21 mai 2012


Jesustoutesréparations@nazareth.com
Imaginons un court instant que Nazareth, au début de notre ère, ait été connectée à Internet.

Jésus aurait pu, sans se déplacer au Temple, communiquer avec les Docteurs de la Loi et proposer une vision très personnelle de la Torah via un blog ou des mails échangés.
 Les retraités branchés d’Israël se seraient frénétiquement jetés sur leurs claviers pour y ajouter commentaires, critiques ou appréciations en ligne. L’Evangelion, la Bonne Nouvelle, aurait franchi d’un coup d’onde les frontières de la Palestine, irrigué toute la diaspora et suscité à l’infini des ricochets d’interprétations.

En poussant l’absurde à son comble, Dieu le Père Lui-même, aurait pu dispenser le Fils de toutes les avanies humaines en envoyant en guise de flammes de feu, un étincelant DVD sur Bethléem ou Jérusalem, pour remplacer ou compléter les tables de la Loi.

Mais, voilà, le Verbe ne s’est pas fait écran tactile : le Verbe s’est fait chair, le Verbe s’est fait condition humaine…

Et les commerçants de Séphoris l’ont vu acheter avec Joseph du bois d’œuvre sur le marché ; le petit peuple des pêcheurs qui n’avait  pas d’ordinateur embarqué, l’a entendu calmer les flots, l’a vu griller du poisson sur la plage ; les malades, les aveugles, les exclus l’ont entendu proclamer les Béatitudes.

Il a pris la peine de passer par le puits de Jacob et de la Samaritaine, d’arpenter les chemins de la Galilée, de froisser  les épis de blé, de toucher les lépreux, de remettre Lazare sur pied, de manger un morceau chez Marthe et Marie, de renverser les étals des marchands, de se laisser parfumer les pieds.

ET SURTOUT… C’est le cas de le dire, Il a pris la « peine » de monter à Jérusalem pour y exposer son corps, sa vie, son sang, sa sueur, ses blessures, son visage tuméfié par les coups et souillé par les crachats.

Bref, si Jésus n’avait été qu’un « blogueur » solitaire, ses disciples n’auraient pas « touché le verbe de Vie » comme le dit St Jean. Notre Dieu n’aurait pas habité votre « vie vivante », palpitante, mourante même, mais capable de soulever les dalles de nos tombeaux, d’imprégner le Pain et le Vin partagés sur la table du monde de l’Esprit Divin.

Les « nouvelles dominations », et en particulier celle des « technoprophètes », dénoncées par J. Cl. Guillebaud, risquent de virtualiser  nos relations, d’anesthésier toute passion, d’aseptiser toute émotion, de rejeter la vie corporelle, charnelle, dans les poubelles de l’insignifiance.

Or les chrétiens se sont battus pour affirmer que leur Dieu avait pris corps, que le Verbe était chair, et que la Résurrection elle-même concernait cette chair. Autant de propos qui paraissent monstrueux aux oreilles de la  « raison  pure », mais qui restent pour nous et avant tout Mystère précieux et savoureux.

Merci encore une fois à J. Cl. Guillebaud  et à  « La vie vivante » (éd des Arènes) de donner consistance intellectuelle à ce que nous pressentons dans la Foi.

04 mars 2012

L’orgue, la cithare et le jésuite.

En ce jour-là, l’Ancien était entré dans une cathédrale. Les yeux levés vers l’orgue, il en admirait le buffet rutilant et les tuyaux étincelants. Et il dit à ses amis:

« Nous avons connu une époque où ces vénérables instruments se sont un peu essoufflés pour cause d’usure ou par défaut de subventions. Pour pallier ce silence et pour accomplir le psaume 150, cordes et flûtes, cymbales et tambourins sont entrés en liturgie.

Rome s’en est émue. Elle est allé chercher en Europe du Nord deux célèbres organistes qui se sont révélés deux grands compositeurs. Souvenez-vous des célèbres cantates : Fides et ratio, Veritatis Splendor, Spe salvi, Caritas in Veritate.. Ainsi, les grandes orgues reprirent souffle et redonnèrent de la voix.

Encouragés par ces résonances célestes, certains organistes de chœur reprirent le clavier. 
Ils sélectionnèrent dans ces œuvres magistrales quelques thèmes choisis selon leur convenance. Puis, ils les transposèrent sur des portées mineures et parfois douteuses, au nom d’une fidélité à la répétition plus qu’à la Tradition.

