27 décembre 2008

« Il vous est né un Sauveur » ou un sauveteur ?

Il y a souvent dans le Gard de grosses inondations. Le mois dernier, il beaucoup plu, les ruisseaux ont débordé, les rues d'un charmant village se sont transformées en torrents et il a fallu évacuer tous les habitants. Un seul a refusé de partir : Monsieur le Curé. Il s'est dit :
« Je vais montrer à tous mes mécréants de paroissiens ce qu'est la Foi, et comment il faut avoir confiance en Dieu. » Dans le village, on appelle ce curé Don Camillo. Il a pris une couverture, un grand morceau de pain et il s'est installé dans l'église qui est un peu en hauteur par rapport au village. Il se disait : « Le temps que l'eau monte jusqu'ici, 1a pluie cessera. » Huit jours après, il pleuvait encore.
Alors, le maire et deux adjoints, pris de remords, revinrent vers le village sur une vieille barque, et munis de grandes cuissardes, ils entrèrent dans l'église. Et que virent-ils ? Don Camillo installé sur le maître autel en train de prier. Le maire lui dit : « En tant qu'officier de police, je vous intime l’ordre de venir avec nous, et de quitter cette église. » Don Camillo refusa.
Quatre jours après, il pleuvait de plus belle. Le chef des pompiers apprit que le curé était tout seul dans le village inondé, et qu'il risquait sa vie. Il monta avec quatre collègues dans un Zodiac et partit vers le bourg. C'était un spectacle de désolation. On ne voyait plus que le premier étage des maisons. Ils entrèrent dans l'église. Don Camillo s'était réfugié dans les tribunes, et il continuait de prier pour que le Bon Dieu vienne le délivrer. « C'est votre dernière chance, venez avec nous » lui dit le chef des pompiers. « Non, j'ai confiance en Dieu lui seul me sortira de ce mauvais pas » répondit Don Camillo.
Une semaine passa encore. L'affaire était remontée jusqu'à la préfecture, à Nîmes. Le préfet décida de monter dans l'hélicoptère de la sécurité civile pour constater les dégâts. Que vit le préfet ? Un clocher tout seul, qui émergeait des eaux. En faisant une rotation de plus près, le pilote aperçut Don Camillo appuyé sur la fenêtre du clocher, les mains jointes. Constatant qu'il était encore en vie, mais pas pour longtemps, le préfet repartit pour envoyer les spécialistes afin d'hélitreuiller le brave Don Camillo.
Pendant ce temps-là, notre curé parlait au Bon Dieu. Il lui disait : « Mais enfin, quand vas-tu me sauver de cette situation ? Tu vois bien que j'ai mis toute ma confiance en toi et toi, tu restes là les bras ballants à ne rien faire ! Les autres vont se dire : « C'est bien la peine de prier ! » et ils viendront encore moins nombreux à la messe.

- « Don Camillo, je trouve que tu exagères un peu. Je t'ai envoyé Monsieur le Maire et tu ne l'as pas suivi. »
- « C'est un anti-clérical, il est pour le travail du dimanche et Tu crois que je pouvais lui faire confiance ? Jamais de la vie. »
- « Il n'empêche qu'il s'est déplacé pour toi ! ...Je t'ai envoyé le chef des pompiers, mais tu as refusé de monter dans son embarcation ! «
- « Lui, c'est un protestant, il est contre le Pape. Jamais je ne lui ferai confiance ! »
- « Pourtant, Don Camillo, il s'est mis à l'eau pour toi et lui, plus que toi, croit que seule la Foi sauve ! ...Enfin, je t'ai envoyé Monsieur le Préfet, et tu prétends toujours que je n'ai rien fait pour toi ! »
- « Lui, Seigneur, ne m'en parle pas. Lors de la dernière inondation, on a dit qu'il avait réquisitionné l'hélicoptère pour partir en week-end ! »
- « Tiens, le voilà de nouveau l'oiseau rouge et maintenant, tu vas me faire le plaisir d'y monter, sinon je te fais nommer curé dans le fin fond des Cévennes. »

