09 février 2023

Pénibilité

Qui donc aurait cru que les fabuleuses performances de la technique, de l’informatique et de la robotique se seraient soldées par un accroissement de pénibilité ? La mémoire réveille ces temps, pas si lointains, où l’instituteur commentait la finale de la fable du laboureur : « Prenez de la peine c’est le fond qui manque le moins ». Quant au curé, reprenant le récit de la création du livre de la Genèse, il ne manquait pas de rappeler aux enfants du catéchisme qu’après le péché de l’homme et de la femme, le sol fut maudit et « c’est à force de peine que tu en tireras subsistance » Gn 3, 17). Curieusement, on parlait moins de pénibilité quand vivre au quotidien demandait un effort soutenu.


Encore faut-il s’entendre sur la signification de la peine. Chez le fabuliste, elle était synonyme de sueur et de fatigue car la « terre était basse » disait-on. La Bible y ajoutait une notion de punition. Ses auteurs n’étaient pas naïfs au point de croire que l’on pouvait cultiver le jardin d’Eden sans avoir mal au dos. Mais la peine pour eux était liée au péché c’est-à-dire à la perte du sens originel. Quand le travail n’est plus qu’une tâche répétitive sans cesse accélérée par la cadence de la machine, au profit exclusif d’une économie de marché illisible, il devient peine insupportable. 

Les pancartes qui accompagnent les cortèges des manifestants en disent long  sur la dégradation du sens du travail. Elles affichent à bout de bras le vulgaire « boulot » pour mieux souligner le manque d’intérêt du travail accompli, faute d’une juste considération et d’une simple reconnaissance. 


Suffira-t-il d’augmenter les salaires ou de diminuer la durée de la vie professionnelle pour retrouver goût au travail? Il semble que le mal soit plus profond et qu’il faille retourner au texte biblique pour considérer que si le travail est devenu le « boulot » c’est peut-être parce que nous l’avons détaché de son but premier qui était de participer librement à l’œuvre de la création et au bien commun de l’humanité. Le lien rompu avec la nature, la déshumanisation de la relation à l’autre et l’absence de relation avec le Créateur ne pouvaient qu’aboutir à ce piètre résultat. Celui ou celle qui sait pourquoi il travaille ne peut pas considérer sa tâche comme une punition même si elle demande toujours un effort.

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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.