Quelques oreilles chrétiennes s’en trouvèrent fort agacées, à l’instar des dents d’Ezéchiel. 
On ouvrit alors d’autres claviers et voilà qu’au détour de quelques clics, une autre petite musique se répandit, des partitions s’éparpillèrent. Elles étaient signées d’un certain Joseph Moingt. Nous savions depuis longtemps qu’il était un théologien compétent, mais nous ne savions pas qu’il excellait dans une petite musique suave, légère, printanière, adaptée à un instrument discret, quoique très ancien, la cithare.

Les notes de ces mélodies sautillantes bondirent d’un presbytère à l’autre, d’un ordinateur à un autre, adoucissant quelque peu les tonitruants do majeurs écrasés par les orgues de chœur.

Mes amis, remerciez le Père Joseph Moingt. Il a accepté de nous jouer la partition de l’avenir de l’Eglise. Souhaitons que celui-ci sache conjuguer longtemps le grand orgue des fêtes solennelles et l’humble cithare de la prière quotidienne. Quant aux orgues de chœur, il faudra bien leur trouver une autre place car certains se sont déjà pris pour le maître-autel… » 
Ainsi parla l’Ancien et il ajouta : « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende… »



24 décembre 2011

Visitation.


« Dès qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en son sein et Elisabeth fut remplie de l’Esprit Saint. Alors, elle poussa un grand cri et dit : « Tu es bénie… Dès que ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein… » 
Lc 1, 39

Une visitation est un ébranlement de forte magnitude, elle pénètre et secoue en profondeur. Elle implique tout notre être dans ce qu’il a de plus intime, elle engage l’avenir de chacun, elle appelle l’inattendu, elle convoque le ciel sur la terre.

Elle n’est pas visite de courtoisie ou simplement utilitaire. Elle est communion savoureuse de présences offertes, moment de grâce, d’harmonie paisible, de plénitude sereine,
 « tressaillement » de l’Esprit qui soulève les êtres au-dessus d’eux-mêmes. Alors, à l’image de Marie, une jubilation, une action de grâce jaillit de nos lèvres :«Mon âme exalte, exulte… » ou plus prosaïquement comme les apôtres au Thabor : « Que l’on est bien, installons-nous ! »

Ces instants sont aussi rares qu’éphémères. Le quotidien s’engouffre par les fenêtres et se charge de recouvrir notre ravissement de montagnes de soucis. La raison, un temps égarée, reprend ses droits et ses esprits... étroits. Mais cette goutte d’eau pure a amplifié notre soif à l’infini et jamais nous ne serons désaltérés.

A moins que ces heures précieuses ne soient un avant-goût de ce que sera la grande visitation de Celui qui est plus présent à nous que nous-mêmes mais sous le voile de la Foi.

Noël : « Dieu vient visiter son peuple. » Encore faut-il nous rendre capables de nous étonner qu’Il envoie un ange frapper à notre porte verrouillée…

Je vous souhaite, en cette nouvelle année, de belles et fécondes visitations.

Frontières, fractures et passeurs.


La ligne majestueuse des Pyrénées barre l’horizon. Ici la France, là bas l’Espagne. Ligne de défi : suffisamment nette pour marquer la séparation, mais assez large et poreuse pour susciter rencontres et visitations. Depuis toujours, elle a été franchie.

Certains ont creusé des tunnels. Perforeuses, pelleteuses, excavateurs, tels de géants scarabées aux mâchoires monstrueuses, ont fissuré, entaillé, explosé, avalé et projeté des tonnes de roches, de terre, de ciment et d’acier. Un jour, les tunneliers opposés se sont rencontrés, se sont congratulés et ont laissé place aux officiels. Ceux-ci ont coupé un ruban, pris la parole, ont aligné chiffres, pourcentages et avalanches de promesses économiques et financières. Ils ont trinqué à l’amitié et à l’intérêt des peuples. La voie royale est désormais ouverte aux chenilles de wagons ou aux caravanes de camions. Nos besoins sont comblés.
 La montagne est percée et désormais, ignorée.

