16 septembre 2014


Malgré la cruelle évidence…
  Les prêtres qui ont eu la chance d’être ordonnés dans l’esprit de renouvellement du Concile Vatican II et qui n’ont pas sombré dans les remous de la tempête de 68 ont essayé vaille que vaille de pratiquer ce que l’on appelle un apostolat de proximité. « Je me suis fait tout à tous » disait déjà l’Apôtre, mais n’est pas St Paul qui veut ! Certains d’entre eux comme le bon pasteur ont mis leur point d’honneur à « connaître toutes les brebis » et se sont faits les champions de la disponibilité et de l’adaptation à toutes les circonstances. D’autres ont utilisé leur tempérament de feu et leur verbe fracassant pour galvaniser les foules et réveiller les consciences. D’autres encore ont voulu répondre sans faillir à toutes les demandes même les plus « périphériques ». Ils n’avaient peut-être pas une foi à déplacer les montagnes mais assez d’espérance pour affronter les déserts les plus arides.
Ces prêtres- là ont pris de l’âge. Ils ne sont pas en fin de carrière mais au terme de leur ministère. Ils ont la « consolation » d’avoir noué avec des familles entières et de nombreuses personnes rencontrées sur leur route des liens très forts d’amitié et d’affection qui résistent au temps et à la distance. Mais si un bilan  de vie sacerdotale n’emprunte pas les critères comptables habituels, ces prêtres ne peuvent pas ne pas être insensibles au fait qu’une immense majorité de ceux et celles qu’ils ont accompagnés ou croisés, hormis les paroissiens habituels, ne manifestent pas, du moins visiblement et régulièrement, un lien quelconque avec le Christ.
« A qui ai-je attaché les gens qui m’ont été confiés ? A moi ou au Christ ? ».
C’est la question à laquelle ils ne peuvent échapper et qui leur donne parfois le vertige. Celle-ci se pose tout autant pour les baptisés appelés eux aussi à témoigner. 
Comment se fait-il qu’au delà de l’homme disponible, généreux ou assidu à son service, les relations, les amis, les proches n’aient pas perçu la présence de Celui qui l’habitait et n’aient pas engagé une approche de la Foi?
Cette constatation est d’autant plus douloureuse qu’une nouvelle génération de prêtres et de chrétiens se lève que l’on dit plus « attestatrice » ou plus
 « identitaire » ou encore plus « traditionnelle ». 
Elle revendique haut et fort une autre approche pastorale, plus visible, plus centrée sur les rites et la doctrine, plus respectueuse des règles séculaires. 
Et déjà elle affiche ses succès en termes de vocations suscitées, de communautés fondées et d’influence  retrouvée. Elle fait bien comprendre aux anciens que nous ne sommes plus dans le temps de  l’accompagnement, pas même dans celui de la proposition mais dans celui de la provocation prophétique.

Un jour viendra où cette génération- là n’évitera pas cette même interrogation : « A qui, à quoi se sont-ils attachés ? A des valeurs ? A des principes ? ou au Christ Vivant ? »
Cette question a traversé toute l’histoire de l’Eglise. Elle a été l’ « épine dans sa chair », une croix invisible mais bien réelle, le coup de fouet qui a provoqué bien des déceptions mais aussi toutes les « nouvelles  évangélisations » successives et l’éclosion des saints rénovateurs. Impossible de s’évader dans des réponses lénifiantes du style : « Il en restera toujours quelque chose ! » 
« Les voies du Seigneur sont impénétrables ! » Si la lucidité fait du mal, la bêtise l’aggrave.

