30 octobre 2006

Maison :
Les circonstances veulent que, depuis quelques temps, j’assiste à la naissance de ma future maison. Tous les jours, j’ai sous les yeux le travail des maçons et des charpentiers et je ne me lasse pas d’admirer le savoir de ces professionnels du bâtiment. Il y a bien sûr le coup de main qui dénote une pratique assidue des outils et des matériaux ; le vocabulaire employé qui désigne tel élément de la charpente alors que pour le profane tout est une poutre ou une planche ; il y a la façon de « s’y prendre » qui évite de se trouver dans une position difficile ou devant une tâche à refaire. Enfin et surtout comment ne pas admirer le travail de réflexion et de préparation au départ de l’ouvrage dont profite toute la construction future. On ne trouve pas de jeunes qui acceptent ces métiers et l’on dit facilement qu’ils n’ont pas suffisamment le goût du travail. Je crois plutôt que ces professions manquent de volontaires parce que non seulement elles exigent beaucoup de compétences mais aussi parce qu’elles engagent une grande responsabilité. Elles ne sont pas à la portée de celui qui ne veut louer que ses bras pendant la semaine pour profiter du week-end ou des congés, l’esprit dégagé.
Le livre de l’exode, le 2ème livre de la Bible, nous raconte la construction du temple de Salomon. On ne nous fait grâce d’aucun détail ni sur la quantité ni sur la qualité des matériaux parce que justement tous les détails sont importants et que du travail de tel artisan dépend celui des autres. Mais je remarque que l’auteur de ces textes n’hésite pas à dire que ces bâtisseurs étaient choisis parce qu’ils étaient « comblés de l’Esprit de Dieu » qui leur avait donné un esprit « inventif et le don de communiquer leur savoir ». Dans ce sens là, les artisans d’aujourd’hui méritent bien d’être appelés « maîtres ».
Je n’irai pas jusqu’à demander que l’on lise à tous les élèves des lycées professionnels les chapitres 25 à 33 du livre de l’exode. Mais il faudra bien que l’on trouve le moyen de ré ennoblir ces métiers du bâtiment si l’on veut qu’ils attirent ceux et celles que l’Esprit de Dieu aura comblé de « l’habileté, de l’intelligence et du savoir pour toutes sortes d’ouvrages » (Ex 31,1). Bâtir la demeure des hommes pour qu’ils y vivent en Fils de Dieu et en frères humains, c’est autre chose que de monter des pavillons en série.

17 octobre 2006

Sainteté :
Lors d’un colloque organisé par la ville d’Oloron autour de la mémoire de son premier évêque Saint Grat, il m’a été demandé une conférence sur la Sainteté. Vaste programme ! J’ai essayé de montrer comment elle avait évolué dans toute l’histoire de la Bible. Mais ce que certains ont retenu c’est le texte suivant que m’avait envoyé mon frère pour la circonstance:
« J’ai entendu un jour un vieux frère, raisonnable et bon, parfait et saint, me parler ainsi :
« Si tu sens l’appel de l’Esprit, écoute-le avec attention, efforce-toi d’être saint de toute ton âme, de tout ton cœur, de toutes tes forces ? Mais si, par faiblesse humaine, tu n’arrives pas à être saint, essaie d’être parfait de toute ton âme de tout ton cœur, de toutes tes forces. Si tu ne réussis pas à être parfait, à cause de la pauvreté de ta vie, essaie au moins d’être bon, de toute ton âme, de tout ton cœur et de toutes tes forces.
Si tu n’arrives pas à être bon, à cause des embûches de l’ennemi, alors tâche au moins d’être raisonnable, de toute ton âme, de tout ton cœur et de toutes tes forces. Si, enfin, tu n’arrives à être ni saint, ni parfait, ni bon, ni raisonnable, à cause du poids de tes péchés, alors tâche au moins de porter ce poids devant Dieu, abandonne ta vie à la divine miséricorde. Et si tu fais cela, sans amertume, humblement, et même jovialement, à cause de la tendresse de Dieu qui aime les ingrats et les méchants, alors tu commenceras à sentir ce qu’est être raisonnable, tu apprendras à être bon, peu à peu tu aspireras à être parfait, et enfin tu soupireras après la sainteté.
Si tu fais cela, chaque jour, de toute ton âme, de tout ton cœur, de toutes tes forces, alors je te l’assure, frère : tu seras sur le chemin de Saint François, tu ne seras pas loin du Royaume de Dieu ».
Ces lignes sont extraites du Saint François d’Assise de Léonardo Boff.
Je les offre à tous ceux et celles qui, comme moi, se savent appelés à la sainteté quand le matin ils prient dans le secret de leur cœur et qui constatent le soir venu, qu’un jour de plus est passé et qu’ils ont porté le poids de la vie comme s’ils étaient tout seuls.

04 octobre 2006

Sens et Expériences
Il me semble que l’un des changements les plus importants du demi siècle qui vient de s’écouler, consiste dans le fait que le sens n’a pas suivi l’expérience. L’élévation du niveau de vie, la diminution du temps de travail et le développement fulgurant des techniques dans tous les domaines de la vie ont permis au plus grand nombre d’entre nous d’avoir accès à des expériences multiples que l’on ne pouvait même pas imaginer dans notre jeunesse. Et la course n’a fait que s’emballer, au point qu’il a fallu à la hâte inventer d’autres techniques pour pallier les dommages ou les inconvénients causés par les précédentes. L’économie et la publicité se frottent les mains d’une telle aubaine. Chaque besoin repéré et satisfait, en engendre un autre et il n’y a aucune raison que cela s’arrête. Le plus bel exemple nous est donné par la vitesse avec laquelle progresse le monde informatique ou numérique. Chaque matin « en nous rasant », nous apprenons que ne possédant pas le dernier modèle de portable ou de télévision murale nous risquons de grossir le monde des handicapés définitifs. Quant à tout ce qui touche le domaine de la vie sexuelle de nos contemporains, il est de plus en plus traité comme une activité sportive avec ses normes, ses performances, ses entraînements précoces et la chimie adaptée à cet effet.
Il y eut une époque où faute d’avaler le temps à découvrir les derniers gadgets (assez rares et souvent trop coûteux pour nos bourses), nos éducateurs nous occupaient à explorer l’expérience des siècles précédents pour en extraire le sens qui, lui, dépassait les siècles. Tout était prétexte à aiguiser la réflexion qui pouvait nous aider à rester maîtres de nos « passions », selon le vocabulaire en cours à ce moment là. Famille, Ecole, Eglise se liguaient dans une sainte coalition autour de cet objectif. Existe-t-il aujourd’hui une institution, accessible à tous, qui puisse donner à chacun les moyens de maîtriser la « marchandisation » dont il est victime ? Autrement dit, qui s’occupe encore dans les sphères dirigeantes agitées par une pré-campagne électorale de l’humain dans l’homme ?
« Je crois que le vrai problème dans la conjoncture historique actuelle c’est le déséquilibre entre la croissance incroyablement rapide de notre potentiel technique et celui de nos capacités morales, qui n’ont pas grandi de manière proportionnelle. C’est pourquoi la vraie recette, c’est la formation de la personne humaine, c’est selon moi la clef de tout… » dixit Benoît XVI
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.