01 décembre 2015

Vendredi 13.

Comment se fait-il que la publicité pour les jeux de hasard désigne le vendredi 13 comme un jour de chance ? J’espère qu’après le vendredi 13 novembre  2015 une  prudente curiosité incitera les amateurs de grattage à chercher l’origine et le sens premier de cette date.
Depuis quelques jours il n’est que fureurs et frayeurs en France, en Belgique, en Tunisie, en Syrie…. L’horreur, les balles et la haine ont frappé. Plus de 400 familles sont touchées. Laissons les commentaires de l’actualité aux journalistes et aux politiques. On entend dire qu’il y aura un « avant » et un « après » cette date. On peut en douter si nous ne changeons pas fondamentalement  la loi de l’histoire.

Il semble que la marche du monde, depuis les origines, réponde à une loi immuable : la loi de la vie gagnée et maintenue par la mort des autres vivants. La vie conservée, gardée, défendue, développée, enrichie, exaltée semble être la loi commune de la nature depuis toujours. C’est en elle que réside le « salut » pour employer un langage religieux. « La vie doit continuer » a-t-on entendu après les massacres parisiens. Mais  quelle vie ? Celle qui suppose la lutte, la défense, la guerre aux dépens des autres vies ? Cette vie-là donne la mort. Celle des autres et la nôtre. Peut-être pas au bout du fusil ou dans l’explosion de la ceinture dynamitée mais dans la réalité quotidienne ; celle-ci postule que la vie « gardée » suppose la mort « donnée ».
Rappelons-nous la sentence évangélique : « Celui qui garde sa vie la perdra… »

Peut-il y avoir une autre vie, une autre mort ?
Un homme, Paul, n’hésitait pas à dire « Pour moi vivre c’est le Christ et mourir m’est un gain » (Ph1,21) ;  « Je ne veux savoir d’autre chose que Jésus crucifié » (1Co 2,2). De quelle mort fait-il l’apologie celui qui a fait l’expérience d’un total reversement. La folie de Dieu, dit-il, s’oppose à la sagesse des hommes. Et cette folie consiste à lier le salut à la mort d’un crucifié. (1Co 1,23). Mais, ici encore, quelle mort ? Non pas la mort donnée aux autres pour éviter la sienne ou la mort subie comme l’effet du hasard, mais la mort volontairement offerte, acceptée, franchie comme le sommet lumineux d’une vie elle-même livrée, partagée, mangée, rendue à Dieu et aux autres. Le salut est dans cette mort-là.
Une image peut nous aider. St Jean Chrysostome nous donne celle du serpent. Le serpent peut y laisser sa peau, on peut même le trancher, tant qu’il ne perd pas la tête, il ne meurt pas. La tête pour nous, dit le Patriarche de Constantinople, c’est notre Foi. C’est elle qui peut faire de la mort offerte, la source d’une vie autre.
En fait, il y a une loi et une voie.
La loi de la vie volée par la mort infligée. Il n’y a, dans ce cas- là, ni avant ni après ; c’est  le règne de la violence cyclique sans cesse renouvelée et sans cesse alimentée. La loi est sans issue.
Une voie : celle de la vie partagée jusqu’à la mort offerte que personne ne peut nous voler puisqu’elle est déjà donnée. La voie est ouverte sur un au-delà possible.
J.C


13 novembre 2015


A tous ceux qui désirent vivre « La joie de l’Evangile »
 à la suite du Pape François.


Bien des chrétiens catholiques ont du mal, ces temps- ci, à partager cette joie sans réserve car ils souffrent.…

Nombreux sont ceux qui se reprochent de n’avoir pas su transmettre l’héritage de leur Foi aux générations qui les suivent, même s’ils se réjouissent de  constater que leurs enfants ou petits-enfants les rejoignent sur des valeurs et des engagements qui sont les leurs.

Nombreux sont les jeunes qui apprécient la personnalité ouverte et les messages concrets de notre Pape François. Alors les « anciens » se prennent à espérer que son rayonnement  ramènera « les pères vers les fils et les fils vers les pères » selon le vœu du prophète Malachie.

Nombreux également les prêtres et les chrétiens qui, actuellement, se sentent remis en question dans ce qui fait l’engagement de leur vie chrétienne dans le monde. Les uns expriment douloureusement leur désappointement tandis les autres observent un silence amer.