D’autres ont décidé de passer par les hauteurs. Ce sont ces montagnards légèrement équipés qui baladent leur silhouette sur les lignes de crêtes en s’offrant de temps en temps la vue infinie que leur offre l’observatoire d’un sommet. Ils croisent souvent d’autres amoureux de ces hautes randonnées qui viennent du versant opposé. Ils ne manquent jamais d’échanger quelques mots maladroits dans la langue de l’autre. De quoi parlent t-ils ? D’abord, de l’autre. De la montagne, du temps qu’il fait, du brouillard qui menace, du chemin à prendre, du panorama à contempler. Ensuite seulement, ils demandent d’où ils viennent, s'ils sont espagnols, aragonais, basques ou béarnais. Et ils repartent souhait aux lèvres, adios, à Dieu…

Enfin, ils y a ceux qui, depuis des millénaires fréquentent les pâturages et les cols, suivant en cela l’itinéraire sinueux de leurs troupeaux. Ce sont les bergers. Ils savent bien que les bêtes ignorent la frontière et que la tentation est forte de voir si l’herbe du voisin est meilleure. 
Au gré des frictions et des batailles antérieures, un code traditionnel de bonne conduite réciproque s’est lentement imposé et chaque été donne lieu à quelques rencontres quasi rituelles. De quoi parlent ces pasteurs réunis autour d’un verre de vin ? De la santé des hommes et des bêtes, des caprices du temps, de la cherté de la vie, de la mévente de leurs produits. Et puis, de l’enfant qui est né, de l’ancêtre qui est parti, du changement de gouvernement. La vie comme elle va, avec ses satisfactions et ses imprévus, ses coups durs et ses sourires…. Santé ! A la vôtre !

Il en va des rencontres des religions comme du passage des frontières. Nous connaissons ces chercheurs de tous bords qui scrutent les textes fondateurs, rongent les parchemins, fourbissent des colonnes d’arguments, réunissent des colloques et éditent les discours officiels qui serviront d’outils aux prochaines avancées. Ils pourraient même risquer de manquer le rendez-vous avec ceux d’en face, tellement ils sont occupés à leur chantier de titans. De la connaissance jaillira l’unité !

Ignorant souvent le travail en profondeur, les fidèles des diverses religions vivent leurs traditions au quotidien. Il leur arrive parfois de s’inviter aux fêtes des différents calendriers, de partager un repas, d’échanger des recettes et leur savoir-faire. Les mamans donnent des nouvelles de leurs grands enfants et les pères se congratulent pour un mariage annoncé. Et si nul ne vient souffler sur de vieilles braises, la vie se passe à l’aulne des distances et des rapprochements librement consentis et codifiés par un long usage.

Pendant ce temps, les veilleurs, installés sur les crêtes savourent le plaisir de se retrouver parce qu’ils n’ont jamais quitté des yeux l’autre cime inaccessible, celle qui les dépasse, mais qui reste leur raison d’être et de marcher.

Hubert de Chergé et Khaled Roumo sont de ceux-là. Le frère du prieur de Thibirine assassiné, est un « habité ». Son ton méditatif vous renvoie sans cesse à un au-delà de lui-même, une Présence ou des présences qui auraient pu le hanter, mais qui au contraire le pacifient. Son ami musulman, auteur de « Le Coran déchiffré selon l’Amour (1) », je le qualifierai « d’inspiré ». Son verbe choisi et enjoué trahit son naturel de poète, mais sa parole vous perfore jusqu’au creux de votre être. « Aller à la rencontre de l'autre et le découvrir tel qu'il aime se révéler" : c’est à ce niveau- là que peut se situer selon eux une rencontre inter-religieuse, d’autant plus féconde qu’elle renvoie l’autre à être encore mieux chrétien ou mieux musulman.

En les écoutant, je me prenais à rêver. Quelle société pourrait faire cohabiter ces trois étages de passeurs de frontières, de guérisseurs de fractures, aussi indispensables les uns que les autres ? Quand, les discours politiques ou religieux, rivés sur la conquête ou le maintien du Pouvoir ou de la Vérité, s’interdiront-ils d’instrumentaliser les approches diverses du divin ? Enfin, n’a-t-on pas trop tendance à prendre à la lettre le rêve d’Isaïe qui voulait que son Dieu comble les ravins et rabote les montagnes…en oubliant que nous ne sommes pas Dieu…

(1) aux éditions Alphée, Koutoubia, 2009

23 novembre 2011

Histoire de pierres…

Jacob, berger comme ses pères, transhume de Ber Shéva à Haran. La nuit tombe. Il a sommeil. Il prend une pierre, la place sous sa tête et s’endort. Et voilà qu’un songe envahit son esprit embué. Une échelle monte jusqu’au ciel, des anges montent et descendent. Dieu se fait entendre et lui renouvelle la promesse faite à Abraham : « La terre sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et ta descendance » (Gn 28,13).

