Quelle est la mère de famille qui n’a pas jeté ces mots à la tête de son adolescent en pleine phase de rébellion. « Il devient de plus en plus en plus pénible », dit-on, en sourdine, du grand-père grincheux qui fait payer à ses proches son incapacité à se suffire lui-même. La pénibilité, qu’il ne faut pas confondre avec la souffrance, est à l’ordre du jour de la loi sur la réforme des retraites dont l’accouchement s’avère, lui aussi, de plus en plus pénible.
A-t-on bien mesuré la fluidité d’un concept aussi insaisissable? Certes, il existe des critères objectifs d’effort physique, de temps de travail, d’horaires, de pression psychologique qui peuvent se mesurer. Mais aussitôt énoncés, ne sont-ils pas contredits par les circonstances changeantes, le ressenti de chacun, l’impossibilité d’une graduation ? Faire entrer dans le cadre d’une loi les critères de pénibilité n’est-ce-pas ouvrir la porte à une multitude de cas particuliers et soulever des motifs de frustrations sans fin ? Comment évaluer l’effort d’attention du charpentier, toute la journée en déséquilibre sur un toit, par rapport à celle d’un conducteur de train ?
« Le Robert » précise bien que travailler vient de « tripaliare », « littéralement tourmenter, torturer » ! Faut-il rajouter l’injonction divine du livre de la Genèse : « Tu travailleras à la sueur de ton front » pour réaliser que la faute de l’homme, appelée ici le péché, augmente les dysfonctionnements qui amplifient encore la peine ?
Ce débat sur la pénibilité à géométrie très variable pourrait au moins nous donner l’occasion de réfléchir à l’amélioration possible de nos conditions de travail. La reconnaissance de la nation et donc de chacun envers tous les corps de métier quels qu’ils soient, l’entraide et la solidarité au sein des professions et des entreprises, et pourquoi pas la fierté retrouvée du devoir accompli au service du Bien commun, pourraient grandement y aider.
La loi peut nous obliger au respect de l’autre, compenser la pénibilité de certains travaux, neutraliser les conséquences néfastes de nos erreurs ou de nos fautes mais elle ne peut pas nous contraindre à aider notre prochain au quotidien. C’est pourtant ce pain-là qui réchauffe l’auvergnat de Brassens.
L'Auvergnat de Brassens
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