17 janvier 2008

Politique de civilisation
C’est donc le titre d’un ouvrage d’Edgar Morin repris dans un discours présidentiel. Qui pourrait s’opposer à ce souci de mettre l’homme au centre de la politique comme l’a rappelé le sociologue célèbre ? Il y a déjà quelques années que les débats les plus divers s’achèvent par cette conclusion imparable : « Il faut remettre l’homme au centre du dispositif ! ». En général tout le monde approuve, d’autant que personne ne se risque à poser la question : « Mais quel homme exactement? ». C’était bien l’avenir radieux de l’homme que souhaitait la dialectique historique marxiste ! C’est son bien-être que prétend apporter le libéralisme. C’est sa sécurité que défend l’arsenal de la législation sociale. L’ennui, c’est que l’être humain ne réduit ni à son travail, ni à son salaire, ni à ses avantages sociaux. Il est tout cela et plus encore. Il est tout cela et tout autre !
Certains audacieux prétendent même qu’au-delà des régimes politiques variés et des cultures différentes, le fonds religieux de l’homme peut contribuer à lui donner un sens de la vie et de la mort qu’il puisse partager avec tous ses congénères. Cette référence religieuse aurait même, affirment-ils, présidé à l’origine des grandes civilisations. A partir de ce constat, un mouvement d’opinion s’est crée pour reconnaître la place du fait religieux comme composante essentielle de l’histoire d’une nation.
Faire barrage à l’économisme pur et dur, endiguer les méfaits du culte de l’argent roi, barrer la route à la marchandisation de l’être humain, voilà un programme qui recueille les suffrages unanimes de tous ceux qui gardent encore un zeste de sensibilité humaniste. Mais trop n’en faut ! Mettre en évidence le fondement religieux du respect de la personne humaine du début jusqu’à la fin de sa vie, rappeler qu’un enfant à besoin d’un père et d’une mère et d’un environnement affectif stable, dire que le pardon peut exister, qu’une société a besoin de temps communs de partage et de convivialité…relève de l’outrage à citoyen français éclairé! Voilà, pour le coup, tous ceux qui voulaient « remettre l’homme au centre du dispositif », voler au secours de la laïcité trahie, subodorer les relents d’un nouveau cléricalisme et se scandaliser qu’un président de la République française rappelle au Vatican qu’un pays a besoin de repères communs que la religion peut contribuer à établir.
Je préfèrerais que tous ces défenseurs d’une société cadenassée aiguisent leurs griffes et profèrent leurs anathèmes à l’encontre de ceux qui veulent réhabiliter une « politique de civilisation » et qui par ailleurs s’acharnent à démolir celle-ci ou ce qu’il en reste. Libérer le travail le dimanche sous prétexte de « gagner plus », laisser entendre que les couples homosexuels pourront devenir parents sous prétexte d’égalité, passer devant notaire pour divorcer sous prétexte de désengorger les tribunaux, n’est ce pas considérer l’être humain soit un outil de travail soit comme un bien mobilier ou immobilier ! Vous avez dit : « Civilisation » Monsieur le Président ? Il faut revoir soit la copie soit les travaux dirigés.

08 janvier 2008

Signe.
Le Concile Vatican 2 a rendu un grand service à l’Eglise de notre temps en présentant celle-ci comme un sacrement, c'est-à-dire, selon la vieille définition de nos catéchismes, comme un « signe visible et efficace ». Je repensais à cela en relisant les textes qui précédent Noël et ceux de la nativité. « Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils… » disait Isaïe au roi Achaz (Is 10,14). Quand les bergers cherchent l’enfant Jésus, les anges les préviennent: « Et ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire » Lc 2,12.
Ainsi le salut du monde tient à la naissance d’un bébé, né au hasard d’un voyage imposé par la puissance publique. Le projet de Dieu sur le monde va même attendre une trentaine d’années que cet enfant atteigne sa maturité humaine pour que son identité divine et sa mission se manifestent à quelques uns. Signe totalement déconcertant pour les humains que nous sommes. Nous aurions trouvé mieux qu’un évènement aussi dérisoire et aléatoire en face des enjeux espérés.
Ainsi y a-t-il des jours où nous avons du mal à croire que le salut du monde est entre les mains, non plus d’un enfant, mais d’une Eglise si banalement humaine. D’ailleurs il ne manque jamais d’esprits forts et lucides pour pointer régulièrement l’inadéquation entre le but poursuivi et le moyen mis en œuvre.
C’est ici que la notion de signe est intéressante, car le signe ne se confond pas avec la réalité. De même que l’humanité du Christ ne recouvre pas la réalité de la rédemption du monde, de même l’Eglise dans sa visibilité ne se confond pas avec le salut de l’humanité.
Elle est signe, rien de plus, rien de moins. Un signe doit désigner. Il doit donc se différencier de la réalité, se tenir à distance pour montrer. Dans notre cas, l’Eglise est signe du salut divin mais elle n’est pas le Royaume. Si elle est signe d’une réalité Autre, elle ne peut pas, non plus, se confondre avec le monde où cependant elle vit. D’autre part le signe doit être lisible par les hommes auxquels elle s’adresse, sinon il ne sert à rien. Telle est la position inconfortable du chrétien. Il était averti depuis longtemps : « Vous êtes dans ce monde mais vous n’êtes pas du monde ».
Dans tous les cas, cette idée d’Eglise sacrement ou signe devrait relativiser l’amertume qui est souvent la nôtre, devant la réduction affichée du nombre des chrétiens dans notre pays, la diminution du clergé ou la perte de l’influence culturelle qui était celle de l’Eglise de notre jeunesse. Le défi à relever consiste avant tout à vivre notre spécificité de signe, tout en restant visibles et lisibles aux yeux de nos contemporains. C’est ainsi que nous pourrons évangéliser les cultures actuelles, y compris les restes de notre civilisation chrétienne, dont certains déplorent la disparition tout en s’employant à en saper les fondamentaux…

02 janvier 2008

2008


« La vérité est une immense verrière tombée en terre, éclatée en mille morceaux. Les hommes se précipitent, se penchent, prennent un fragment, le brandissent comme une arme en disant : « Je tiens la Vérité ».
Il faudrait patiemment rassembler vos morceaux, les souder au ciment de l’amitié et enfin la Vérité ferait chanter la lumière. »
Ces paroles de Jean Sulivan, mort il y a 20 ans ne vous paraissent-elles très actuelles ? Elles ont inspiré mon titre : « Eclats de vie (1) ».
Je vous souhaite en ce Noël et pour cette nouvelle année de trouver ce ciment de l’amitié et la lumière chatoyante de votre verrière reconstituée.

(1) éditions Anne Sigier
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.