12 octobre 2023

Bien avant « Laudate Deum »(1)


 Un jeune aumônier accueillait un groupe d’étudiants dans le village de Lescun, au lieu dit « la patte d’oie ». Groupés autour du rocher emblématique, ils contemplaient la perle du Béarn dans son écrin de pâturages et de granges posées sur leur damier verdoyant. Toujours soucieux de transmettre, il leur expliquait comment le mode de vie des habitants avec les trois niveaux de résidence, la maison de l’hiver frileusement blottie contre les autres, plus loin la « grange » des travaux de l’été et, enfin, la cabane du berger perchée dans sa montagne, répondait à la configuration  géographique de ce village. Ces jeunes n’imaginaient pas que, près de chez eux, pouvait vivre une population aux contraintes si différentes des leurs et au mode de vie parfaitement adapté à son milieu naturel.
Et voilà qu’au beau milieu de cette leçon de choses, l’aumônier déclara : «  Et dire que des barbares avec leurs bâtisses, leurs chemins et leurs tracteurs  sont venus « dégueulasser » la belle montagne primitive en décimant les arbres, en rasant des rochers, en délogeant les bêtes et en ouvrant des couloirs d’avalanches!! »
Même les jeunes les plus sensibles aux questions environnementales en furent interloqués. Ils ne voyaient pas en quoi cette intrusion des hommes, qui n’avait fait qu’ajouter de la beauté à celle de la nature, pouvait être répréhensible. Et le jeune abbé provocateur d’expliquer que dans des temps lointains une belle forêt primaire couvrait ce versant montagneux, que ours, chevreuils et coqs de bruyère en avaient fait leur royaume et que son accès étant impossible, nul regard humain ne venait polluer la sérénité secrète de ce lieu.
Les jeunes comprirent vite le message de cette intervention surprenante.  Une vision excessive et intégriste de l’écologie n’a pas de sens sauf à éliminer l’homme de la surface de la terre. Partout où il met les pieds et les mains, il transforme le milieu qui le fait vivre.
Quand il le fait avec discernement et modération, quand agri/culture rime avec « culture », elle se développe dans une harmonie réfléchie entre les besoins de l’homme et ceux de la nature. Alors l’empreinte humaine se fond sans dégâts majeurs dans le paysage qui lui est donné pour être cultivé, c’est-à-dire pour entrer lui aussi en « culture ».
Ces jeunes ont peut-être retenu que l’extrémisme des positions ne génère que des simplismes réducteurs alors que la modération, à ne pas confondre avec  faiblesse de conviction ou lâche compromission,  devient une ardente vertu.

    (1) Dernière exhortation du Pape François



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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.