21 décembre 2014

Bergers branchés

Un jeune curé parisien « high tech » se présentait récemment à un groupe de chrétiens « provinciaux. » Il leur expliquait que la « gestion » actuelle d’une paroisse n’avait rien à voir avec l’amateurisme plus ou moins éclairé qui régnait jusqu’ici dans la conduite de ce genre de communauté humaine. Il était, de fait,  à la tête d’une petite entreprise et il avait dû participer à un stage qu’un certain nombre de spécialistes « très pointus » avaient proposé à de jeunes prêtres comme lui, en vue de les initier aux méthodes du management moderne. Le curé d’une paroisse importante doit, en effet, maîtriser la communication et l’image, savoir gérer les ressources humaines comme un bon DRH, suivre de près les questions financières, salariales et comptables, savoir faire appel à des « coaches » pour optimiser les résultats etc.

Après cette brillante démonstration à laquelle j’assistais, je m’apprêtais à rejoindre la caisse des vieux outils périmés que l’on garde pour une décoration possible, lorsque je suis passé devant la crèche de l’église où avait lieu cette conversation. Les bergers et les moutons étaient en place en attendant les mages qui avaient encore du chemin à parcourir. Même si le décor n’a rien à voir avec le caravansérail qui, à l’époque de Jésus, servait à abriter bêtes et gens, la présence de ces santons m’a remis en mémoire une phrase de notre Pape demandant aux pasteurs de s’imprégner de l’odeur des moutons, de n’être pas toujours en tête, de se placer au milieu d’eux…

Les bergers que je connais, surtout quand ils fabriquent leur fromage en montagne, n’ont pas beaucoup de mal à sentir la brebis. Pourtant ils ont, eux aussi, grandement amélioré leurs conditions de vie. Ils peuvent profiter de cabanes confortables, bien équipées, dotées de panneaux solaires qui leur offrent la possibilité de ne jamais être coupés de leur famille ou du reste du monde. Ils bénéficient même de transports héliportés qui laissent les vieux ânes au chômage technique !

Mais tous savent bien que ces améliorations technologiques ne remplacent en rien la longue expérience de ces hommes silencieux, parfois taciturnes, qui ne quittent jamais trop longtemps le troupeau de leurs yeux. Ils savent que les bêtes les plus anciennes prennent la bonne direction, qu’elles savent où se réfugier en cas de bourrasque ou de chaleur excessive, qu’elles n’ont pas besoin du berger pour choisir la bonne herbe ou s’abreuver dans des endroits précis. Par contre, le pasteur veille au danger, envoie les chiens pour éviter que quelque étourdie ne se perde, leur prépare un enclos protecteur pour la nuit, repère les dominantes et prend soin des plus faibles, sépare celles qu’il faut traire des autres et que sais-je encore…
La troupe des fidèles d’une paroisse a certainement besoin d’un curé qui utilise tous les outils modernes qui sont à sa disposition. Mais ces techniques ne sont pas neutres. Elles sont porteuses d’une culture, celle justement de managers et parfois de déménageurs. 

Berger, tu ne perds jamais ton temps à regarder vivre tes brebis, à les écouter et même à les suivre. Elles ont comme toi, et parfois mieux que toi, le « sens de la Foi. » Elles t’apprendront à être ce que tu es : un bon pasteur…


Disposez vite les petits moutons au premier rang de la crèche. Le Berger des bergers a besoin de les sentir près de Lui…BON NOËL !
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.