Jacob dresse la pierre, à la façon des autels païens, et la consacre d’une onction d’huile.

« Dieu est ici et je ne le savais pas !» s’exclame-t-il. Il appelle cet endroit Bethel : la maison de Dieu.

Jésus, prophète itinérant, passe par un village de Samaritains et essuie un refus de l’accueillir. Quelqu’un le rattrape et lui promet de le suivre sans conditions. Jésus lui répond : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête » (Lc 9,58). N’y a-t-il donc pas une seule pierre pour recueillir sa fatigue ou sa prière ? Qu’est devenue la promesse maintes fois réitérée depuis Jacob, d’une terre hospitalière, riche, abondante et paisible ? Cette pierre manquante est-elle le signe de l’échec ou celui de la réussite du projet de Dieu pour son peuple?

La Bible tout entière déroule sous nos yeux l’histoire parallèle de la Terre et du Temple que l’on peut lire à deux niveaux. Soit comme la manifestation parfois cachée à notre entendement de la volonté de Dieu qui réalise sa promesse, soit comme une sorte de rétrécissement progressif de celle-ci. L’acte universel de création qui préside la genèse du monde laisse la place à la création particulière du peuple d’Israël. Celui-ci se réduira au fil d’une histoire chaotique au minuscule territoire de Juda. Les prophètes, ne supportant pas cette asphyxie programmée, ouvriront portes et fenêtres sur l’horizon de « cieux nouveaux et d’une terre nouvelle » qui enchanteront la fin des temps. Mais que devient le projet bien concret d’une terre où « coulent le lait et le miel » ?

Le Temple remplacera la pierre rudimentaire de Jacob quand Josias réunira tous les lieux de culte particuliers (dont Bethel) sous l’autorité de Jérusalem. Le Temple se voulait le signe indéfectible de la présence de Dieu et le cœur palpitant d’une terre fidèle. Force est de constater qu’il a, finalement, enfermé la « Présence » dans une enceinte étroite et l’a liée à un joug rigide et pesant. Il faudra, ici aussi, l’audace d’Ezéchiel, pour redonner des ailes au Dieu de Jérusalem et l’envoyer résider auprès de ses fidèles captifs à Babylone.

Jésus prend manifestement ses distances avec la terre : « N’amassez pas des trésors sur la terre.. » ainsi qu’avec le territoire d’Israël qu’il cite rarement. Il n’oublie pas que, déjà, la Loi de Moïse interdisait au croyant de se comporter comme un propriétaire. Tel un bon métayer, la liturgie des prémices enjoignait au fidèle du Temple de rendre au Créateur tout premier-né des fruits de la terre ou du bétail. Ainsi la reconnaissance du don de Dieu permettait une gestion éthique de la terre. Le prophète de Nazareth est plus axé sur l’annonce du Royaume qu’il inaugure. Ce Royaume n’est pas affaire d’économie ou de géographie, mais avant tout de personnes répondant au programme des Béatitudes : « Heureux les …le Royaume est à eux » ; « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » ; « Les publicains et les prostituées vous précéderont … »

Quant au Temple, l’attitude de Jésus est sans ambiguïté. « Il n’en restera pas pierre sur pierre… » Les évangélistes qui rapportent ses propos, certainement après sa destruction par Titus, veulent nous faire comprendre que Jésus se présente comme le vrai et unique Temple : « Il parlait du temple de son corps ». Le nouveau « Bethel », c’est lui. « L’autel, le prêtre et la victime » c’est encore lui.

Désormais, le Nouvel Adam sera lui-même cette terre nouvelle qui façonnera « l’homme nouveau » et qui le nourrira également en lui offrant le pain et le vin d’une Vie autre.