Voilà comment Don Camillo ne fut pas « sauvé » des eaux comme l’écrivirent les gazettes locales, mais secouru dans son imprudence. On dit même que lorsque tout le monde fut rentré dans le village, et que de grands travaux furent entrepris pour que pareil désastre ne se reproduise pas, Don Camillo alla voir Monsieur le Maire, le capitaine des pompiers et Monsieur le Préfet pour leur demander pardon avant de le faire devant tous ses paroissiens.
Notre impétueux et présomptueux curé n'a pas manqué de sauveteurs mais il n'a eu qu'un Sauveur, Celui qui l'a sauvé de son orgueil et de son manque de charité, c'est-à-dire de son péché. Quand Jésus, le Fils du Père, vient nous sauver, ce n'est pas d'un accident, d'une avalanche ou d'un échec à un examen. Il vient nous sauver de quelque chose de plus grave et de plus radical. Il vient nous guérir de ce réflexe animal qui consiste d'abord à sauver sa peau avant de penser à celle des autres et même de cette obscure malveillance que nous entretenons envers ceux que nous n'aimons guère. En entrant dans notre vie humaine, Il nous donne de recevoir la sienne. En accueillant son Amour à la mesure de l'humanité entière, en communiant à sa Vie résistant à toute mort, nous sommes décentrés de nous-mêmes, délivrés de toute mort et nous pouvons goûter la joie d'être à notre tour des acteurs du Salut.
« Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours »… et Don Camillo plus bienveillant envers ses semblables….

Avec mes meilleurs vœux en forme de salut dans son sens plénier.
jeancasanave.bolgspot.com

14 décembre 2008

Gaudete
Gaudete dit le latin, siat gauyous répond le béarnais : réjouissez-vous, soyez dans la joie ! C’est le mot d’ordre du troisième dimanche de l’Avent que ne cesse de répéter l’Eglise depuis des siècles, en temps de guerre comme en temps de paix, en période de disette comme d’abondance, malgré les calamités, les épidémies, les récessions, les déflations, les inflations et …les incompréhensions.
Trois hérauts sont convoqués pour nous convaincre : Isaïe, Jean Baptiste et Paul. Le premier déplore la situation de son peuple gouverné par des « gamins » qui signent des alliances éphémères en négligeant Celle qui les a fait rois. Il déclare cependant: « Je tressaille de joie, j’exulte… ». Le second, en butte à la surveillance tatillonne des pharisiens qui suspectent cette nouveauté liturgique d’un baptême célébré sur les bords du Jourdain et détesté par la femme du roi, se définira comme l’ami de l’Epoux, mettant « sa joie à entendre la voix de son ami … qui se tient là au milieu de vous ». Enfin, le troisième, déchiré par les divisions internes de la primitive Eglise, le regard assombri par les perspectives de persécutions, n’hésite pas à exhorter ses frères : « Soyez toujours dans la joie ». Avons-nous affaire à trois doux naïfs planant largement au-dessus des réalités de leur monde ou à trois prophètes lisant le présent comme « s’ils voyaient l’invisible » ?
Ce ne sont pas des gamins qui nous gouvernent mais nous aimerions bien de temps en temps qu’un personnage de haute envergure déploie devant nous de larges horizons. Or ceux qui côtoient de près la cabine de pilotage affirment qu’il n’y a personne aux commandes de l’appareil mondial. Alors, nos responsables, déguisés en secouristes ou en pompiers, se démènent comme de beaux diables pour éteindre les incendies et escorter les ambulances. La crise n’attend pas !
Néron, du moins en Occident, ne persécute plus les chrétiens. Mais ceux qui n’adorent ni les honneurs, ni l’argent, ni la réussite tapageuse, ni l’opinion publique, ni la toute puissante technique, finissent par agacer la pensée unique en rappelant leurs principes jugés désuets et obsolètes. Alors on déclenche le rouleau compresseur des media, on met les sondages en batterie, on flatte l’opinion et par le jeu dit démocratique on rabote les questions gênantes, on jette le discrédit sur les valeurs ou sur ceux qui les défendent. Il ne reste plus aux prophètes que de crier, non dans le désert, mais dans de gigantesques magasins bourrés jusqu’à la gueule de denrées indispensables et de décibels tentateurs. Consommez, vous penserez plus tard !
Soyez dans la joie ! Proposition tout aussi inadaptée aujourd’hui, qu’elle était décalée hier. Nous qui souhaiterions un guide clairvoyant qui puisse reprendre les rênes, montrer le cap, fixer des objectifs, nous voilà en train de patiner devant un message qui brouille encore plus les pistes. Comment en pleine crise être dans la joie ? Comment repérer Dieu « au milieu de nous » ? Et pourquoi ne se fait-Il pas reconnaître dans l’évidence de sa puissance ?
Il nous reste dix jours pour sortir du bric-à-brac mondialisé, pour tendre l’oreille, pour aiguiser notre regard : un couple de pauvres gens cherche un gîte, un enfant va naître et avec lui un monde nouveau…
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.