Ceux et celles qui l’ont lue, ont reçu l’exhortation « La joie de l’Evangile » comme une bouffée d’air frais et d’Evangile qui leur a rappelé celle qu’attendait Saint Jean XXIII du Concile. Ils ont été particulièrement réconfortés par ces paroles du Pape : « Vatican II fut une relecture de l’Évangile à la lumière de la culture contemporaine. Il a produit un mouvement de rénovation qui vient simplement de l’Évangile lui-même. Les fruits sont considérables. Il suffit de rappeler la réforme de la liturgie…. La manière de lire l’Evangile en l’actualisant, qui fut propre au Concile, est absolument irréversible.»

 Il n’est pas bon de rester enfermé dans sa souffrance et son amertume ou de s’épuiser dans la contradiction systématique et stérile.
A tous ceux-là, nous proposons de constituer des ateliers : « Joie de l’Evangile » et dont les participants s’engageraient autant que faire se peut et  compte tenu de leurs obligations présentes:

-     à s’approprier l’examen de conscience que nous offre ce texte (N°76 et suivants) et à reconnaître devant la miséricorde du Père, leur déficience et leur péché.

-     à prier à l’intention de l’Eglise tout entière, du Pape, des frères éprouvés dans leur Foi avec l’aide de la prière formulée ci- après.

-     à reprendre pour eux-mêmes ou en groupe constitué, l’étude détaillée de cette exhortation  afin de  l’approfondir davantage et d’en tirer les conséquences qui s’imposent soit dans leur vie personnelle soit dans leurs communautés.

-     à prendre l’exhortation comme référence à leur mission commune d’évangélisation en s’attachant à rejoindre tous leurs frères dans les « périphéries existentielles » de notre monde.

-     à se rassembler  au moins une fois l’an dans une Eucharistie joyeuse et fervente qui unirait à l’offrande du Christ et de son corps mystique total, les initiatives suscitées par la vie de ces ateliers et des communautés qui voudront s’associer à eux.

Nous confions ce projet à Marie, mère de l’Eglise et à votre prière.



Père,

Il T'a plu de te faire aimer de chacun et de tous,
Dans la mort résurrection de Jésus
Par le don largement répandu de l'Esprit.
Tu as formé un peuple où Amour et Vérité se rencontrent,
Justice et paix s'embrassent.
Donne-nous un cœur comme le tien,
Qui sache discerner le vrai
Et aimer la bonté.
 Que le choix inlassable de la fraternité
Fortifie en tous le besoin de t’aimer
Quand les défis paraissent des obstacles,
Que la joie de ton évangile nous transforme
En témoins et artisans de paix.
Quand la stérilité, le doute, la division frappent,
Que tes œuvres de miséricorde
Soient source pour le monde
De lumière et de fécondité.

Ô Père,
Que ta loi d'amour gravée dans nos cœurs
Fasse de nous des compagnons de route.
AMEN



Si ce projet vous intéresse :

1- Diffuser largement le texte dans vos réseaux auprès des personnes susceptibles de l’accueillir favorablement.

2- Provoquer selon les réponses obtenues et chacun dans son secteur géographique ou entourage  une rencontre pour redonner le but des ateliers et recueillir les idées et désidérata de chacun.

3- Renvoyer un écho de ce qui s’est passé, si vous le souhaitez, à bernard.maestri@wanadoo.fr afin de centraliser les réactions  pour que nous puissions faire le point la prochaine fois.


19 octobre 2015

Un adolescent d’aujourd’hui. (1)

