Cela se passait au siècle dernier. Le curé du village se plaignait (déjà !) de l’abandon du sacrement de pénitence et se désolait surtout de l’absence des hommes à ce rendez-vous annuel. Un vieux berger, un peu facétieux, se permit de lui donner ce conseil. « Monsieur le curé, quand je vais à confesse, je ne sais que dire car je ne pense pas que mes peccadilles valent la peine d’un aveu. Par contre, si vous me demandez de confesser les péchés de mon voisin, je serai intarissable ! Alors si vous voulez attirer du monde au confessionnal, demandez aux paroissiens d’accuser les péchés des autres !». Cinquante ans plus tard, au siècle suivant, le phénomène s’était amplifié au point que le Père Bro, prédicateur à Notre Dame, publiait un ouvrage au titre évocateur : « On demande des pécheurs ».
Quel lien entre la sainteté et le péché ? Les saints, nous dit-on, ont toujours eu plus que les autres le sens de leur péché. En effet, si le berger avait su que, lorsqu’il rabâchait, en latin, le miserere, il affirmait « mon péché, moi je le connais » (Ps 50), il aurait peut-être eu plus de facilité à l’avouer et aurait fait un pas vers la sainteté.
Les derniers Papes ont insisté sur le fait que l’Eglise avait davantage besoin de saints que de docteurs ou de managers. En rappelant cela, ils ne prenaient pas de risque. En effet, l’histoire du christianisme fourmille d’exemples de ces hommes et de ces femmes qui ont reformé les institutions par le seul rayonnement de leur sainteté.
L’époque contemporaine, marquée à la fois par la dernière guerre mondiale avec ses conséquences économiques et sociales et par le sous développement de continents entiers, a suscité dans notre pays ou à l’étranger de grandes figures de la charité : l’abbé Pierre, les sœurs Theresa et Emmanuelle, le père Laborde à Calcutta (cf. la cité de la joie) et bien d’autres anonymes qui incarnaient le Christ au chevet des malades, des petits et des pauvres. Un large public a reconnu leur sainteté.
Le temps est peut-être venu de nous rappeler que Jésus était aussi reconnu comme un maître de sagesse, un « sage-saint » : « Rabbi, toi qui ne fais pas de différence entre les personnes dis-nous… » En ces jours d’excès et de fureur où toutes les valeurs qui ont fait le trésor de notre humanité sont remises en question et bafouées, où le pronom possessif est devenu l’idole commune des sociétés occidentales (ma vie personnelle, mes loisirs, mon opinion, mon pays, mon argent), n’avons-nous pas un urgent besoin de maîtres de sagesse ? Non seulement une sagesse imposant une limite à la voracité universelle qui sera vouée malheureusement à disparaître sous la pression de l’opinion publique et la validation des politiques, mais encore, une sainte sagesse, celle du dépassement et du détachement de toutes les idoles. Ces sages saints seraient les bienvenus à tous les niveaux de la vie en société: celui de la vie politique afin d’éviter l’éclatement du monde, celui de la vie sociale pour retrouver les principes d’une vie en commun élémentaire, celui de la vie personnelle pour qu’elle réponde à sa vocation humaine à être image de Dieu. Tout en sachant bien que cette sainte sagesse restera toujours folie pour le monde, comme le soulignait déjà St Paul!
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