11 décembre 2012


 Noël en famille

 Au moment où j’écris ces lignes, il est beaucoup question de famille dans les médias. Famille politique qui se déchire, famille européenne en sursis, familles monoparentales qui se tournent vers les restos du cœur, familles homosexuelles qui désirent se marier.
 Celles-ci réclament une égalité de droits et par le fait même une loi reconnaissant leur union au titre de mariage. Elles s’insurgent contre la position de certains officiers de l’état civil, dont des maires qui opposent la clause de conscience à l’application de cette future loi. 
Elles soupçonnent également les tenants arriérés de la tradition chrétienne de fonder leurs arguments sur une sournoise homophobie.

Certains, relisant un peu rapidement les propos de Michel Serres et les textes évangéliques de la naissance de Jésus ajoutent :
- « Qui le premier a bouleversé l’ordre de la nature que vous dites vouloir respecter en matière familiale ? N’est-ce pas Celui qui se dit né d’une vierge-mère et adopté par un père qui n’en est pas un !
- Qui a dit ? «Ma mère et mes frères se sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique! » 
- Enfin, n’est-ce pas votre Jésus qui sur la Croix a confié sa mère à St Jean : « Mère, voici ton Fils, Fils voici ta mère? » 
La contre-attaque est rude ! Autrement plus provocante qu’un barrage de seins nus pointés sur les défenseurs des droits de l’enfant à avoir un père et une mère.

Faut-il répondre ? Le risque est grand de laisser croire, une fois de plus, que l’Eglise ne s’intéresse qu’aux questions sexuelles. Mais, ici, l’enjeu est autre. Il concerne la conception même de la société dans le sens premier du terme. D’ailleurs, les catholiques sont loin d’être les seuls concernés ; d’autres aussi  s’interrogent ouvertement.

 La fête de Noël et celle de la Sainte famille peuvent nous suggérer quelques remarques.
Tout d’abord, il faut noter que l’enfant de Bethléem a eu un père et une mère. On aurait pu se contenter de Marie comme « référent parental », d’autant qu’à cette époque la famille élargie subvenait aux besoins des orphelins. Le Dieu-Père s’est soumis à la loi de son peuple qui exigeait un père légal pour l’enfant.
Cette brèche faite dans l’ordre naturel par une naissance virginale n’a pas pour but de démolir la nature de l’homme ou de la femme, mais d’en indiquer la finalité ultime. Oui, nous sommes appelés, et la famille avec nous, à une création nouvelle, à une terre renouvelée, non pas sur les ruines de ce monde mais plutôt par une conversion, une transfiguration de la réalité qui est la nôtre. Dans cet ordre de choses, la Résurrection ne supprime pas la mort mais la transforme.
Enfin, on peut noter aussi que cette nouvelle famille se fait sur un fond de  relations chastes et respectueuses, aux antipodes de ces affirmations péremptoires de droit à l’enfant et de refus de la différence, revendiquée pourtant en d’autres temps par les mêmes voix.

 Acceptons simplement qu’il y ait des façons bien différentes pour tous les humains, hétéros ou homos, croyants ou incroyants, blancs ou noirs, de se retrouver un jour dans une même famille, puisque c’est le but que le Concile Vatican II assigne à l’Eglise. Mais ne brouillons à plaisir les chemins pour y parvenir. On peut envisager des unions qui donnent les mêmes droits à tous, mais l’enfant ne peut pas être un droit comme celui de manifester et le mariage reste l’union d’un homme et d’une femme. L’enfant est un don. Il a fallu des siècles pour que les hommes comprennent qu’ils n’avaient pas tous les droits sur leur progéniture. 
Abraham lui-même a dû arrêter son bras meurtrier en apprenant qu’Isaac avait aussi un autre Père.
Nous ne sommes pas encore de ces anges qui formaient la chorale de la Nativité. 
Et de toute façon, si chaque enfant a son ange gardien, il a bien besoin d’un père et d’une mère.  
Bon Noël, en famille !

18 juin 2012


Bonnes vacances
« Que fais-tu pendant les vacances ? » « Rien. » Il semblerait que ce soit la juste réponse puisque ce mot signifie : « vide » , « absence ». On parle de « vacance du pouvoir » quand un chef de gouvernement démissionne. En tout cas, on peut facilement comprendre que pour certains citadins cette réponse soit spontanée quand on connaît le rythme et le stress de leurs journées.