Ainsi la terre de Jacob n’a pas disparu. Elle s’est concentrée (dernière réduction !) en Jésus. Et cette opération s’est accomplie, comme la première création dans un jardin, celui de la Résurrection (« Elle le prit pour le jardinier »). Mais, auparavant, il a fallu que le Fils de l’homme passe par un autre jardin, celui du pressoir.

Et la pierre ? Jésus, pierre d’angle de la nouvelle maison de Dieu, en a trouvé une. 
Elle s’appelait Simon. « Et sur cette pierre… ». Et celui-ci, ou l’un de ses disciples, rappellera aux premiers chrétiens qu’ils sont à leur tour « pierres vivantes » de l’édifice construit sur les apôtres.

Ni échec, ni réussite de la promesse initiale, mais bien plutôt accomplissement puisque chaque baptisé est appelé à recevoir une petite pierre blanche comme sésame de la vie éternelle. « Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée ; je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit » Ap 2,17

Jacob ne se doutait pas de la destinée divine de son rude oreiller…et de la fécondité de son sommeil léger. Mais « c’était de nuit » aurait ajouté Jean de la Croix…

18 septembre 2011

Lectures en vrac...


Daniel Duigou"Vanité des vanités" Albin Michel 2010

Un commentaire original du livre de l'Ecclésiaste (le Qohelet) à trois voix par un bibliste, un psychologue, un amoureux du désert. Il se trouve que l'auteur est les trois à la fois. 
Ancien journaliste de télévision devenu psychiatre, Daniel Duigou a construit une casbah dans l'oasis de Skoura qu'il appelle son ermitage. On y trouve un Qohelet qui se libère de tous les faux dieux mais aussi, et entre autres, une belle interprétation du jeune homme "vêtu d'un simple drap" qui s'enfuit au moment de l'arrestation de Jésus.

Deux itinéraires: l'un d'un archevêque, l'autre d'un curé.

Joseph Doré "A cause de Jésus ! Pourquoi je suis demeuré chrétien et reste catholique" Plon 2011

Mgr Joseph Doré relit sa vie d'archevêque de Strasbourg. A la fois théologien et pasteur, il se trouve au coeur de trois crises. Celle de la calomnie qui aurait pu tuer sa réputation; celle de l'épreuve de santé qui l'a obligé à démissionner, et celle de l'Eglise affrontée à des "questions qui fâchent" et qu'il n'élude pas. Malgré tout, l'évêque-courage attend un nouveau printemps.

Gérard Bénéteau "Journal d'un curé de ville" Fayard 2011

Il a trouvé sa voie chez lez Oratoriens, disciples de Bérulle, non sans avoir voulu comprendre l'histoire qu'il vivait et connaître celle qui le précédait. Il se retrouve curé de Saint Eustache côtoyant le monde chatoyant des artistes malheureusement frappé par l'épidémie du sida. Une occasion pour l'auteur de partager sa réflexion de chrétien et de prêtre sur les questions qui touchent notre société avec une lucidité qui ne lui vaut certainement pas que des amis dans le monde ecclésiastique et catholique. Il complète son itinéraire en acceptant d'être le supérieur de l'Oratoire et écourte son dernier mandat, étonné par les changements qui semblent affecter l'Eglise de France.

Pour ceux qui labourent sans cesse la terre de la Bible et qui suivent l'actualité du Proche-Orient: " La terre, la Bible et l'histoire" Bayard 2006 par Alain Marchadour, notre ancien exégète de Toulouse qui revient d'un long séjour à Jérusalem en tant que supérieur des Assomptionnistes à Saint-Pierre en Gallicante et David Neuhaus, jésuite israélien. Ceux et celles qui ont "pèleriné" en Terre Sainte et qui veulent comprendre un peu la complexité de l'histoire qui se noue autour de ce territoire trouveront de quoi rassasier leur curiosité. L'ouvrage aborde également la question des diverses lectures chrétiennes de cette terre et examine les textes officiels de l'Eglise catholique sur le sujet. Encore de quoi piocher et labourer...Alain Marchadour est toujours le bienvenu à Pau et il le sait.