Ayant connu les soubresauts juvéniles de 68, lors de mes années estudiantines vécues dans l’Université « rouge » de Toulouse, j’avais oublié que chaque génération avait besoin de faire sa crise d’adolescence.
La nouvelle génération d’adultes, parvenue « aux commandes » de notre société et de nos institutions, a grandi dans un monde qui avait perdu sa boussole morale et religieuse mais qui, par contre, s’était donné un dieu aussi séduisant qu’implacable : le progrès. Un progrès divinisé qui, par définition, n’admettait aucune limite et dont la domination technocratique a provoqué une bonne part des désastres écologiques actuels, comme le fait remarquer l’encyclique 
« Laudato Si.» (N° 108).
Conséquence de ce bouleversement sans précédent: le Dieu des commencements à l’origine de la création et le Dieu de la fin, celui du « ciel », avaient perdu toute utilité et cela d’autant plus que le paradis devait advenir sans eux, « ici et  maintenant ».
Or la génération actuelle a appris, à ses dépens, que le fameux progrès est en train d’épuiser la planète et que les dérèglements climatiques n’attendront pas des milliers d’années pour peindre en noir la planète bleue. La « maison commune » brûle et les dégâts sont déjà irréparables ! Quant au vide moral et social qui accompagne les avancées de notre société, il ne peut qu’accentuer le vertige qui saisit nos jeunes contemporains.
Il faut se rendre à l’évidence : le progrès n’est pas un dieu qui procure nécessairement le bonheur des hommes. Et ces jeunes constatent, que dans un monde où tout est marchandisé et financiarisé, ce progrès n’est pas entre les mains des sages mais dans celles du marché et des marchands. Et même si les sages  en avaient la maîtrise, ceux-ci n’en resteraient pas moins des hommes faillibles.
Pour une majorité d’entre eux, il n’y a plus d’issue à ce monde, ni avant, ni après ; ils savent désormais, que le paradis sur terre n’existera plus. Aussi, quand ils pensent à la vie, à la mort, au bonheur,  ils sont complètement perdus et ne peuvent se fier qu’au scintillement fugitif de leurs idoles éphémères.
Alors, de façon paradoxale et inattendue, une partie d’entre eux appelle Dieu au secours. 
Et Dieu revient un peu partout dans le monde, malheureusement sous les formes les plus archaïques, les plus primaires, les plus dangereuses. Nous voyons des jeunes diplômés, des garçons et des filles sains de corps et d’esprit se jeter dans les filets  de mouvements extrémistes qui rejettent violemment tout ce que l’époque contemporaine nous a apporté, pour se réfugier dans des idées et des comportements qui sont censés être vrais, parce qu’ils sont anciens. 
Bien entendu, quelques arrière-boutiques politiques profitent de l’aubaine pour leur laisser croire qu’il  y a eu un âge d’or où société et religion conjuguaient leurs efforts pour bâtir la cité idéale.
Ceux qui réfléchissent encore sont désarçonnés par le choix tragique qui se présente à eux : le vide ou la violence. « Rien avant, rien après, pas grand-chose pendant la vie » : c’est la tentation du vide. 
« Détruisons ce monde pervers et perdu, établissons une loi divine impitoyable et universelle » et  c’est la fascination de la violence sacrée. Ce discours se propage en clair chez les fanatiques musulmans mais par une sorte de rivalité mimétique, il trouve des oreilles attentives dans les autres religions. « Bannissons la modernité, revenons aux fondements » est le mot d’ordre, même si l’on fait un tri bien sélectif dans ces dits fondements.
Chez certains jeunes catholiques, ce rejet d’un monde moderne perverti jette la suspicion sur l’ensemble de la génération précédente (celle du Concile Vatican II) accusée d’avoir vidé les églises par des compromissions excessives avec l’air du temps et d’avoir dangereusement
 « flirté » avec les valeurs séculières. Ils exhument avec une délicieuse frénésie tout ce qui porte le cachet de l’ancien, le confondant avec l’authentique, et baptisent le tout au nom de la tradition vivante de l’Eglise. Sans le vouloir, ils prennent rang dans la longue liste de tous ceux qui inventent les choses pour la deuxième fois. Assistons-nous à une nouvelle crise d’adolescence ? L’expression semble mal appropriée pour être appliquée à une Eglise qui a défié les siècles. A moins qu’elle ne soit le gage de son éternelle jeunesse !
Le principe de réalité, cher au Pape François, rappellera peut- être un jour à nos jeunes successeurs que, lorsqu’on a quatorze ans, le père n’a jamais raison et s’est trompé sur toute la ligne. Lorsqu’on atteint l’âge de trente ans, il arrive que l’on reconnaisse que « papa avait quelquefois raison ». Il ne faudrait pas qu’ils attendent trop pour se dire : « Et si l’on demandait à papa ce qu’il en pense » !

(1) François Mauriac, en son temps, avait intitulé un de ses ouvrages " Un adolescent d’autrefois"

23 mai 2015

Transhumances musicales.

Décidément rien ne se passe comme ailleurs dans le petit village de Laas niché au cœur du Béarn. Le parc de son splendide château accueille depuis 20 ans, lors du week-end de l’Ascension, un festival de musiques populaires
qui répond au nom « vachement » évocateur de transhumances musicales.

