09 septembre 2009

Les petits bancs de pierre…

Le premier élément de ce qu’on appelle aujourd’hui le « petit patrimoine rural » est un banc de pierre modestement assis à l’entrée de mon village, adossé au muret de la première maison. A une époque encore récente, chaque maison possédait son banc en bordure de route ou de chemin. Aujourd’hui, ces bancs sont à l’image des églises des campagnes : restaurés mais inutilisés. Les derniers témoins de ce temps où, chaque soir, en attendant le crépuscule, les familles se retrouvaient sur ces bancs, disparaissent peu à peu. Les pierres qui avaient accumulé la chaleur de la journée réchauffaient les rhumatismes des personnes âgées. Les nombreux enfants transformaient la chaussée en terrain de jeux, tandis que les anciens se rappelaient les souvenirs des guerres qu’ils avaient connues. Les femmes partageaient leurs soucis de mères de familles qui avaient tant de mal à nourrir toutes ces bouches. Le passage inopiné d’une carriole attardée alimentait les conversations pour le reste de la veillée. Finalement, ces bancs rustiques et polis par l’usage avaient les mêmes fonctions qu’internet aujourd’hui. Ils favorisaient la communication des uns et le divertissement des autres.
Je repense à Josué qui, après avoir élevé une pierre en mémorial d’un acte de foi collectif, disait à ses compatriotes : « Cette pierre a entendu tout ce que vous avez dit ; elle sera le témoin entre vous et Dieu ». Dieu seul sait, en effet, tout ce qu’ont entendu et tout ce que pourraient transmettre ces petits bancs de pierre. A l’instar des « bancs publics » ou des « petits ponts de bois », ils attendent un Georges Brassens ou un Yves Duteil pour leur rendre la parole et l’hommage qu’ils méritent.
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.