Il nous faut revenir à Jésus. N’a-t-il pas lui aussi connu cette douloureuse inquiétude ? Ne s’est-il pas plaint amèrement de cette génération incrédule qui lui demandait des signes évidents. Il a passé son temps à expliquer qu’Il ne parlait et qu’il n’agissait que par référence au Père. Il a donné tous les signes possibles de sa filiation divine. A-t-il pour autant convaincu les foules ? Non ! « Il n’est que le fils du charpentier » disaient ses voisins ; un rabbi plus éloquent que les autres ; un prophète nouveau mais éphémère comme ceux qui l’ont précédé…
Quelques- uns seulement lui ont accordé crédit. Il a fallu pour cela qu’il se dépouille de tous les titres qu’il aurait pu revendiquer et qu’il meure nu. Il a fallu que son flanc béant laisse entrevoir le cœur de Dieu en laissant couler le sang et l’eau et en répandant l’Esprit. C’est à ce moment- là que Celui qui ne cessait de s’effacer devant Dieu s’est totalement confondu avec Lui : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai le monde à moi ! » C’est à l’heure du don total que ceux qui, jusque- là, n’avaient vu en Jésus que l’homme de Nazareth, l’enseignant éclairé, le prophète fulgurant, le guérisseur apprécié, ont entendu le soldat s’exclamer : « Cet homme était le Fils de Dieu ! » et ont peut-être enfin compris.

Courage, le dépouillement n’est jamais terminé…le flanc n’est pas encore percé…le cœur n’est pas à nu…l’Esprit peut encore ouvrir les yeux aveuglés…

20 avril 2014

                                   BONNE PAQUE!!  
Un jeudi de pain, un vendredi de sang, un samedi de pierre,
  un dimanche de lumière : ainsi va la vie…
Les chrétiens viennent de s’unir aux trois derniers jours de la vie du Christ leur Sauveur.
Jeudi : célébration de la Cène, partage du pain et du vin, de la vie.
Vendredi : mort de Jésus en croix : réalisation dans sa chair de ce don de lui-même anticipé la veille avec le pain et le vin.
Samedi : silence autour du tombeau puis, dans la nuit, explosion de la vie ressuscitée.
Ces trois jours nous sont donnés comme le concentré de toute une vie pour  mieux prendre conscience de ce que nous vivons quotidiennement.

Il y a, en effet, la "vie vivante", celle du pain et du vin à produire, à échanger, à conserver. La vie de cette création qui nous est offerte pour être transformée par l’immense labeur et l’incessante activité des hommes en une vie meilleure. C’est la vie de l’enfant qui s’amuse en riant, de sa maman qui s’inquiète pour sa grande fille partie au loin, du papa qui redoute la crise économique. C’est la vie qui nous pousse, nous oblige à faire des projets, à nous organiser, à nous rencontrer, à nous entraider. C’est la " vie bonne ".

Il y a aussi la vie endurée, qui pèse de tout son poids. La vie à affronter comme un combat usant, fatigant, éreintant. Lutte contre la maladie, le désespoir, la division. La vie avortée, divorcée, disloquée. La vie cauchemar du sans papier, du sans ressources, du sans amis, du sans logis. La vie volée, violée, assassinée à plaisir, par l’ivresse sanguinaire. La vie retenue comme un dû, comme une proie à ma merci. C’est la vie de la coupe amère, malheureuse et mauvaise.

Enfin, il y a cette vie éteinte, enterrée, parfois oubliée dans la tombeau de l’histoire. La vie scellée par la pierre tombale, réduite à quelques lettres : un nom, deux dates gravées sur la dalle. Une fin irrémédiable  qui condamne toute existence à la vanité ou à l’absurde. C’est la vie morte. C’est le temps de la nuit, des ténèbres, du silence des choses et de Dieu .Mais prenons y garde. La nuit est aussi le temps de la germination, de la fécondation. Ce n’est pas pour rien que le calendrier juif compte le jour en partant de la veille. Le silence n’est-il pas nécessaire à la parole, à la caresse muette qui dit l’amour, au regard qui interroge. La nuit, c’est la vie du bébé lovée, bien au chaud dans le ventre maternel. Cette vie morte est une vie qui repose et qui attend pour se déplier.

Et voilà qu’au matin surgit la vie nouvelle. Elle commence par un cri d’effroi devant l’inconnu menaçant avant que le geste et la parole des parents ne le transforment en babil souriant.
Pâques est un cri : " Jésus est vivant pour toi et avec toi. "
Il est vivant pour que la « vie bonne » qui t’est donnée comme un cadeau le reste. Qu'elle soit eucharistie, pain et vin partagés, action de grâces envers le Créateur et ton prochain.

