23 mai 2015

Transhumances musicales.

Décidément rien ne se passe comme ailleurs dans le petit village de Laas niché au cœur du Béarn. Le parc de son splendide château accueille depuis 20 ans, lors du week-end de l’Ascension, un festival de musiques populaires
qui répond au nom « vachement » évocateur de transhumances musicales.

Le grand ordonnateur en est le maire de la commune, par ailleurs nouveau conseiller départemental. Jacques Pédehontaa est son nom et il tient, depuis le début de l’aventure, à ce qu’une messe soit célébrée, le dimanche matin, sous le chapiteau qui abrite les manifestations programmées. Lui-même n’hésite pas à prêter main forte à sa vaillante équipe de bénévoles pour transformer le podium en chœur de cathédrale de toile.

Cette année, au début de la cérémonie, le célébrant a remercié de leur concours les deux groupes qui l’ accompagnaient : une fanfare locale et deux marins du fameux Bagad de Lann Bihoué. Il leur a fait remarquer, ainsi qu’aux autres participants, que toute musique était religieuse dans la mesure où elle reliait (origine du mot religion) des générations, des cultures, des personnes différentes dans une même communion artistique. Sans éluder toutefois l’existence de musiques qui droguent, qui saoulent, qui réveillent les plus bas instincts de l’homme. Mais peut- on encore les assimiler à de l’art ?

La cérémonie s’est déroulée convenablement devant une assistance nombreuse et attentive, ce qui n’est pas toujours le cas dans ces ambiances festives. Le souci le plus manifeste des acteurs de la liturgie consistant avant tout à ne pas se prendre les pieds dans les innombrables fils qui entouraient l’autel improvisé et à contourner les baffles imposants qui trônaient sur la scène.

 Mais la cerise sur le gâteau ou la surprise du jour a eu lieu pendant l’homélie. L’évangile rappelait la sentence du Christ : « Vous êtes dans le monde sans être du monde ». Et voilà que le prédicateur « s’est payé le luxe » de lire à l’assemblée un extrait de la lettre à Diognète qui au début du 3ème siècle donnait déjà les grands principes de la situation des chrétiens dans le monde.
« Ils sont des étrangers domiciliés » ; ils vivent comme tout le monde mais cependant ils se distinguent car ils ne peuvent pas adopter certains comportements qui éliminent l’autre parce qu’il gêne ; ils ne peuvent pas, sauf cas exceptionnel, prendre partie pour la violence sous toutes ses formes et c’est pour cela qu’ils sont incompris, raillés, détestés. « On les insulte, et ils bénissent ! »

Diognète invité aux transhumances musicales de Laas aux côtés du « Le Soldat Louis » : il fallait oser ! A en croire la réaction de certains paroissiens du jour qui, à la fin de l’office, demandaient le texte entendu, le pari n’était pas aussi risqué qu’il paraissait.

Morale de l’histoire : 
-Ne pas négliger ces moments de « piété populaire » comme le demande le Pape François dans son encyclique. Une dame se disait « bouleversée » à l’issue de cette liturgie qui ne présentait pourtant pas tous les critères requis à cet effet.

-Parier sur le désir des chrétiens d’aujourd’hui d’être formés et informés.

-Ouvrir les yeux sur le prosélytisme des « nouveaux magistères » selon l’expression du Père Valadier, qui profitent du climat actuel pour promouvoir une laïcité identitaire et offensive. Cette sorte de neutralisation officielle des religions alerte et inquiète ceux qui demandent à César un simple respect démocratique des convictions de chacun. Malgré un contexte totalement différent de celui du 3ème siècle persécuteur des chrétiens, la question des relations entre les croyants et la société civile devient de plus en plus sensible. La lettre à Diognète que l’on extrait du fond des siècles à usage des études sérieuses et des ouvrages spécialisés s’est faufilée malgré la gravité de son propos entre deux airs de cornemuse et quelques assauts de clairons sans indisposer outre mesure l’auditoire. Preuve de son actualité !
Puisse-t-elle s’intercaler dans quelques dossiers ministériels et inspirer les responsables religieux de toute confession et de toute obédience ?


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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.