A voir l’air courroucé et indigné d’Agathe, ma voisine, je sens que la conversation va être musclée. Elle ne comprend vraiment pas pourquoi l’Eglise catholique exige un renoncement aussi important que le célibat à ceux qu’elle appelle au sacerdoce. Suit toute la litanie de reproches mille fois entendus: « On sait depuis longtemps que des hauts personnages du clergé au cours de l’histoire en ont pris à leur aise avec cette règle; que cette obligation s’est imposée pour éviter l’aliénation des biens de l’Eglise par la succession familiale; que le célibat n’augure en rien de la sainteté de l’individu ; et, argument suprême, qu’il y a des gens mariés qui pratiquent la solidarité et la justice et bien d’autres vertus beaucoup mieux que certains clercs ; enfin, les perversions sexuelles dévoilées au sein du clergé, notamment, ne plaident pas en faveur de la pratique du célibat ! Celle-ci n’est-elle pas, au fond, l’occasion d’ériger l’hypocrisie en règle commune plus ou moins admise».
Pendant qu’elle reprend son souffle, je m’accorde une longue respiration !
Je lui précise au passage que St Pierre dont nous allons célébrer la fête avait une belle mère mais je comprends qu’elle soit révulsée par ces révélations ignobles. Je me permets toutefois de lui faire remarquer que son incroyance maintes fois revendiquée devrait la tenir à une certaine distance de ces problèmes et donc d’une blessure par trop douloureuse. Les catholiques pratiquants devraient être, à mon avis, plus affectés qu’elle par ces déviances. Et il vaudrait mieux leur laisser l’avantage (si l’en est un en la matière) de la réaction adéquate.
J’aurais dû prendre deux respirations car l’argument manque totalement sa cible. « Les pratiquants sont des moutons que l’on a habitués à être tondus sans crier ! ».
Je reprends alors les choses au début. « Qu’est-ce-que être chrétien ? C’est avant tout imiter Jésus. C’est, malgré la faiblesse humaine, répondre à son « commandement » premier : « Aimez-vous comme je vous ai aimés ». Et c’est ce « comme » qui change tout.
Il ne s’agit donc pas d’un concours de justice, de vérité, d’honnêteté, de courage, de tempérance et que sais-je encore? Jésus met la barre bien au -delà : Aimez votre prochain (c’est-à-dire ceux et celles de qui vous vous approchez) et même vos ennemis jusqu’à, comme moi, donner votre vie et pardonner même leur refus !
L’Eglise a compris que pour répondre à cet amour divin et universel, il fallait, quel que soit notre statut social ou familial, commencer à faire une place à cet amour débordant que nous offre le Christ et, pour cela, renoncer à nous idolâtrer. Or, avoue, Agathe, que nous passons la plus grande partie de notre vie à la préserver et à l’améliorer dans une compétition incessante qui devient vite mortifère, chacun voulant être la mesure de toute chose. Le célibat est l’un des signes possibles de cette décentration de notre moi pour laisser place libre à l’Esprit du Christ !
Est-il encore un signe pertinent aujourd’hui dans un contexte social où il devient un choix revendiqué et non plus un renoncement ? Telle est peut-être la question à se poser… »