Il est vivant pour que la vie "mauvaise" polluée par ton péché, la vie de la   "coupe amère"  soit l’occasion de la compassion éprouvée, de la solidarité retrouvée et peut-être du pardon accordé.
Il est vivant pour que la vie éteinte repose en silence sur un lit de confiance et que mûrissent notre Foi et notre Espérance.

Alors, à ton tour, tu pourras pousser le cri du matin de Pâques  et le Père te répondra :
            "Il y eut un soir, voici le matin sans fin et cela est très bon!!  "

05 février 2014


La laïcité à la béarnaise


A l’occasion du centenaire de la séparation des Eglises et de l’Etat, un colloque se tenait dans l’Abbaye-école de Sorèze à l’initiative, il faut le noter, d’une religieuse  (Octobre 2004). Les  représentants de diverses familles de pensée laïques ou religieuses s’étaient donné rendez-vous et avaient confronté leurs analyses sous la présidence d’un éminent historien: René Rémond. Après avoir écouté tous les orateurs, il fit une magistrale synthèse des débats et  concluait, qu’après avoir traversé bien des périodes tourmentées, la société française pouvait enfin connaître le temps d’une«laïcité apaisée ».

Quatorze ans plus tard, le diagnostic est-il le même ?
Il semble que de lourds nuages viennent noircir l’horizon « de ceux qui croyaient au ciel et de ceux qui n’y croyaient pas ».
La montée de la mouvance islamiste de part le monde et quelques coups d’éclats de fanatiques dans notre pays ont réveillé la suspicion à l’égard de toutes les religions. On  s’est empressé de stigmatiser tout ce qui pouvait ressembler à des signes religieux dans le vaste espace public.  On a proclamé haut et fort que la religion ne devait pas franchir la sphère de la vie privée et de la conscience individuelle. Ce raidissement officiel, tout à fait compréhensible quand la paix publique est en jeu, a provoqué, par effet de balancier, un sentiment de discrimination parmi les croyants. Ils  ne comprennent pas en quoi l’affirmation de leurs convictions religieuses peut gêner leur participation au bien commun.

Les choses auraient pu en rester là. Mais nos gouvernants, grisés par une frénésie de légiférer sur tout, ont voulu remettre en cause quelques principes qui fondaient jusqu’ici la société et qui méritaient un autre traitement que celui d’une bataille politicienne et partisane.

Tout ceci se passe sur fond d’ébranlement général des valeurs consécutives à l’effacement des idéologies et au brouillage de toute perspective d’avenir dû à une crise économique qui exacerbe les clivages. Et ce manque de repères assurés pousse les jeunes générations à adhérer à des visions du monde plus tranchées susceptibles de justifier un idéalisme intransigeant.

De la suspicion à l’incompréhension, de l’incompréhension à la thèse du complot et au délit de persécution, les réseaux sociaux franchissent allègrement le pas. Tout est bon pour accuser les religions liberticides de maintenir les sociétés sous l’étouffoir de l’obscurantisme. Tout est bon pour débusquer le travail de sape des lobbies antireligieux qui organiseraient sous cape, sous prétexte de respect et de dignité de l’individu, une dégénérescence de l’humanité. Entre le déni de tout héritage religieux et la soumission à une tradition imposée y-a-t-il une autre posture ?

Comment se pratique la laïcité dans de nombreux villages du Béarn et dans bien d’autres communes rurales, du moins en ce qui concerne la religion catholique?
Les municipalités mettent un point d’honneur à restaurer et à entretenir des églises. Celles-ci le cas échéant ouvrent leurs portes à des manifestations artistiques, après accord préalable des parties concernées sur le contenu  et le déroulement des ces évènements. Quand un curé est nommé dans une paroisse, il ne tarde pas à rendre visite aux maires des villages qui la composent. Il n’est pas rare, à l’occasion des obsèques de voir le premier magistrat, qui est le seul à connaître tous les habitants, prendre la parole au début ou en fin de cérémonie pour évoquer la vie du défunt. Et quand une paroisse a besoin d’une salle plus vaste pour des activités occasionnelles, elle se tourne vers la mairie et obtient, en général, l’usage des locaux comme les autres associations. Lorsque la secrétaire paroissiale est en même temps responsable du centre sportif municipal, personne ne s’offusque de savoir qu’elle détient les clefs de l’église et de la salle de gymnastique.

