20 juin 2017

Elles s’en vont…


La rumeur a laissé place à l’annonce officielle : « Les sœurs de Navarrenx s’en vont ! ». Elles étaient établies depuis des lustres dans la cité des remparts. Les « Servantes de Marie » et les « Filles de la Croix » avaient essaimé dans tous les cantons du Béarn et du Pays Basque s’occupant autrefois des ouvroirs pour jeunes filles, des hospices pour vieux, hier des écoles et aujourd’hui des paroisses.

« C’est maintenant que l’on va se rendre compte de tout ce qu’elles faisaient ! ». Aussi actives que discrètes, elles étaient partout, comme ces abeilles passant d’une fleur à une autre en les frôlant légèrement, sans peser, sans s’installer :Visites des malades, préparation d’obsèques, inhumations, animations liturgiques, catéchèse, orgue, accueil des pèlerins, chapelet… Parce qu’elles étaient femmes, parce qu’elles étaient « les sœurs », combien de confidences ont-elles entendues, jaillies du cœur de mères et d’épouses et qui ne parviendraient jamais aux oreilles des curés avec lesquels elles ont collaboré, parce qu’ils étaient hommes et, peut-être, « parce qu’on ne dit pas ces choses là à un prêtre ».

Certes, elles ne consacraient pas le pain de l’autel mais elles avaient froissé et pétri les grains de cette pâte humaine et récolté à pleines mains toutes ces gerbes qu’elles avaient liées en une même offrande. Certes, elles n’élevaient pas la « coupe du salut » mais elles la remplissaient des larmes amères et des éclats de joie qu’elles recevaient dans leur calice de prière. Elles exerçaient le ministère du quotidien, de ce qu’en liturgie on appelle la « férie », ce qui n’est pas solennel, ce qui ne rutile pas, ce que l’on ne remarque pas.

« Tout ce qu’elles faisaient » ne dira jamais « tout ce qu’elles étaient ». Thérèse et Marie-Julie étaient avant tout «présence». Elles étaient tout simplement là, vigiles attentives à tous les besoins et à tous ces détails qui deviennent indispensables lorsqu’ils font défaut. Elles étaient là, aussi, « sentinelles de l’Invisible », comme cette petite flamme rouge, signal de « Celui qui est là » et qui nous attend. Bénies soyez-vous, ainsi que votre compagne Mayie et toutes vos sœurs !




02 juin 2017

« Du feu de Dieu ! »




L’Esprit Saint est le visage de Dieu le plus méconnu et pour cause. Autant le Père et le Fils se laissent caractériser (du moins le croyons-nous) dans nos catégories humaines, autant l’Esprit multiforme, empruntant la légèreté et la mobilité du souffle et du vent, nous échappe et nous file entre les mots. Hormis son coup d’éclat flamboyant lors de la Pentecôte, son efficacité se fait aussi discrète qu’indispensable. L’évangile de St Jean qui réduit l’évènement au seul fait que Jésus avant de les envoyer « souffle » sur les Apôtres, tend à confirmer cette présence à peine perceptible. N’est-ce pas là notre expérience quotidienne ? Pensons-nous à l’air que nous respirons à chacune de nos inspirations ?

Et pourtant, que seraient devenues l’histoire du salut et celle de l’Eglise sans cette action première et souterraine de la troisième personne de la Trinité ? Lorsque nous nous penchons sur l’origine et l’institution de l’Eglise, nous ne pouvons que rester dubitatifs  sur la solidité de sa constitution. Quant aux multiples péripéties scabreuses de son long parcours, elles auraient dû précipiter sa fin plutôt que son maintien durant  des siècles. Je me souviens encore d’un de mes professeurs inspiré de sociologie, dans les années 70, qui prédisait l’inutilité de l’Eglise à brève échéance, étant donné l’éclat de la lumière des sciences humaines qui allait rendre caducs tous les obscurantismes moyenâgeux. Par ailleurs, nous pouvons constater que  les déficiences du clergé, le manque de crédibilité des fidèles, l’accumulation des scandales n’ont pas encore tari les demandes d’admission  à la famille des chrétiens. Il faut croire que depuis des siècles, un agent efficace double le travail missionnaire des disciples et que la conversion dépasse la simple adhésion à une organisation  plutôt bancale.

Et à ceux qui insisteraient encore en me disant que les chrétiens sont de plus en plus marginalisés dans notre société, et que le Christ lui-même se posait la question de savoir s’il trouverait « encore la Foi sur la terre », je répondrais : « Combien étaient-ils aux jours décisifs du salut au pied de la Croix et près du tombeau ? » Nous ne sommes jamais à l’abri d’une Pentecôte…






"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.