28 décembre 2007

24 Décembre La nuit.
Il faisait nuit. Toute l’humanité était là, elle veillait ou sommeillait.
- C’étaient d’abord, ceux et celles qui n’avaient pas ouvert leur porte et qui s' endormaient paisiblement comme s’ils n’avaient ni vu ni entendu cette petite jeune femme blême prête à accoucher.
- Hérode, le tyran sanguinaire, avait du mal à trouver le sommeil : le roi des juifs annoncé par les mages n'allait-il pas renforcer l'opposition à son régime ?
- Les bergers assoupis gardaient un œil sur les troupeaux, scrutaient parfois les étoiles, ils disaient entendre la voix des anges. Ils n’avaient pas bonne réputation dans le pays à cette époque là..
- Il y avait, encore, ceux et celles qui, dans la nuit de leur foi, avaient gardé un brin d’espérance. Ils s’appelaient Zacharie, Elisabeth, Siméon, Anne, Marie et Joseph. Leur famille vivait à proximité du Temple de Jérusalem dans l’attente d’un salut que Dieu seul pouvait donner.
- Enfin, étaient là, rassemblés par hasard, tous ceux et celles qui se croisaient dans cette hostellerie ou plutôt ce caravansérail ? Ni bons ni mauvais, de braves gens qui avaient trouvé refuge pour eux et leurs bêtes. Autour du feu, ils s’étaient donné les nouvelles habituelles : la santé des parents, les caprices du temps, l’impôt de l’occupant, les histoires des gens importants.
- Installée à la hâte dans la partie réservée aux animaux Marie accouche. Elle qui avait rêvé de l’intimité de la maison de Joseph, de la proximité de ses parentes combien efficaces dans ces moments là, voilà qu’elle devait retenir ses cris de douleur, supporter la curiosité des étrangers et la propreté douteuse d’un lieu public.
Il faisait nuit. Toute l’humanité était là, elle veillait ou sommeillait.

Ce soir, il fait nuit. Toute l’humanité est là, elle veille ou elle sommeille.
Elle était noire la nuit de Bethléem et bien peu reconnurent la lumière de la crèche. Ne nous étonnons pas que 20 siècles plus tard, elle soit noire pour les uns, grise pour les autres, artificiellement illuminée pour beaucoup. Ce qui compte, c’est qu'elle n’ait pas éteint la lumière; que la mort n'ait pas englouti la vie; que le mal n'ait pas tué le bien; que, malgré tout, des hommes, des femmes ,des jeunes, et des anciens, des associations, des communautés soient encore capables non pas d’illuminer la nuit, mais de faire briller un petit reflet de la lumière de Dieu. Petite flamme fragile, battue par tous les vents, parfois mourante mais suffisante pour nous permettre de marcher dans le noir et pour croire que la ténèbre n'aura pas le dernier mot. Vive la nuit, quand elle s’appelle Noël.

19 décembre 2007

Samantha
Elle a encore les jambes frêles d’une petite fille qui n’a pas eu tout l’espace nécessaire pour grandir et s’étirer. Elle a le corps trapu de toutes ces femmes du monde qui portent sur le dos le poids écrasant de la misère et du mépris, hérités d’une condition sociale sans horizon. Elle a six ans, elle est mexicaine, et sa maman, Françoise, au prix d’une âpre lutte, l’a sortie de son orphelinat et d’une enfance saccagée.
Samantha a reçu le baptême. Et voilà qu’elle se rattrape de tous les sourires jusque là contenus. Pôle unique d’attentions, elle laisse éclater un bonheur spontané et communicatif. Parfois, cependant, elle ferme intensément les yeux. Que cache t-elle sous le voile de ses paupières ? Quels souvenirs viennent interrompre le rire enfantin ?
Françoise est « aux anges ». Elle est, cependant, bien consciente de ce qui l’attend. « Qui sera cet enfant ? » disait-on de Jean Baptiste. Pourra t-elle, seule, faire face ? Elle est déjà confrontée au constat du « prophète » de Kalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants… ». C’est, ici, que les adultes prennent peut-être mieux conscience de ce surcroît de paternité qu’offre le baptême. « Je te reçois dans la famille des fils et filles de Dieu dont je suis l’aîné » lui dit le Christ. Jean Pierre, Geneviève, Raymond ses parrains et marraine savent eux aussi que leur rôle ne se limitera pas à quelques cadeaux ou souhaits d’anniversaire. Marcel et Domi sont là, eux aussi, avec Cécilia et Hugo, leurs deux petits mexicains issus du même orphelinat. Inconscients eux aussi ? Doux rêveurs ? Ils témoignent au contraire d’une mûre réflexion, d’une énergie sans faille, mais surtout d’un amour, enfin, exaucé et débordant.
D’aucuns diraient : « Il y avait des ondes positives, autour de cette fête paroissiale et familiale ». Il y avait, avant tout, une présence positive, celle de l’Esprit du Christ. Comme par hasard, tous ces couples ou célibataires s’étaient connus dans des camps et autres mouvements de jeunes où ils avaient déjà expérimenté une simple loi: le bonheur est partagé ou il n’est pas.

