30 novembre 2010

La quête épuisante d’une source inépuisable.




Pour exister tout homme, toute femme a besoin d’être reconnu nous disent les psy. Traduction : chacun de nous sait qu’il a besoin d’être aimé et emploie tous les moyens pour y parvenir.



Les uns font dans l’extensif et cherchent l’adhésion des foules. Le suffrage universel, l’applaudimètre, la fréquence des titres sur papier glacé ou sur écran pourvoient à cette satisfaction parfois démesurée.



D’autres cultivent l’intensif des cercles restreints, des réseaux d’initiés, de l’élite choisie. La connaissance de quelques personnalités « bien placées » et citées à tout propos dans la conversation suffit à leur bonheur.



D’autres, enfin, se cantonnent dans l’exclusif. Sans lui, sans elle, le monde m’est insupportable. Je l’aime jusqu’à l’étouffer.

Un jour arrive où l’urne vous trompe avec l’adversaire, l’image tombe dans la corbeille, où les personnalités oublient votre adresse, où l’oiseau s’échappe de la cage grillagée.

Alors nous voilà amers, aigris, fuyant l’ombre de ce que nous étions, mais guettant cependant par la lucarne la moindre main qui se tendrait, le moindre sourire qui se souviendrait, la moindre parole qui nous relèverait.



Pour exister il faut être aimé.



Sachant cela, il n’y a donc rien de plus urgent, de plus utile, de plus humain que d’aimer en premier. C’est le renversement de perspective que le Christ a opéré. Si je cherche d’abord à être aimé, ce qui est la tendance naturelle, il y a de fortes chances que je m’épuise dans l’entretien de la courtisanerie obséquieuse, de la sympathie affichée ou protocolaire, de l’adulation servile, de la flagornerie bruyante.



Si je me consacre à aimer, d’abord, sans calcul, sans réserve, alors je risque de m’exposer, en retour, à la libre amitié de véritables frères comme à la haine recuite de tous les naufragés de l’amour exigé.



C’est à ce perpétuel renversement, cette conversion sans cesse à refaire que nous invite la période de l’Avent. Elle nous met en attente de Celui qui s’est fait amour avant même de chercher à être aimé parce qu’Il avait trouvé en son Père une réserve originelle et inépuisable de don et de pardon.

08 novembre 2010

Aux paysans, fiers de l’être, que je connais…




« L’Eglise s’intéresse à la crise agricole » tel était le message que voulait transmettre une rencontre organisée à l’initiative de l’Observatoire diocésain de la vie politique et sociale dans les Pyrénées Atlantiques. Exercice bien méritoire et délicat tant la profession est à fleur de peau et l’Eglise attendue au tournant. Pour ce faire, on avait réuni les compétences d’un éminent spécialiste de l’agriculture mondiale, d’un ancien responsable des jeunes agriculteurs qui se fait les dents dans l’engagement politique, de deux responsables d’associations et d’un président départemental de la Coordination rurale qui s’abritaient sous le vaste parapluie du bon Pasteur Benoît XVI et de son encyclique « Caritas in Veritate ».

De la vérité, Jean Sulivan disait qu’elle ressemblait à une verrière tombée à terre. Chacun se baisse, en ramasse un morceau, le brandit en disant : « J’ai la Vérité ».

Chacun, en effet, a profité de la tribune offerte pour distiller avec plus ou moins de transparence sa vérité. Une fois de plus, nombre d’interventions reprenaient la chanson qui fait fureur dans les étables et sur les tracteurs : « Tout le monde nous en veut » :

- La mondialisation et l’Europe. Celle-ci est passée presque sous silence, comme si l’Europe fondée par les moines paysans et le sang versé par des générations de paysans soldats, pouvait superbement ignorer l’avidité et les attaques des propriétaires des capitaux internationaux.

- Le personnel politique qui ne comprend rien à l’agriculture, comme si les paysans n’avaient pas essayé et réussi eux-mêmes à entrer en politique depuis des lustres en investissant tous les partis, du Front National à l’extrême gauche.

- Les écologistes prétentieux, comme si les agriculteurs ne savaient pas que la terre ne leur appartenait pas et qu’elle était le bien commun de tous.

- Les consommateurs qui ne veulent pas payer leur nourriture à son juste prix comme si la production agricole (« Vivre de notre produit !») n’était pas un produit tout à fait spécial, celui qui donne la vie à tous, y compris aux plus pauvres.

- Le gouvernement, qui a la prétention d’encadrer l’agriculture, comme si un homme d’état qui se respecte pouvait laisser « l’arme » alimentaire entre les mains d’autres pouvoirs que la sienne.

- Et pour couronner le tout, cette hideuse idée de cogestion qui a fait d’un syndicat le collaborateur de politiques productivistes mais dont personne à ce jour n’a refusé les impures subventions que cette infâme collusion avait générées.



« Tout le monde nous en veut ! Et après !». Que les politiques agricoles aient fait d’énormes dégâts, que les consommateurs soient inconséquents, que certains leaders profitent de leur position pour se tailler un destin national, que les coopératives n’honorent plus leur nom, j’en conviens. Est-ce une raison pour entonner toujours le même refrain? Nous sommes un certain nombre à espérer chaque fois du nouveau de telles rencontres et à revenir quelque peu déçus et lassés. Où était le souffle novateur ? Qui a proposé des alternatives concrètes innovantes ? Y avait-il une véritable recherche de la vérité quand la Coordination a pris deux fois la parole, que la voix de la Confédération paysanne dont deux représentants ont pris ostensiblement la porte a été oubliée et que la FDSEA ou les JA 64 n’étaient pas représentés en tant que tels ? Qui a osé parler du manque de solidarité au sein même de la profession ?



Et surtout, que penser de la quasi-absence de la voix des femmes ? Or, messieurs, la métamorphose de la société rurale qui englobe le monde agricole se fait aujourd’hui et se fera encore plus demain par les femmes. Durant les deux dernières guerres elles ont maintenu les campagnes en vie pendant que leurs hommes défendaient les frontières. Ce sont elles qui, aujourd’hui, sont les actrices principales de la diversification de la profession agricole, et qui sont à l’origine de multiples initiatives de la vie sociale et paroissiale des cantons ruraux. Enfin, elles sont souvent à l’initiative des « nouveaux styles de vie » que le Pape appelle de ses vœux dans sa dernière encyclique. Et tout ceci, parce que les femmes ont une affinité essentielle avec le monde de la terre, du vivant, de la nourriture : elles savent ce qu’est la vie à son origine.

La « famille agricole » qui sait si bien hausser le ton quand il le faut et se déchirer quand il ne faudrait pas, aurait tout intérêt à écouter et à donner la parole à ses « pionnières » dont M. TH. Lacombe a fait le sujet de son dernier ouvrage.

A moins que le silence ne soit l’arme la meilleure pour garder sa « liberté paysanne » quand de mâles commandos trop attentionnés veulent nous apprendre à bien penser pour notre plus grand bonheur !!

Tel est, pour aujourd’hui, mon morceau de vérité. Il va certainement en heurter beaucoup d’autres mais le grand Ajusteur, s’il le veut bien, lui trouvera une place dans la verrière agricole en reconstitution ou dans une autre en préparation…En attendant, merci à tous les paysans, et ils sont encore nombreux chez nous, qui n’ont pas rougir de leur métier et qui ne se sentent pas les victimes du monde entier.

Jeancasanave.blogspot.com
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.