Mea culpa. Maladies cléricales mais pas seulement…
Il
y a quelque temps le pape François, dans un de ses discours aux Cardinaux,
livrait un diagnostic inquiétant mais réaliste des 15 maladies qui frappent la
curie romaine. Mais chacun de nous a compris qu’il faisait partie pour la
circonstance du Sacré Collège et n’était
en rien épargné. Les vieux clercs, catégorie dont je fais partie, n’ont pas été
étonnés. Ils savent, tout en le
déplorant, que le clergé, comme tout corps social, est infecté par trois virus
à nocivité variable qui sont les sous-produits de vertus indispensables à sa
mission.
Le premier
pourrait se nommer « incurable légèreté ».
On a tellement caricaturé ces « curés » à la triste figure ne parlant que de
péché et de pénitence que certains ont voulu donner à leur personnage un abord
sympathique à souhait, éternellement gai et joyeux, gentil et sautillant. A tel
point que, quel que soit le sujet abordé, on esquive la question qui fâche par
des plaisanteries faciles, un éclat de rire, de pieuses échappatoires, du style
« Dieu y pourvoira ! L’Esprit Saint se débrouillera ! » Tout se passe comme si le divin dont
nous sommes « accablés » était bien
trop lourd à porter ou comme s’il fallait se délester du « sentiment tragique
de la vie » pour se contenter de l’inoffensif clapotis mondain.
« Nos
dirigeants sont des gamins » s’étonnait déjà Isaïe.
« Quand il me parle, il fait comme mon député
: il regarde déjà à qui il va serrer la main après moi» s’étranglait une
paroissienne. Notre désir de proximité fraternelle, vertu hautement louable,
est parfois devenu contact inconsistant. Pardon pour notre légèreté, elle n’est
peut-être que le cache- misère de la situation actuelle de nos communautés
chrétiennes à l’agonie, dans nos contrées rurales en particulier.
Deuxième virus : l’aigreur. Au départ, le zèle pour l’Evangile nous anime, mais les
premières déconvenues viennent déposer une couche d’amertume dans les tréfonds
de notre inconscient. Et pour peu que le « Jaloux » en ajoute une couche, l’aigreur
vire en jalousie puérile. Celle-ci s’ingénie à dénigrer le succès ou les
initiatives du confrère voisin, devenu concurrent malgré lui, afin de justifier
nos propres échecs. Les Actes des Apôtres notent que les Juifs étaient « jaloux
» du succès de Paul et de Barnabé. (Ac 13,44)
Force est
de constater que les croyants ne sont pas exempts de cette maladie pernicieuse
qui s’infiltre sournoisement chez les personnes qui devraient en être
préservées. Elle est ancienne et elle n’a pas été éradiquée. On disait qu’autrefois les
paroisses rivalisaient entre elles en bâtissant un clocher si possible plus
élevé que le voisin. Heureuse époque où l’on pouvait évaluer l’émulation entre
les communautés des croyants à l’aulne de la hauteur des cloches.
«
Plus chrétien que moi, tu meurs ! »
Seigneur,
délivre-nous de l’aigreur et de la jalousie, rends-nous sincèrement heureux du
succès de l’autre.
Troisième virus : la défiance. Celui-ci est apparu plus récemment, à la faveur de
clivages de plus en plus nets au sein du clergé et des communautés chrétiennes.
Rien non plus de bien nouveau sous le soleil. « Je suis pour Paul, moi pour
Apollos ! » disait-on chez les premiers convertis. De jeunes générations de
catholiques redécouvrent avec ferveur un langage théologique et un certain
nombre de postures idéologiques ou liturgiques qu’ils assimilent à la véritable
tradition ecclésiale. Et ceci, en partant du principe que leur abandon, à la
suite d’un Concile mal interprété selon eux, a causé l’affaiblissement et la quasi-disparition
de l’Eglise dans l’espace public français. (1)
Il
se crée alors des réseaux et des coteries bien organisés et bien ciblés qui
deviennent de plus en plus étanches les uns aux autres. C’est ainsi que
s’installent la défiance, la suspicion, sous couvert d’une vertueuse retenue
destinée à ne pas indisposer l’autre, à se faire cataloguer trop vite ou à ne
pas engager une polémique stérile. Notre évêque, et il n’est peut-être pas le
seul, a récemment éprouvé le besoin d’exhorter très sérieusement ses prêtres à la
fraternité sacerdotale. Signe des temps …
A trois virus, trois remèdes.
D’abord la correction
fraternelle. La jonction de ces deux mots
indique déjà la complexité de l’exercice. Cette correction entre frères doit
prendre appui sur le désir d’une conversion sans
cesse renouvelée, elle-même alimentée par une prière assidue.
Prière,
correction, conversion et j’ajouterai, un peu humour envers soi-même : quatre anti virus qui ne nous empêcheront pas,
cependant, de nous reconnaître encore pécheurs comme le fait notre Pape quand
il demande de prier pour lui. Les maladies laissent parfois de lourdes
séquelles ! Que le Divin Médecin nous prenne en pitié !
1)
Il serait intéressant qu’ils renversent la question et qu’ils se demandent si
la déchristianisation n’avait pas commencé bien avant les changements qu’ils
réprouvent. Ils seraient alors amenés à relativiser les tuyaux qui servent
à transmettre le message de l’Evangile et à accorder un peu plus d’importance à
son contenu lui-même. Mais chaque génération doit faire l’expérience de la
radicale inaptitude de tous les moyens humains pour dire Dieu.
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