Quel intérêt aurait-on à prêcher je ne sais quelle croisade ou à remettre en cause cette laïcité apaisée et courtoise qui s’exerce dans le respect des prérogatives de chacun ?
Prenons garde : une seule étincelle peut rallumer de vieux brasiers. Le mépris ou l’arrogance peuvent détériorer très vite ce capital de sympathie que les Eglises avaient su patiemment tisser entre elles et une majorité de la population de nos campagnes depuis que chrétiens et laïques avaient partagé les horreurs des dernières guerres et la construction de l’Europe. On pourra objecter que l’Evangile n’a jamais été consensuel et que Jésus a vomi les tièdes. Effectivement, il n’a pas mis sa langue dans sa poche, mais il a remis l’épée dans le fourreau.

Que peut-on faire ? 
Imiter le regretté René Rémond. Personne, à l’époque, n’a contesté son discours sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Parce qu’il était compétent dans son domaine professionnel et intelligent dans l’appréciation des situations et d’autrui, nul ne lui reprochait d’être croyant et de le dire ouvertement, sans ostentation et sans polémique inutile.

09 janvier 2014


Vœux

A toi l’ancien…à toi l’ancienne…
Cette année nouvelle creusera un peu plus tes rides, blanchira tes tempes, accentuera un peu plus tes manies et ton insupportable habitude de vouloir avoir le dernier mot ( en général assassin ) sur tout.

A toi son enfant, son proche, son jeune ami…
Il t’arrivera, encore, de laisser percer ton agacement à son endroit, d’échanger avec les autres un petit sourire complice et condescendant.
Il te faudra, encore, abandonner les illusions enfantines et les transferts inconscients que tu entretenais à son sujet, accepter tes propres défaillances et mesurer tes lacunes.
Mais une année nouvelle s’offre à toi, pour que ton amour, ainsi purifié, transfigure son visage. Comme un baume bienfaisant, il aplanira ses angles durs, il éclairera ses ombres indélébiles, il fera luire ses cicatrices comme rais de lumière. Et tu le trouveras beau, et tu la trouveras belle ! Miracle de l’amour quotidien si souvent ignoré !

Qu’il en soit de toi et de Dieu comme de l’ancien et du plus jeune.
Qu’Il profite des crevasses de tes doutes et des gouffres de tes péchés pour les remplir de l’onde bienfaisante de sa Grâce. Qu’elle y fasse son lit large et débordant, qu’elle pénètre au plus profond de ton être, qu’elle inonde tes infinies platitudes et renverse tes rances certitudes.

Alors, ton visage ne sera méprisé ni de Dieu ni des autres. Il resplendira limpide et gracieux aux yeux de ceux-là mêmes, qui ne te regardaient pas…

23 décembre 2013


Mort et naissance à Noël.

« J’ai du mal avec Noël, trop de deuils m’ont frappée dans cette période » me disent Christine et Anne. Deux jeunes enfants de mon canton passeront Noël sans leur papa et deux autres, bien près de moi, sans leur maman. Des dizaines de petits Centrafricains passeront un Noël d’orphelins… La mort, autrement dit le passage en l’autre Vie, n’est pas étrangère à la naissance….