D’autres diront : « Je vais en profiter pour « faire » la Corse, « faire » du sport, « faire les musées », « faire » un tas de choses. Nous sommes ici dans le changement d’activité, au point parfois que ce genre de vacances demande une préparation minutieuse et presque laborieuse. Certains adeptes de loisirs organisées en arrivent, disent-ils, à espérer leur retour pour enfin se reposer !!
La vacuité, le rien risquent de virer au mortel ennui.
L’activité, le « faire » peuvent friser la surdose du drogué toute aussi mortelle.
« Que feras-tu pendant ta retraite ? ». « Rien » répondait un ami ; mais il ajoutait : « Je vais d’abord être. »
Il voulait dire par là qu’enfin il ne serait plus happé par un activisme incessant, par des projets dévorants, des sollicitations multiples et parfois inutiles. Il allait se donner le temps de savourer les choses simples de la vie.

-Prendre le temps  de contempler tous les jours cette création qui nous enchante comme au premier matin du monde.
-Prendre le temps d’accomplir soigneusement et calmement les petits gestes du quotidien sans être bousculé par l’horaire imposé.

-Prendre le temps de recevoir tout à loisir celui ou celle qui passe, sans penser à récupérer ce temps « perdu » professionnellement parlant.

- Prendre le temps de visiter celui ou celle pour qui le temps est malheureusement et tristement trop long.

-Prendre le temps de déguster un beau livre, de s’informer correctement sur tel ou tel problème de société, de creuser davantage sa connaissance des cultures et des arts jusque là ignorés. Bref, élargir son horizon familier, tout en renforçant ses racines nourricières.

Et si c’était cela les vacances !

Accueillir le temps donné non pas pour le tuer (tuer le temps) parce qu’il nous ennuie ; non pas pour le passer (passer le temps) le plus vite possible en le bourrant de choses à faire mais pour simplement « être » et devenir nous-même. Si nous réalisons ce programme, à coup sûr notre temps sera « mangé ». En effet, il n’aura plus le goût  rassis de nos amertumes ou recuit de nos rancœurs. Il aura la saveur du bon pain partagé parce qu’il aura été cuit au four de l’Essentiel retrouvé et les autres ne s’y tromperont pas.

Alors, peut-être, serons-nous prêts à accueillir à l’improviste ce visiteur du soir qui frappait en vain depuis longtemps à notre porte et que nous n’avions pas eu le temps de recevoir : «  Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi prés de lui et lui prés de moi. » Apocalypse de St Jean 3, 20

Ainsi seront « BONNES » les vacances pour qui en prend !

21 mai 2012


Jesustoutesréparations@nazareth.com
Imaginons un court instant que Nazareth, au début de notre ère, ait été connectée à Internet.

Jésus aurait pu, sans se déplacer au Temple, communiquer avec les Docteurs de la Loi et proposer une vision très personnelle de la Torah via un blog ou des mails échangés.
 Les retraités branchés d’Israël se seraient frénétiquement jetés sur leurs claviers pour y ajouter commentaires, critiques ou appréciations en ligne. L’Evangelion, la Bonne Nouvelle, aurait franchi d’un coup d’onde les frontières de la Palestine, irrigué toute la diaspora et suscité à l’infini des ricochets d’interprétations.

En poussant l’absurde à son comble, Dieu le Père Lui-même, aurait pu dispenser le Fils de toutes les avanies humaines en envoyant en guise de flammes de feu, un étincelant DVD sur Bethléem ou Jérusalem, pour remplacer ou compléter les tables de la Loi.

Mais, voilà, le Verbe ne s’est pas fait écran tactile : le Verbe s’est fait chair, le Verbe s’est fait condition humaine…

Et les commerçants de Séphoris l’ont vu acheter avec Joseph du bois d’œuvre sur le marché ; le petit peuple des pêcheurs qui n’avait  pas d’ordinateur embarqué, l’a entendu calmer les flots, l’a vu griller du poisson sur la plage ; les malades, les aveugles, les exclus l’ont entendu proclamer les Béatitudes.