Sortons un peu de la littérature ecclésiastique avec le dernier Guillebaud « La Vie Vivante contre les nouveaux pudibonds » Les Arènes 2011. Je ne saurais jamais assez remercier Jean-Claude Guillebaud de nous permettre d'économiser autant de lectures spécialisées et peut-être fastidieuses pour certains d'entre nous. Depuis des années dans un style limpide et avec une clarté d'exposé remarquable, il nous propose une lecture synthétique et critique des cultures contemporaines. Dans ce dernier ouvrage, il s'attaque à celles qui se veulent "dominantes". Ceux et celles qui ont reçu mon dernier article sous forme d'homélie du 15 Août et qui ont lu "La Vie Vivante" ont compris où se trouvait une partie de mes sources. Jean-Claude Guillebaud a accepté de venir nous rencontrer à Pau le 4 mai 2012 en soirée. Venez respirer une bouffée d'oxygène avec celui qui, à l'occasion, arpente nos Pyrénées...

Jean D'Ormesson "C'est une chose étrange à la fin que le monde" Robert Laffont 2010

Trois cents pages autour de la vie, la survie, la mort et l'éternelle question de Dieu, sans une seule seconde de lassitude. Un éblouissement de culture, de finesse, de littérature mais aussi d'une certaine légèreté, bien dans le style de l'auteur, étincelant...et insaisissable. C'est là tout l'art du charmeur ! Il n'empêche qu'après cette lecture, le croyant referme le livre en se disant : "Je ne suis pas le dernier des crétins... Croire a du sens, aujourd'hui comme hier."

Enfin, pour les puisatiers des sources vives et profondes, de Sylvie Germain "Quatre actes de présence" DDB 2011. Ici le commentateur se tait. Rien à dire mais tout à relire, par petites gorgées, en prenant tout son temps, surtout pour les deux derniers chapitres quand la présence se fait amitié et silence. Un condensé de mots qui vous vrille "jusqu'à la jointure de l'âme" dirait St Paul.

Bonne lecture...

28 août 2011

Marie, quel genre ? Extraits d’une homélie du 15 Août à Laruns (64)




D’abord pourquoi dit-on « Assomption » quand il s’agit de Marie et « Ascension » pour Jésus ? Tout simplement parce qu’on n’a jamais confondu le statut de Jésus et celui de Marie. Jésus nous le croyons est Dieu. Marie n’est pas divine. Jésus revient chez le Père, chez Lui. Et l’on parle d’Ascension car Dieu est supposé plus haut; la vie de Marie est assumée par son Fils qui la prend avec Lui, « Assomption ». Il n’y a donc pas confusion entre le Fils et la Mère. Celle-ci reste « Femme » : « Femme mon heure n’est pas venue… ». Donc pas de confusion. Rappeler cela n’est pas sans importance aujourd’hui.



Relisons encore une fois, les termes mêmes du dogme de l’Assomption : « La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils… »



Que pouvons nous retenir de cette vérité de Foi?

1- D’abord une affirmation claire de la place de Marie et par conséquent du rôle de la femme dans l’histoire du Salut.

2- Ensuite un rappel de l’importance de notre corps dans la vie chrétienne.



La femme, le corps, l’union de l’homme et de la femme, la sexualité, la procréation autant de sujets sur lesquels, l’Eglise, aux yeux d’une majorité de nos contemporains, est disqualifiée. Ce n’est pas ici le lieu d’en rechercher les causes mais le contentieux est déjà ancien.



Dieu sait pourtant si le corps de l’homme, celui de la femme, leur union, l’enfantement ont inspiré le génie humain que ce soit en peinture, en musique, en littérature et dans toutes les sortes d’arts et ceci chez les chrétiens comme chez les autres.

Mais Dieu sait également combien ces réalités ont prêté à toutes sortes de plaisanteries graveleuses, à la grossièreté, au mépris, à la dérision ; combien elles ont été avilies, ont donné lieu aux comportements les plus bestiaux et aux actes les plus répréhensibles. Dans de nombreuses cultures les femmes ont été et restent encore considérées comme des mineures, quand ce n’est pas comme des objets.