Le grand ordonnateur en est le maire de la commune, par ailleurs nouveau conseiller départemental. Jacques Pédehontaa est son nom et il tient, depuis le début de l’aventure, à ce qu’une messe soit célébrée, le dimanche matin, sous le chapiteau qui abrite les manifestations programmées. Lui-même n’hésite pas à prêter main forte à sa vaillante équipe de bénévoles pour transformer le podium en chœur de cathédrale de toile.

Cette année, au début de la cérémonie, le célébrant a remercié de leur concours les deux groupes qui l’ accompagnaient : une fanfare locale et deux marins du fameux Bagad de Lann Bihoué. Il leur a fait remarquer, ainsi qu’aux autres participants, que toute musique était religieuse dans la mesure où elle reliait (origine du mot religion) des générations, des cultures, des personnes différentes dans une même communion artistique. Sans éluder toutefois l’existence de musiques qui droguent, qui saoulent, qui réveillent les plus bas instincts de l’homme. Mais peut- on encore les assimiler à de l’art ?

La cérémonie s’est déroulée convenablement devant une assistance nombreuse et attentive, ce qui n’est pas toujours le cas dans ces ambiances festives. Le souci le plus manifeste des acteurs de la liturgie consistant avant tout à ne pas se prendre les pieds dans les innombrables fils qui entouraient l’autel improvisé et à contourner les baffles imposants qui trônaient sur la scène.

 Mais la cerise sur le gâteau ou la surprise du jour a eu lieu pendant l’homélie. L’évangile rappelait la sentence du Christ : « Vous êtes dans le monde sans être du monde ». Et voilà que le prédicateur « s’est payé le luxe » de lire à l’assemblée un extrait de la lettre à Diognète qui au début du 3ème siècle donnait déjà les grands principes de la situation des chrétiens dans le monde.
« Ils sont des étrangers domiciliés » ; ils vivent comme tout le monde mais cependant ils se distinguent car ils ne peuvent pas adopter certains comportements qui éliminent l’autre parce qu’il gêne ; ils ne peuvent pas, sauf cas exceptionnel, prendre partie pour la violence sous toutes ses formes et c’est pour cela qu’ils sont incompris, raillés, détestés. « On les insulte, et ils bénissent ! »

Diognète invité aux transhumances musicales de Laas aux côtés du « Le Soldat Louis » : il fallait oser ! A en croire la réaction de certains paroissiens du jour qui, à la fin de l’office, demandaient le texte entendu, le pari n’était pas aussi risqué qu’il paraissait.

Morale de l’histoire : 
-Ne pas négliger ces moments de « piété populaire » comme le demande le Pape François dans son encyclique. Une dame se disait « bouleversée » à l’issue de cette liturgie qui ne présentait pourtant pas tous les critères requis à cet effet.

-Parier sur le désir des chrétiens d’aujourd’hui d’être formés et informés.

-Ouvrir les yeux sur le prosélytisme des « nouveaux magistères » selon l’expression du Père Valadier, qui profitent du climat actuel pour promouvoir une laïcité identitaire et offensive. Cette sorte de neutralisation officielle des religions alerte et inquiète ceux qui demandent à César un simple respect démocratique des convictions de chacun. Malgré un contexte totalement différent de celui du 3ème siècle persécuteur des chrétiens, la question des relations entre les croyants et la société civile devient de plus en plus sensible. La lettre à Diognète que l’on extrait du fond des siècles à usage des études sérieuses et des ouvrages spécialisés s’est faufilée malgré la gravité de son propos entre deux airs de cornemuse et quelques assauts de clairons sans indisposer outre mesure l’auditoire. Preuve de son actualité !
Puisse-t-elle s’intercaler dans quelques dossiers ministériels et inspirer les responsables religieux de toute confession et de toute obédience ?


17 mai 2015

                   

        Mea culpa. Maladies cléricales mais pas seulement…


        Il y a quelque temps le pape François, dans un de ses discours aux Cardinaux, livrait un diagnostic inquiétant mais réaliste des 15 maladies qui frappent la curie romaine. Mais chacun de nous a compris qu’il faisait partie pour la circonstance du Sacré Collège et  n’était en rien épargné. Les vieux clercs, catégorie dont je fais partie, n’ont pas été étonnés. Ils savent, tout en le déplorant, que le clergé, comme tout corps social, est infecté par trois virus à nocivité variable qui sont les sous-produits de vertus indispensables à sa mission.