 Dans un effort de lucidité, ma raison peut admettre la mort, la mort en général. Les scientifiques diront qu’elle est  la condition de la vie. Mais cette même raison s’insurge  devant l’absurdité de la mort en particulier ; celle qui a pris un nom, celui d’un époux , d’une mère, d’un grand père. Qu’elle survienne à vingt ans ou à quatre vingt dix ans, nous avons le sentiment qu’elle nous vole quelque chose que l’on pouvait encore espérer, ne serait-ce que ces derniers mots que nous aurions encore voulu prononcer. Nous cognons sur le mur de l’absurde où il est écrit: 

« Pourquoi la vie, si c’est pour mourir »! Et plus largement encore :
 « Pourquoi de l’être pour ne pas être ! »

Le langage courant traduit bien ces deux attitudes devant la mort. 
« C’est la vie » dit-on parfois pour en souligner la fatalité et presque la banalité; mais « plus rien ne sera comme avant », quand on en retient la perte irrémédiable qu’elle provoque.

Pour bien prendre la mesure du non sens que la mort oppose à toute entreprise humaine, il faut évacuer de notre esprit toutes ces banalités que nous échangeons en pareilles circonstances. Elles se veulent consolatrices, elles ne font que combler  le vide qui  nous apeure. Certains d’entre nous, plus courageusement, vont jusqu’à éliminer également toutes ces compensations imaginaires qui nous font rêver une après-vie. Ils se concentrent sur un seul impératif: donner un sens à la vie présente . Mais quel sens peut-elle avoir si le néant l’attend au coin du bois.
Il n’est pas étonnant, alors qu’une majorité de nos contemporains, et nous en faisons parfois partie, fermant délibérément les yeux sur l’avant et sur l’après, se réfugie dans la bulle de l’instant et n’observe qu’un seul commandement :
 « profite du moment présent ». Un peu comme si les résultats obtenus par le génie de l’humanité, comme si le gigantesque effort des hommes et la somme de toutes les leurs souffrances accumulées, en étaient réduits à la jouissance de la cigarette du condamné. Ainsi mise à nue, la radicalité de la mort donnerait raison à l’auteur du livre de l’Ecclésiaste, qui ne cesse de répéter: 
« De tout ce que j’ai vu sous le soleil, rien ne vaut la peine car tout est vain ». Malgré ce sombre diagnostic, l’homme, depuis son origine, refuse l’évidence du verdict.

 Pour vaincre la précarité de son existence, il s’est donné des dieux censés lui apporter l’immortalité. Un spécialiste des religions a pu affirmer que l’homme était une machine à faire des dieux. Le sommet de cette entreprise a certainement été atteint dans l’Egypte ancienne.
Ces jours ci, à Pau , Akhenaton, Ramsès II, Toutankhamon  et leurs sublimes épouses nous ont rendu visite par le truchement de splendides copies réalisées par le musée du Caire. Nous avons pu voir ce que l’humanité a inventé de mieux pour dire non à la mort, pour proclamer à la face de l’univers que l’homme n’était vraiment lui-même, que lorsqu’il mettait en œuvre cette idée d’infini, totalement incongrue, dont on ne sait d’où elle vient, qu’il porte en lui, alors que tout en lui et autour de lui est fini, limité, périssable. Et si l’homme était plus que l’homme, semblaient nous dire ces colosses de pierre, ces sarcophages dorés, ces visages immobilisés dans une beauté codifiée et à tout jamais immortalisés !

Sortant de l’exposition, je me demandais : 
«  Pourquoi le Dieu en qui j’ai mis ma foi n’a-t-il pas profité de ce moment inégalé de l’histoire pour s’incarner dans une de ces dynasties ? Le monde aurait été déjà à ses pieds ! Des preuves irréfutables de son existence et de son œuvre auraient survécu pendant 3000 ans et plus encore ! Mais pourquoi, aussi, ces dieux à l’image de l’homme me ressemblaient si peu ? »

 C’est à côté, dans un peuple marginal que notre Dieu a vu le jour. Il a pris le visage d’un petit enfant, celui d’un homme qui passait, faisant le bien, il pris le masque du souffrant, il a poussé le râle du mourant. Rien à voir avec l’impassibilité des géants figés dans leur puissance. Comparé aux divinités fabriquées par nos intelligences, notre Dieu ne fait pas très  dieu. Une mangeoire en guise de trône, un bâton de pèlerin lui sert de sceptre, il touche le lépreux, une croix souillée de sang à la place d’un sarcophage, un tombeau d’emprunt au lieu d’un mausolée.