Dans les années 70, des chercheurs américains ont considéré que pour remédier à cet état de fait, il fallait supprimer tous les motifs de discrimination entre l’homme et la femme. Nous le savions déjà, mais ils tenaient à nous rappeler qu’une partie de notre orientation sexuelle était influencée par notre contexte social et culturel. Combien de fois ne nous a-t-on pas dit « Ne pleure pas comme une fille… » et ceci en disait long sur ce que devait être un garçon ou une fille. Mais certains vont pousser ce qu’on appelle la « théorie des genres » jusqu’à affirmer que désormais notre détermination sexuelle dépend davantage de notre propre décision que de notre biologie. Au passage les différences entre homme et femme passent à la trappe ; les revendications des unions homosexuelles en matière de mariage et de parentalité sont tout à fait légitimées, de même que sont justifiées la bisexualité, la transsexualité et toutes les remises en cause du modèle familial dit traditionnel.

D’autres théories vont encore bien plus loin en faisant miroiter une humanité tellement transformée par les progrès de la science que la question même d’être homme ou femme sera totalement superflue. Il y a cinquante ans, la lecture du « Meilleur des mondes » nous faisait frissonner. Aujourd’hui les prophéties de l’auteur de cet ouvrage, Aldous Huxley, sont largement dépassées et se trouvent à la portée de notre savoir-faire.

Vous me direz : « Nous n’en sommes pas là ! » Détrompez-vous. Un grand hebdomadaire titrait la semaine dernière : « Homme et femme, la fin des tabous » et présentait en fin de dossier cette fameuse théorie de genres.



Vous devez vous demander mais quel rapport avec l’Assomption de Marie ? Nous n’en sommes pas si loin. Et cette célébration de la Vierge nous donne l’occasion de nous rappeler quelques fondamentaux que l’on traduira par de simples commandements. Rassurez-vous, il n’y en aura que sept.



Marie est une juive, imprégnée de la culture biblique. Or le livre de la Genèse nous dit qu’au commencement du monde, la nature est un cadeau que Dieu fait à l’être humain, que la femme est donnée à l’homme et vice-versa dans l’unique but de devenir « image » de Dieu. Premier commandement : Tu respecteras la nature qui est œuvre de Dieu, tu honoreras l’homme et la femme parce qu’ils sont « images » de Dieu.



Pour arriver à cette fin, une loi est donnée à l’homme et à la femme. Vous ne mangerez pas tout, vous laisserez la part de Dieu, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Autrement dit, pas de confusion entre le divin et l’humain, comme nous l’avons dit au sujet de Jésus et de Marie. Deuxième commandement : Tu ne te prendras pas pour Dieu ni toi, ni une autre créature sous le soleil.



En Jésus, Dieu veut partager notre condition humaine y compris notre corps avec toutes ses potentialités, mais aussi toutes ses lourdeurs. Et Il s’est fait homme… « jusqu’à la mort » Troisième commandement : Tu soulageras le corps de toute souffrance et tu dépasseras ses limites naturelles par un surcroît d’amour.



Marie accueille Jésus et pourtant dit-elle : « Je ne connais pas d’homme ». Cela veut dire que la féminité de Marie ne se réduit pas à l’exercice de la sexualité. Et ceci est vrai aussi pour tout homme et toute femme. Quatrième commandement : Tu ne réduiras pas l’autre à son sexe.



Mieux encore. Marie dans l’Evangile de St Matthieu casse la généalogie de Jésus qui, jusqu’à elle, est transmise par les hommes. Cependant, un père est donné à Jésus. Lui aussi, malgré sa situation marginale, a exercé sa paternité : « Vois, ton père et moi, nous te cherchions… » Cinquième commandement : Autant que cela est dans ton pouvoir, tu donneras à l’enfant un père et une mère.



Malgré sa conception virginale, il n’est pas question pour Marie d’être dispensée de sa grossesse, des douleurs de l’accouchement et des soucis d’une maman. Elle reste bien femme tout en assumant son rôle éminent. Sixième commandement : Tu ne confondras pas l’empreinte de la nature humaine avec la condition sociale d’une personne.



Enfin, son Fils Jésus ressuscitera dans son corps et nous proclamons tous les dimanches « Je crois en la résurrection de la chair ». Notre corps, c'est-à-dire nous-mêmes, avons un fabuleux destin : participer à la divinité sans cependant être dieu. Septième commandement : Tu aimeras ton corps et celui des autres car ils sont les temples de l’Esprit saint.



Voilà les quelques fondamentaux qui, je le crois, peuvent être partagés par un grand nombre de nos concitoyens même s’ils ne partagent pas notre Foi. Ils valent bien ceux qui nous promettent une humanité à la merci du bon vouloir de chacun …