebis et les vaches du village auront droit à une indulgence plénière quand elles malmèneront notre impatience.

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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.