Pourtant ce Dieu là n’est pas la caricature de l’homme. Il me ressemble. A relire son histoire dans l’Evangile, je vois que Jésus mon Seigneur a pris les mêmes chemins que les miens, s’est posé les mêmes questions que moi, a voulu soulager misère et  maladie, nous a laissé un programme d’une vie autre. Malgré cela, la mort l’a suspendu au gibet. Que reste-t-il de lui ? Rien.

Rien ! Si ce n’est cette source inépuisable et divine de Vie et d’Amour qui nous transcende et qui fait que nous sommes là, pour offrir la gerbe de ces sommets et de ces creux qui ont fait cette vie. Nous sommes là, soutenant une maman meurtrie, consolant des enfants un peu perdus. Nous sommes là, non pour jeter un défi orgueilleux à la mort mais pour la plonger dans le bain d’Amour de Celui qui l’a vécue et vaincue pour en faire une nouvelle naissance.

Alors, en nous dégageant de nos idoles confortables et familières qui nous proposent une immortalité de pacotille, allons vers Noël, allons cueillir chez le pauvre de Bethléem, l’Amour qui, seul, peut faire fleurir les branches mortes de nos vies.

Heureux et beau Noël pour nos naissances à mourir et dans nos morts à naître…

11 novembre 2013


L'avenir des espaces ruraux 
 Colloque des 20 ans de l’Ifocap- Adour (Conclusion- J.Casanave).


Vingt ans ! Cela permet d’avoir entendu beaucoup d’analyses aussi brillantes que pertinentes, d’avoir vibré à de nombreuses utopies, d’avoir participé à quelques réalisations modestes, d’avoir  gardé l’esprit en éveil pour repérer les insoupçonnables capacités de l’homme à s’adapter à son territoire et à agir sur lui. Impossible de remercier tous ceux et celles qui ont contribué aux activités de notre association et à commencer par vous-mêmes qui lui témoignez, aujourd’hui , par votre présence, votre précieux soutien. Votre fidélité s’est peu à peu transformée en amitié partagée et c’est là, le fruit le plus savoureux de l’arbre planté il y a 20 ans qui n’a cessé d’étendre ses ramifications dans le département (64) et ailleurs encore.

 Après avoir lu et parfois côtoyé quelques grands auteurs et acteurs de notre société rurale (Les  Duby, les Baudrel, les Mendras, les Hervieu, les Kaiser, aujourd’hui Mr. Purseigle et Mr Lamassoure, en passant par les Debatisse, les Buchou, les Lacombe, les Rabhi, les Mirande et bien d’autres) je me suis demandé si l’une des composantes essentielles de notre rapport à la terre en général et au rural en particulier, n’était pas cette part de rêve qu’ils suscitent en chaque génération. Un rêve qui prend la forme d’un jardin.

Or, en relisant un vieux récit d’aménagement du territoire dans un livre que je consulte souvent, la Bible, j’y ai rencontré un pays que l’on appelle l’Eden ou le paradis. Ce terme dérivé du persan désigne un jardin clôturé, limité.

Nous cherchons tous un territoire qui serait notre paradis et le  réflexe le plus élémentaire consiste à le protéger des prédateurs et autres nuisibles. C’est le premier avantage de l’indispensable clôture. Mais n’y a-t-il pas une limite à la clôture ?
  • Qu’est- ce qu’un paradis qui  m’enfermerait ? 
                                          -Un jardin botanique transformé en prison.

 Mais il y a deux  autres limites, celle que je m’impose, pour ne pas épuiser les ressources du jardin afin qu’il soit durable. « Vous mangerez de tous les arbres sauf un… » et celle que l’autre m’impose pour ne pas empiéter sur son jardin qui ne ressemble pas tout à fait au mien . « Cet arbre  interdit, c’est ma part  de l’Eden » suggère le Créateur.

