09 avril 2021

Papi has been !


 -« Papi, je trouve que tu ne réagis pas assez fort face à toutes ces restrictions sanitaires, qui petit à petit, rognent nos libertés et qui sacrifient  les jeunes, soi-disant pour préserver les vieux ! »
Papi encaisse le reproche sans broncher et demande un droit de réponse.
-« D’abord, ne crois pas que je sois insensible à ceux et celles qui souffrent réellement de cette pandémie, qui en sont les victimes directes ou collatérales, tant sur le plan physique que psychologique. Moi, qui me croyais le premier de ma lignée  familiale à avoir échappé aux combats meurtriers, je ne m’attendais pas à connaître une telle épidémie. Dans ma jeunesse, l’épidémie comme la guerre faisaient partie de ces fléaux dont on demandait à Dieu d’être préservé car la médecine s’avérait encore impuissante à endiguer ses ravages.
Permets-moi cependant de relativiser un peu ! Quand mon propre grand-père partait  faire la guerre de 14, à 20 ans, on ne s’occupait pas de savoir comment on pouvait le dédommager des années qu’il allait consacrer à « servir » la France ! S’il y a une génération sacrifiée c’est bien celle-là ! Quand mon père était prisonnier de guerre en Pologne, à l’âge que tu as, on ne se demandait pas comment il pouvait poursuivre ses études et on ne lui procurait pas une attestation dérogatoire pour sortir du camp pour « motif impérieux »!

 Je note, entre parenthèses, que, parmi ceux qui réclament de retrouver le monde d’avant, nombreux sont ceux qui n’en étaient pas satisfaits vu le nombre de manifestations, parfois violentes, qui se déroulaient à cette belle époque !

Ce qui me permet d’accepter certaines contraintes, vois-tu, c’est avant tout ceci. Dans ma petite enfance passée à la maison, j’entendais souvent un verbe : obéir. Être obéissant était même un compliment qui faisait rosir les joues d’un enfant. Quand je suis entré à l’école communale, j’ai appris qu’il y avait des règles comme celle de trois et même un règlement nécessaire à toute vie de communauté. Et je puis te dire qu’il « rognait » passablement nos libertés de jeunes garçons turbulents. En même temps dans les séances de catéchisme, j’ai appris par cœur des commandements, ceux de Dieu et ceux de l’Église ! Arrivé au collège en internat,  le règlement était agrémenté de « colles » et nous avions même droit à une note dite de « discipline » dans le bulletin hebdomadaire ! Enfin, je fais mon service militaire  et là j’apprends à recevoir et à donner des ordres et on m’explique qu’il existe même des situations (rares, je l’espère) où il vaut mieux exécuter des ordres déficients que de laisser dégénérer une panique meurtrière  générale.

Tu comprends peut-être que ce bagage nourrit ma mémoire et m’oblige à garder quelque distance avec le vocabulaire victimaire employé par les commentateurs de tout poil qui poussent des cris d’orfraie quand on touche à ce qui, à mes yeux, n’est que « avantages acquis » sur les générations précédentes.
Je regrette bien sûr que tu ne puisses pas suivre tes études convenablement bien que tu puisses bénéficier d’outils extraordinaires pour parfaire ta culture. Peut-être, toi et tes copains, pourriez-vous profiter de cette expérience pour prendre conscience  que beaucoup de choses que l’on croyait indispensables ne le sont pas. Encore faut-il cultiver ce que l’on appelait « une vie intérieure » faite de réflexions souvent silencieuses, de lectures des grands auteurs et de dialogues féconds  pour meubler autrement le temps vacant.
Je te laisse conclure par toi-même mais je préfère ne pas entendre le qualificatif  dont tu vas me gratifier !! »  




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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.