01 janvier 2021

A me répéter chaque matin

 Tu vieillis mon ami. Tu le sais, tu le sens ! Tu rétrécis… comme la souplesse de tes membres, comme la précision de ta mémoire, comme le champ de ton influence, comme l’envie de longs voyages, comme tes performances et tes prétentions. Ton univers se restreint. Alors tu  t’accroches comme un malheureux à ce qui est encore à portée de ta main crispée. Tout ce que tu considérais jusqu’ici comme broutilles  insignifiantes prend l’importance d’un mât auquel tu t’agrippes avançant vers un large qui se fait inconnu et menaçant. Tu rétrécis et tu durcis.


 Tout, autour de toi, comme toi, se réduit aussi. Pourtant,  cela ne te chagrine point. En fait, tout se simplifie et ta vie se condense. L’occasion t’est offerte de transformer ce retrait forcé en élimination du futile et du superflu. Enfin tu peux te regarder nu, débarrassé de ton « moi de représentation », de ce personnage  que tu as taillé avec tant de soin et de labeur dans le costume que les autres et ton Dieu, du moins le croyais-tu, te prêtaient. Cependant tu hésites, car tu pressens qu’au terme de cette épuration, tu risques d’être déçu de n’être « que toi» plutôt que de te réjouir d’être « enfin toi ».


Appuyé sur les prothèses physiques qui soulagent ton quotidien mais, débarrassé de toutes les carapaces sociales que tu t’imposais, tu peux aller à pas lents mais sûrs vers l’Essentiel. L’Essentiel de ta vie, de ton être, de cette humanité qui a fait ce que tu es et du monde qui t’a nourri et façonné. Voilà que tu prends ton temps et que tu fais silence. Ce qui te paraissait évident s’obscurcit au fur et à mesure que tu sondes les raisons d’être de toute vie et que tu n’en finis plus d’en creuser les profondeurs de son avant et de son après.


 Tu vieillis mon ami et, cependant, tu vois plus loin, plus large, au-delà de tous les écrans. Finalement, tout se réduit mais en même temps tout se cristallise autour d’une seule et immense interrogation, celle qui te poursuivait dans le plein de tes jours et qui te rattrape dans le vide d’aujourd’hui: Dieu est-Il ou n’est-Il pas et s’Il est qui est-Il? Toutes les autres questions ne sont que contours, détours, accessoires ou échappatoires. Un  an de plus, un an de moins…Belle année à sa recherche !


3 commentaires:

Unknown a dit…

Dieu est Amour, cet amour dont chacun entend parler mais si difficile à vivre. Ma mère qui avait perdu mon père à 40 ans ne se posait pas la question de l'existence de Dieu, elle en était sûre et savait son mari près de Lui. Elle priait Dieu pour pouvoir le rejoindre le plus vite possible. Elle me le disait chaque soir. J'avais 8 ans quand elle est morte. Seulement la conscience qu'elle était près de Dieu m'a donné la force de ne pas sombrer dans le désespoir et de m'accrocher à la vie.

JACOMY a dit…

Impressionnant, ce témoignage ! Il me rejoint dans mes propres interrogations, à la nuance près, et d'importance, que particulièrement conscient de mes très grandes fragilités, j'ai la certitude de l'accompagnement sans faille du Seigneur. Abbé Joseph JACOMY : 83 ans

Maria Mihailescu a dit…

Merci pour ce magnifique partage!

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.