11 décembre 2007

Ecologiste ?
Question : Quel écologiste a écrit ces lignes ? Al Gore, prix Nobel ? Nicolas Hulot sur sa montgolfière ? Ou José Bové entre deux bouffées de pipe ?
« La terre en deuil se dégrade, le monde entier dépérit et se dégrade, avec la terre dépérissent les hauteurs. La terre a été profanée par ses habitants, car ils ont transgressé les lois, ils ont tourné les préceptes, ils ont rompu l’alliance éternelle. C’est pourquoi la malédiction dévore la terre, ceux qui l’habitent en portent la peine. C’est pourquoi les habitants de la terre se consument, il n’en reste que très peu… IL ne reste dans la ville que désolation et la porte, démolie, est en ruines. Dans le pays et parmi les peuples, c’est comme la gaulage des olives, comme le grappillage des raisins, quand la vendange est finie…
La terre se brise, la terre vole en éclats, elle est violemment secouée. La terre vacille comme un ivrogne, elle est agitée comme une cabane… »
L’écolo en question n’est autre que le prophète Isaïe dans les chapitre 24 et 25. Le contexte de l'époque n'est pas celui des préoccupations environnementales. Mais les pourfendeurs de la tradition Judéo- Chrétienne coupable, à leurs yeux, de lèse nature à cause du « Soumettez la terre » de la Genèse, feraient bien de relire ces textes… si, du moins, ils les ont déjà lus !

09 décembre 2007

Gaston Berger.
« Au stade où nous sommes, il nous faut des inventeurs, soit pour la recherche fondamentale, soit pour le transfert des vérités scientifiques en règles techniques, soit pour la création administrative ou sociale. Ce sont des inventeurs que l’enseignement doit promouvoir. ..De ce qui précède deux conséquences peuvent être tirées :l’une est que l’instruction qui donne des connaissances doit céder le pas devant l’éducation qui forme des hommes ; l’autre est que l’éducation doit être permanente ».(1)
A l’occasion de la mort de Maurice Béjart, je me suis souvenu qu’il était le fils d’un industriel devenu philosophe : Gaston Berger, que l'on appelait le père de la prospective. En 1970, alors que je préparais ma maîtrise, ses idées, développées dans les années 60, m’avaient passionné. Presque 50 ans après, elles n’ont pas perdu une ride.
Gaston Berger est oublié…Que restera-t-il de Maurice Béjart dans cinquante ans ? La prospective a des limites !

(1)G. Berger « L’homme moderne et son éducation Paris PUF 1962 »

05 décembre 2007

Tamanrasset.
Tam pour les intimes ou pour les « pro » du désert qui n’économisent point les explications et les commentaires de leurs anciennes randonnées. Ville de la précarité qui tient à quelques réserves d’eau. Une quarantaine de personnes du temps du Frère Charles, 100000 aujourd’hui. Depuis 1990, un afflux de population fuyant le terrorisme du Nord de l’Algérie, a élargi grandement le territoire urbain et a multiplié les problèmes d’approvisionnement d’eau. Il faudra désormais la chercher à 600 Kms de là.
Au cœur de cette ville, une petite communauté: Trois sœurs, un prêtre, quelques africains venus de pays voisins, maintiennent la présence chrétienne. Un accueil sans condition, avec pour seul trésor à offrir un sourire permanent et le témoignage d’une vie aussi dépouillée que celle des gamins qui grouillent tout autour.
Le premier ermitage de Foucauld est toujours là, offrant sa fraîcheur, son silence habité et son dénuement. Plus loin, le fortin construit par ses soins, afin de protéger ses voisins d’infortune des rezzous étrangers.
Etrange impression de côtoyer une sainteté de l’extrême. Un être destiné aux honneurs militaires qui se complait dans le dernier rang ; un moine rompu à la contemplation et qui souhaite évangéliser tout le Maghreb ; un colonisateur qui sauve la culture des Touaregs ; un prêtre « collé » à la présence Eucharistique et qui est privé pendant des mois de la messe ; un croyant qui se sait pécheur et qui ne se confesse que rarement etc…
De Tamanrasset à l’Assekrem, six jours de marche sur une autre planète. Humble sensation de cheminer sur une terre, elle aussi, de l’extrême. A croire que ce paysage empierré, asséché, venté, raboté, ne peut produire que des Seigneurs de la guerre aussi farouches de ces pics torturés, ou des Saints, réduits par la pauvreté à la transparence de Dieu et à l’hospitalité des hommes.
Silencieuse admiration pour ces chameliers qui au terme de la marche quotidienne se prosternent vers l’Est et font leur prière avec le naturel et la spontanéité qui présideront ensuite au rituel du thé. « M’Ba, j’ai vu que tu faisais ta prière, comme moi. Je prierai pour que tu soies un vrai musulman. Je te demande de prier pour que je sois un vrai chrétien ». Ainsi ai- je quitté notre guide et sa fascinante planète.
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.