Il a pris la peine de passer par le puits de Jacob et de la Samaritaine, d’arpenter les chemins de la Galilée, de froisser  les épis de blé, de toucher les lépreux, de remettre Lazare sur pied, de manger un morceau chez Marthe et Marie, de renverser les étals des marchands, de se laisser parfumer les pieds.

ET SURTOUT… C’est le cas de le dire, Il a pris la « peine » de monter à Jérusalem pour y exposer son corps, sa vie, son sang, sa sueur, ses blessures, son visage tuméfié par les coups et souillé par les crachats.

Bref, si Jésus n’avait été qu’un « blogueur » solitaire, ses disciples n’auraient pas « touché le verbe de Vie » comme le dit St Jean. Notre Dieu n’aurait pas habité votre « vie vivante », palpitante, mourante même, mais capable de soulever les dalles de nos tombeaux, d’imprégner le Pain et le Vin partagés sur la table du monde de l’Esprit Divin.

Les « nouvelles dominations », et en particulier celle des « technoprophètes », dénoncées par J. Cl. Guillebaud, risquent de virtualiser  nos relations, d’anesthésier toute passion, d’aseptiser toute émotion, de rejeter la vie corporelle, charnelle, dans les poubelles de l’insignifiance.

Or les chrétiens se sont battus pour affirmer que leur Dieu avait pris corps, que le Verbe était chair, et que la Résurrection elle-même concernait cette chair. Autant de propos qui paraissent monstrueux aux oreilles de la  « raison  pure », mais qui restent pour nous et avant tout Mystère précieux et savoureux.

Merci encore une fois à J. Cl. Guillebaud  et à  « La vie vivante » (éd des Arènes) de donner consistance intellectuelle à ce que nous pressentons dans la Foi.

04 mars 2012

L’orgue, la cithare et le jésuite.

En ce jour-là, l’Ancien était entré dans une cathédrale. Les yeux levés vers l’orgue, il en admirait le buffet rutilant et les tuyaux étincelants. Et il dit à ses amis:

« Nous avons connu une époque où ces vénérables instruments se sont un peu essoufflés pour cause d’usure ou par défaut de subventions. Pour pallier ce silence et pour accomplir le psaume 150, cordes et flûtes, cymbales et tambourins sont entrés en liturgie.

Rome s’en est émue. Elle est allé chercher en Europe du Nord deux célèbres organistes qui se sont révélés deux grands compositeurs. Souvenez-vous des célèbres cantates : Fides et ratio, Veritatis Splendor, Spe salvi, Caritas in Veritate.. Ainsi, les grandes orgues reprirent souffle et redonnèrent de la voix.

Encouragés par ces résonances célestes, certains organistes de chœur reprirent le clavier. 
Ils sélectionnèrent dans ces œuvres magistrales quelques thèmes choisis selon leur convenance. Puis, ils les transposèrent sur des portées mineures et parfois douteuses, au nom d’une fidélité à la répétition plus qu’à la Tradition.

Quelques oreilles chrétiennes s’en trouvèrent fort agacées, à l’instar des dents d’Ezéchiel. 
On ouvrit alors d’autres claviers et voilà qu’au détour de quelques clics, une autre petite musique se répandit, des partitions s’éparpillèrent. Elles étaient signées d’un certain Joseph Moingt. Nous savions depuis longtemps qu’il était un théologien compétent, mais nous ne savions pas qu’il excellait dans une petite musique suave, légère, printanière, adaptée à un instrument discret, quoique très ancien, la cithare.

Les notes de ces mélodies sautillantes bondirent d’un presbytère à l’autre, d’un ordinateur à un autre, adoucissant quelque peu les tonitruants do majeurs écrasés par les orgues de chœur.

Mes amis, remerciez le Père Joseph Moingt. Il a accepté de nous jouer la partition de l’avenir de l’Eglise. Souhaitons que celui-ci sache conjuguer longtemps le grand orgue des fêtes solennelles et l’humble cithare de la prière quotidienne. Quant aux orgues de chœur, il faudra bien leur trouver une autre place car certains se sont déjà pris pour le maître-autel… » 
Ainsi parla l’Ancien et il ajouta : « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende… »



"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.