 Ainsi, nous poursuivons sans cesse le rêve d’aménager un jardin qui ne peut être qu’un entrelacs de limites, de bordures et de clôtures ; mais,  définies, respectées et acceptées d’un commun accord,  elles deviennent la condition même du paradis.  Cette question du respect ou du franchissement des limites qu’on les appelle naturelles ou culturelles sera la grande affaire des générations futures et cela dans tous les domaines.


  •  Que serait une France paradisiaque coupée de ses voisins ?

                                  -Une garnison exclusivement occupée à défendre un territoire dont elle ne profiterait pas. 

              Mais que serait-elle sans ses régions définies et caractérisées ?

                                  -  Un monotone soliloque parisien.
  •  Que serait un rural préservé de l’urbain, retranché derrière ses haies ?
                                   -Un parc national supplémentaire dédié à la conservation d’une espèce rustique. 
             Mais que serait un rural sans son espace et son temps particuliers ? 

                                     -Une ville repeinte en vert.
  •  Que serait un consommateur totalement  asservi à la publicité boulimique?
                                     - Un esclave gavé du marché. 
              Mais que serait un consommateur uniquement centré sur l’offre concurrente la moins coûteuse? 

                                    - Un destructeur de territoire.
  •  Que serait un agriculteur ou une agricultrice refusant tout contact avec le consommateur ? 
                                     -Le seigneur d’un domaine inutile. 

                Mais que serait-il, s’il n’était pas responsable de sa production ? 

                                     -Un damné de la terre ou de la dette. Il ne serait plus en tout cas le pourvoyeur du sens et du pain quotidiens de l’humanité.

 L’avenir des espaces ruraux ? C’est le paradis mais avec ses toutes ses limites consenties  et  tous les autres acteurs réunis.


03 novembre 2013


« La France en face »

C’était le titre d’un documentaire proposé par France 3, ce lundi soir. Plutôt décapant! 
Notre pays, aux dires des spécialistes en géographie sociale interrogés, voit progressivement son territoire national se scinder en deux parties.
L’une comprend les métropoles et leurs périphéries. Elle attire les éléments les plus actifs et intégrés de notre société (du type : cadres supérieurs ) et toute une population immigrée et sous qualifiée qui se met au service de cette « gentry » plutôt jeune et dynamique. 
L’autre, qui s’étend sur les zones rurales reculées en perte de services et de vitesse, regroupe un pourcentage élevé de personnes soit vieillissantes, soit appauvries. Les métropoles sont au diapason de la mondialisation, établissent contacts et échanges avec les autres grandes cités de la planète et bénéficient d’une belle émulation dans la course à l’opulente modernité. Quant aux habitants des zones non attractives, ils iront de temps en temps, s’ils le peuvent, visiter cet autre monde branché et huppé et reviendront plus envieux ou plus résignés.

L’analyse des espaces urbains et ruraux donne lieu à intervalles réguliers à des prévisions qu’il faut bien souvent ré-ajuster. Pourquoi ? Parce qu’on oublie le prodigieux pouvoir de l’homme de s’adapter aux situations et aux circonstances. Ce n’est pas forcément l’abondance des moyens qui favorise le génie humain. Au contraire, on s’aperçoit souvent que les moments de crise ou de pénurie sont plus favorables à l’éclosion d’idées nouvelles et au déploiement d’énergies insoupçonnées.
 La France vue « en face » n’engendre pas, semble-t-il, un optimisme forcené.
 Alors, regardons- la de dos ou de travers, peut-être nous réservera-t-elle quelques bonnes surprises?

Les territoires ruraux ont-ils un avenir ? C’est à cette question que répondront
 Mr Purseigle (sociologue des mondes agricoles) et Mr Lamassoure, député européen, ainsi que Mr Labazée, Mr Habib et Mr Faurie, responsables de collectivités territoriales, au cours d’un colloque organisé par l’Ifocap-Adour. Il aura lieu à la salle communale de Gouze (64) le samedi 9 novembre prochain. Inscriptions et renseignements au 06 77 55 70 80.

Si en tant que ruraux ou urbains vous vous sentez concernés, voilà une occasion de démontrer que les populations locales peuvent aussi se regarder en face sans trop rougir !! Alors, rendez-vous le 9 nov.!!