La laïcité à la béarnaise
A l’occasion du
centenaire de la séparation des Eglises et de l’Etat, un colloque se tenait
dans l’Abbaye-école de Sorèze à l’initiative, il faut le noter, d’une
religieuse (Octobre 2004). Les
représentants de diverses familles de pensée laïques ou religieuses
s’étaient donné rendez-vous et avaient confronté leurs analyses sous la
présidence d’un éminent historien: René Rémond. Après avoir écouté tous les
orateurs, il fit une magistrale synthèse des débats et concluait, qu’après avoir traversé bien des
périodes tourmentées, la société française pouvait enfin connaître le temps
d’une«laïcité apaisée ».
Quatorze ans plus
tard, le diagnostic est-il le même ?
Il semble que de lourds nuages viennent
noircir l’horizon « de ceux qui
croyaient au ciel et de ceux qui n’y croyaient pas ».
La montée de la
mouvance islamiste de part le monde et quelques coups d’éclats de fanatiques
dans notre pays ont réveillé la suspicion à l’égard de toutes les religions.
On s’est empressé de stigmatiser tout ce
qui pouvait ressembler à des signes religieux dans le vaste espace public. On a proclamé haut et fort que la religion ne
devait pas franchir la sphère de la vie privée et de la conscience individuelle.
Ce raidissement officiel, tout à fait compréhensible quand la paix publique est
en jeu, a provoqué, par effet de balancier, un sentiment de discrimination
parmi les croyants. Ils ne comprennent
pas en quoi l’affirmation de leurs convictions religieuses peut gêner leur
participation au bien commun.
Les choses
auraient pu en rester là. Mais nos gouvernants, grisés par une frénésie de
légiférer sur tout, ont voulu remettre en cause quelques principes qui
fondaient jusqu’ici la société et qui méritaient un autre traitement que celui
d’une bataille politicienne et partisane.
Tout ceci se
passe sur fond d’ébranlement général des valeurs consécutives à l’effacement
des idéologies et au brouillage de toute perspective d’avenir dû à une crise
économique qui exacerbe les clivages. Et ce manque de repères assurés pousse
les jeunes générations à adhérer à des visions du monde plus tranchées
susceptibles de justifier un idéalisme intransigeant.
De la suspicion à
l’incompréhension, de l’incompréhension à la thèse du complot et au délit de
persécution, les réseaux sociaux franchissent allègrement le pas. Tout est bon
pour accuser les religions liberticides de maintenir les sociétés sous
l’étouffoir de l’obscurantisme. Tout est bon pour débusquer le travail de sape
des lobbies antireligieux qui organiseraient sous cape, sous prétexte de
respect et de dignité de l’individu, une dégénérescence de l’humanité. Entre le
déni de tout héritage religieux et la soumission à une tradition imposée
y-a-t-il une autre posture ?
Comment se
pratique la laïcité dans de nombreux villages du Béarn et dans bien d’autres
communes rurales, du moins en ce qui concerne la religion catholique?
Les municipalités mettent un point d’honneur à restaurer et à entretenir des églises. Celles-ci le cas échéant ouvrent leurs portes à des manifestations artistiques, après accord préalable des parties concernées sur le contenu et le déroulement des ces évènements. Quand un curé est nommé dans une paroisse, il ne tarde pas à rendre visite aux maires des villages qui la composent. Il n’est pas rare, à l’occasion des obsèques de voir le premier magistrat, qui est le seul à connaître tous les habitants, prendre la parole au début ou en fin de cérémonie pour évoquer la vie du défunt. Et quand une paroisse a besoin d’une salle plus vaste pour des activités occasionnelles, elle se tourne vers la mairie et obtient, en général, l’usage des locaux comme les autres associations. Lorsque la secrétaire paroissiale est en même temps responsable du centre sportif municipal, personne ne s’offusque de savoir qu’elle détient les clefs de l’église et de la salle de gymnastique.
Les municipalités mettent un point d’honneur à restaurer et à entretenir des églises. Celles-ci le cas échéant ouvrent leurs portes à des manifestations artistiques, après accord préalable des parties concernées sur le contenu et le déroulement des ces évènements. Quand un curé est nommé dans une paroisse, il ne tarde pas à rendre visite aux maires des villages qui la composent. Il n’est pas rare, à l’occasion des obsèques de voir le premier magistrat, qui est le seul à connaître tous les habitants, prendre la parole au début ou en fin de cérémonie pour évoquer la vie du défunt. Et quand une paroisse a besoin d’une salle plus vaste pour des activités occasionnelles, elle se tourne vers la mairie et obtient, en général, l’usage des locaux comme les autres associations. Lorsque la secrétaire paroissiale est en même temps responsable du centre sportif municipal, personne ne s’offusque de savoir qu’elle détient les clefs de l’église et de la salle de gymnastique.
Quel intérêt
aurait-on à prêcher je ne sais quelle croisade ou à remettre en cause cette
laïcité apaisée et courtoise qui s’exerce dans le respect des prérogatives de
chacun ?
Prenons garde : une seule étincelle peut rallumer de vieux brasiers. Le mépris ou l’arrogance peuvent détériorer très vite ce capital de sympathie que les Eglises avaient su patiemment tisser entre elles et une majorité de la population de nos campagnes depuis que chrétiens et laïques avaient partagé les horreurs des dernières guerres et la construction de l’Europe. On pourra objecter que l’Evangile n’a jamais été consensuel et que Jésus a vomi les tièdes. Effectivement, il n’a pas mis sa langue dans sa poche, mais il a remis l’épée dans le fourreau.
Prenons garde : une seule étincelle peut rallumer de vieux brasiers. Le mépris ou l’arrogance peuvent détériorer très vite ce capital de sympathie que les Eglises avaient su patiemment tisser entre elles et une majorité de la population de nos campagnes depuis que chrétiens et laïques avaient partagé les horreurs des dernières guerres et la construction de l’Europe. On pourra objecter que l’Evangile n’a jamais été consensuel et que Jésus a vomi les tièdes. Effectivement, il n’a pas mis sa langue dans sa poche, mais il a remis l’épée dans le fourreau.
Que peut-on faire
?
Imiter le regretté René Rémond. Personne, à l’époque, n’a contesté son discours sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Parce qu’il était compétent dans son domaine professionnel et intelligent dans l’appréciation des situations et d’autrui, nul ne lui reprochait d’être croyant et de le dire ouvertement, sans ostentation et sans polémique inutile.
Imiter le regretté René Rémond. Personne, à l’époque, n’a contesté son discours sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Parce qu’il était compétent dans son domaine professionnel et intelligent dans l’appréciation des situations et d’autrui, nul ne lui reprochait d’être croyant et de le dire ouvertement, sans ostentation et sans polémique inutile.
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