Une cloche sonne
« Une cloche sonne, sonne, elle chante dans le vent, obsédante et monotone … » l’abbé Jean (Jaun Erretora) s’en est allé !
Ce n’était pas un prêtre d’hier mais d’avant-hier (92 ans) et, paradoxalement, totalement d’aujourd’hui. De jeunes séminaristes, les prêtres de demain, le visitaient parfois, reconnaissant en lui, l’image du vrai pasteur. A l’annonce de sa mort un grand vide s’est ouvert au cœur même du village et dans celui de tous ses paroissiens. On connaissait certes son grand âge, on pardonnait ses travers car il était là, toujours là et depuis longtemps. Il n’encombrait pas les réseaux sociaux, n’était pas débordé par les fake news, ne s’énervait pas devant son ordinateur… : il n’en avait pas ! Par contre, s’il y en avait un qui « sentait le troupeau », c’était bien lui. De ces villages de montagne, il connaissait chaque ferme, chaque famille. Il en avait partagé les inquiétudes quand la vie rude du berger n’attirait plus les jeunes et quand la désertification paraissait inexorable. Mais il avait tenu bon. Puis, les vents avaient tourné. Quelle n’avait pas été sa joie de pouvoir encourager et accompagner quelques pionniers qui avaient pris en main leur destin, pétris qu’ils étaient de l’amour de leur terre et de leur culture chantée dans leur langue et habitée par leur foi. La silhouette familière de leur curé au verbe haut et au grand béret plat allait manquer dans le paysage. Mais plus que cela ! C’était cette sagesse paysanne affinée au moulin de l’Evangile qui risquait de s’effacer, cette sagesse en sabot qui n’a rien à envier à celle des studios branchés.
« Qu’allons-nous faire ? Vu la situation actuelle du clergé nous n’aurons plus de prêtre, que deviendra notre église ? » se demandaient certains à la sortie des obsèques.
Alors, une voix se fit entendre : « Vous ne me direz pas qu’une vallée qui a su redresser en sa faveur le destin qui la condamnait à l’oubli ne sera pas capable d’animer sa communauté chrétienne si votre foi est encore vive. Rappelez-vous ce que firent les Apôtres après la mort de Jésus. Ils n’attendirent pas qu’un successeur de Judas leur tombe du ciel. Ils en désignèrent un. Ensuite, ils s’assemblèrent autour de la mémoire du Seigneur dans la prière et l’entraide communes et les Apôtres vinrent soutenir et authentifier leur démarche. Après deux mille ans de Christianisme, vous êtes bien capables d’en faire autant que nos premiers aînés ! » Ils reconnurent cette voix ferme et chantante. Elle venait du porche de l’église qui abritait désormais la trace de leur curé devenu un homme nouveau.
« Une cloche sonne, sonne, sa voix d’écho en écho, dit au monde qui s’étonne (une Eglise) s’ouvre au jour…Village au fond de la vallée…»
(1) Les Aldudes en Pays Basque
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