Le premier pourrait se nommer « incurable légèreté ». On a tellement caricaturé ces « curés » à la triste figure ne parlant que de péché et de pénitence que certains ont voulu donner à leur personnage un abord sympathique à souhait, éternellement gai et joyeux, gentil et sautillant. A tel point que, quel que soit le sujet abordé, on esquive la question qui fâche par des plaisanteries faciles, un éclat de rire, de pieuses échappatoires, du style « Dieu y pourvoira ! L’Esprit Saint se débrouillera ! » Tout se passe comme si le divin dont nous sommes  « accablés » était bien trop lourd à porter ou comme s’il fallait se délester du « sentiment tragique de la vie » pour se contenter de l’inoffensif clapotis mondain.
« Nos dirigeants sont des gamins » s’étonnait déjà Isaïe.
 « Quand il me parle, il fait comme mon député : il regarde déjà à qui il va serrer la main après moi» s’étranglait une paroissienne. Notre désir de proximité fraternelle, vertu hautement louable, est parfois devenu contact inconsistant.  Pardon pour notre légèreté, elle n’est peut-être que le cache- misère de la situation actuelle de nos communautés chrétiennes à l’agonie, dans nos contrées rurales en particulier.

Deuxième virus : l’aigreur. Au départ, le zèle pour l’Evangile nous anime, mais les premières déconvenues viennent déposer une couche d’amertume dans les tréfonds de notre inconscient. Et pour peu que le « Jaloux » en ajoute une couche, l’aigreur vire en jalousie puérile. Celle-ci s’ingénie à dénigrer le succès ou les initiatives du confrère voisin, devenu concurrent malgré lui, afin de justifier nos propres échecs. Les Actes des Apôtres notent que les Juifs étaient « jaloux » du succès de Paul et de Barnabé. (Ac 13,44)
Force est de constater que les croyants ne sont pas exempts de cette maladie pernicieuse qui s’infiltre sournoisement chez les personnes qui devraient en être préservées. Elle est ancienne et elle n’a pas été éradiquée. On disait qu’autrefois les paroisses rivalisaient entre elles en bâtissant un clocher si possible plus élevé que le voisin. Heureuse époque où l’on pouvait évaluer l’émulation entre les communautés des croyants à l’aulne de la hauteur des cloches.
 « Plus chrétien que moi, tu meurs ! »
Seigneur, délivre-nous de l’aigreur et de la jalousie, rends-nous sincèrement heureux du succès de l’autre.

Troisième virus : la défiance. Celui-ci est apparu plus récemment, à la faveur de clivages de plus en plus nets au sein du clergé et des communautés chrétiennes. Rien non plus de bien nouveau sous le soleil. « Je suis pour Paul, moi pour Apollos ! » disait-on chez les premiers convertis. De jeunes générations de catholiques redécouvrent avec ferveur un langage théologique et un certain nombre de postures idéologiques ou liturgiques qu’ils assimilent à la véritable tradition ecclésiale. Et ceci, en partant du principe que leur abandon, à la suite d’un Concile mal interprété selon eux, a causé l’affaiblissement et la quasi-disparition de l’Eglise dans l’espace public français. (1)
 Il se crée alors des réseaux et des coteries bien organisés et bien ciblés qui deviennent de plus en plus étanches les uns aux autres. C’est ainsi que s’installent la défiance, la suspicion, sous couvert d’une vertueuse retenue destinée à ne pas indisposer l’autre, à se faire cataloguer trop vite ou à ne pas engager une polémique stérile. Notre évêque, et il n’est peut-être pas le seul, a récemment éprouvé le besoin d’exhorter très sérieusement ses prêtres à la fraternité sacerdotale. Signe des temps …

A trois virus, trois remèdes.

D’abord la correction fraternelle. La jonction de ces deux mots indique déjà la complexité de l’exercice. Cette correction entre frères doit prendre appui sur le désir d’une conversion sans cesse renouvelée, elle-même alimentée par une prière assidue.
Prière, correction, conversion et j’ajouterai, un peu humour envers soi-même : quatre anti virus qui ne nous empêcheront pas, cependant, de nous reconnaître encore pécheurs comme le fait notre Pape quand il demande de prier pour lui. Les maladies laissent parfois de lourdes séquelles ! Que le Divin Médecin nous prenne en pitié !
 1) Il serait intéressant qu’ils renversent la question et qu’ils se demandent si la déchristianisation n’avait pas commencé bien avant les changements qu’ils réprouvent. Ils seraient alors amenés à relativiser les tuyaux qui servent à transmettre le message de l’Evangile et à accorder un peu plus d’importance à son contenu lui-même. Mais chaque génération doit faire l’expérience de la radicale inaptitude de tous les moyens humains pour dire Dieu.


08 avril 2015

Merci Thomas !

« Donne-nous un  signe venant du ciel… »


Eternelle réclamation des croyants hésitants que nous sommes. Comme en matière de Foi nous ne pouvons pas compter sur l’évidence, nous cherchons des signes. D’ailleurs, dans le domaine économique ou politique, nous procédons de la même façon : nous attendons les « signes de la reprise » ou les « frémissements de l’opinion publique. »

Jésus a été tenté d’exploiter le filon du sensationnel ( Jette-toi du temple ), de l’utilitaire ( Fais du pain avec les pierres ) et du pouvoir (Tous les royaumes, je te les donne.) Bref, des signes qui parlent à ceux qui n’entendent pas ou qui n’attendent rien.

Dans ce genre de tentations, l’Eglise n’a pas été en reste. Elle a souvent étendu son pouvoir, au cours de l’histoire, en palliant les déficiences de l’autorité civile. Elle a brillé par les lettres et les arts et par  la transmission du savoir. Elle a usé de son influence en croyant servir : l’évangélisation adoptait les moyens et les mœurs de l’époque sans trop y regarder de près… Mais seuls ceux qui n’ont pas de mains les ont pures !

En ces temps de contestation de toutes les religions, je me surprends à me réjouir lorsqu’un de ces « bien pensants » qui n’a de savoir que sa suffisance se fait « clouer le bec » par un historien croyant et compétent. Il en existe ! Et lorsqu’on se plaît à dénigrer l’action des chrétiens, j’évoque quelques grands noms, plébiscités par l’opinion publique, et officiellement reconnus sur les champs d’honneur de notre République.  Et si cela ne suffit pas, je cite la lettre cinglante que Mauriac écrivit à Gide pour lui rappeler que cracher sur l’Eglise consistait aussi  à insulter la petite religieuse soignante qui viendrait veiller sur son agonie, car à cette époque-là, les religieuses faisaient partie du personnel hospitalier.

Mais ces concours de « biendisance » ou de bienfaisance me laissent un arrière-goût d’inadéquat. Alors le Thomas qui sommeille en moi se réveille et me dit :

 « Te souviens-tu quand je cherchais un signe indubitable de croire en Lui ? Il est venu à moi et m’a donné à voir et à toucher ses cicatrices de crucifié, les blessures de son Amour.   Ne cherche pas, poursuit Thomas, à convaincre l’autre par tes diplômes, ta compétence, ton autorité, par tes décorations ou tes démonstrations. Tout cela n’est que miroir de toi-même et fait écran à l’Autre. Ton cœur blessé et ouvert par l’Amour du Père, tes mains clouées à celles de tes frères, tes pieds liés à la condition humaine, suffiront à ceux dont tu seras assez proche pour qu’ils puissent  Le voir et Le toucher. Seules ta fragilité et ta vulnérabilité sont perméables à Dieu et seules tes blessures le laissent transparaître. »

30 mars 2015

Vers Pâques…Mourir et renaître.

Quand tes performances physiques faiblissent,
Quand tes facilités intellectuelles diminuent,
Quand le temps de récupération s’allonge,
Tu prends de l’âge et tu le sens.
Les « tu ne changes pas » de tes amis ne font que les rassurer sur leur sort,
Mais à bien les regarder, tu t’inquiètes pour le tien.

Quand dans l’euphorie d’un bon repas, tu fais encore des projets
Qui n’éveillent chez tes successeurs qu’un sourire sans suite;
Quand ces projets, à la réflexion, relèvent du rêve
Et s’effritent sur tes capacités réelles,
Tu vieillis et tu le sais, mais tu peux encore rêver…

Quand on te fait comprendre que l’on n’a plus besoin de toi,
Quand on ne sollicite plus ton avis,
Quand ton inutilité te rend transparent aux yeux de ton entourage,
Ou que le mal broie ta chair et brise ton esprit,
Tu commences à mourir, tu le vois et tu ne peux plus rêver.

Te reste, alors, à revisiter ton monde à toi,
A entrebâiller les portes du ciel,
A prier pour qu’elles s’ouvrent plus grand;
Tu nais à nouveau, tu le crois et tu espères…