19 juin 2006

Foot et Fête Dieu :
Ce mois de Juin nous gratifie de deux fêtes inégalement médiatisées : celle du mondial du foot et celle du Saint sacrement, autrefois appelée Fête Dieu.
Les plus anciens se souviendront de ces processions hautes en couleurs qui traversaient villes et villages. Petites filles et garçonnets, dans un ordonnancement parfait et revêtus de leurs plus beaux atours, jetaient des pétales de roses devant l’ostensoir doré au rythme du claquoir. Les adolescents se chargeaient de porter des lanternes décorées aux bougies capricieuses ; les jeunes filles soutenaient la prière par des chants interminables ; les jeunes gens mesuraient leur force en soulevant le plus haut possible les bannières des anciennes confréries ou des saints vénérés. Tout ce beau monde défilait le plus naturellement du monde dans les rues jonchées de verdure. Chaque maison rivalisait d’imagination pour décorer sa façade : draps étendus parsemés de fleurs, statues de la Vierge et crucifix bien astiqués prenaient l’air sur les fenêtres. Ceux et celles qui ne pouvaient pas marcher se tenaient sur les pas de portes et se signaient au passage du dais surmonté de plumeaux et solidement tenu par d’honorables pères de familles. Les récalcitrants s’éclipsaient ce matin là dans leur champ ou leur potager ; les anticléricaux et les athées de service gardaient ostensiblement le béret sur la tête ou le mégot aux lèvres en marmonnant leur désapprobation rentrée.
La fête Dieu a retrouvé l’intimité de l’église, les signes ostensibles de la Foi se font rares. La liturgie de la messe n’attire plus les foules. Ce n’est pas nouveau. Nous sommes fatigués de ce Dieu qu’on ne voit pas et de ce Moïse ombrageux avaient dit les hébreux à Aaron, fais nous donc un Dieu à notre portée, fabrique nous une image de lui, une idole. Ne sommes nous pas en train de vivre l’épisode du veau d’or à l’échelle mondiale. L’Eglise ne fait plus recette mais le sentiment religieux n’est pas mort ; il a changé de terrain.
Rien de plus religieux et liturgique que la préparation des championnats. Les joueurs font retraite dans de fastueux hôtels et conditionnent leur mental pendant que leurs supporteurs revêtent leurs corps, leur peau ou leurs cheveux des couleurs de leur camp comme autant de couleurs liturgiques. Les rues allemandes, les vitrines des magasins se mettent à l’unisson de leurs champions. Les défilés s’improvisent derrière les pancartes déployées ; les chants fusent dans les attroupements et utilisent parfois les mélodies de vieux cantiques démodés. Ce matin, un arbitre annonçait qu’il allait « officier » avec tel collègue. Après la préparation initiatique, vient la liturgie du match. Au son de la cloche réduite au sifflet les rites de communion et d’exclusion vont se succéder : hymne nationaux, poignées de mains ou échange de fanions, recueillement solitaire du joueur ou cri collectif de l’équipe resserrée dans un cercle magique. Rite de purification, l’excommunication par simple carton rouge, sans jugement ni appel. A chaque but marqué, encore la communion : après que le butteur ait envoyé un petit signe au ciel les joueurs s’étreignent dans un violent baiser de paix. Pendant ce temps l’assistance participe, chante, gesticule, ondule une ola, hurle ou se tait dans un silence « religieux ». Enfin la bénédiction finale se donne dans la tribune officielle où chaque président y va de son accolade, de sa tape amicale, de son signe de satisfaction. La liturgie s’achèvera dans le grand défilé des « idoles » revenues au pays comme l’on faisait déjà chez les mésopotamiens lorsque le peuple suivait le « Tselem » l’image du dieu honoré.
Toutes les religions ont leurs rites de communion, d’exclusion et de purification. Selon ce critère la religion se porte bien et le « mondial » est bien une religion devenue planétaire. Elle le restera tant qu’elle sera bien payée. Certains, déjà, ne se découvrent plus au passage des idoles et ne cachent pas leurs réticences pour ce nouvel « opium du peuple ». Pour ne pas sombrer dans un pessimisme nocif, il ne leur reste plus qu’à adorer le « Saint Sacrement » c'est-à-dire à entrer plus avant dans le Mystère, le dévoilement du sens du monde et du sens de Dieu.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

LU

Anonyme a dit…

Voyez-vous cher Jean c'est la première fois de ma vie que j'ai fêté le Coeur de Jésus. Cette année j'ai découvert cette belle fête dans le même temps que je découvrais le père de Foucault et Louis Massignon. Ils m'ont accompagnée durant cette fin de semaine, d'abord à l'église St Augustin, lieu de conversion de Foucault puis lors de la procession qui nous a conduit à la basilique du Sacré Coeur. Et enfin lors de la montée de la butte. Tous ces pélerins éclairés de leurs petits flambeaux, animés d'une belle piété surprenaient, vous vous en doutez, les parisiens attablés du samedi soir. La basilique est restée ouverte toute la nuit. L'archevêque de Paris est un homme doux, à la voix ferme et rassurante. Il parle magnifiquement bien du mystère de l'adoration et de celui de l'eucharistie. Ici les pélerins de la Fête Dieu sont de toutes les couleurs, de toutes origines. Les chants des bénédictines, belles hirondelles enfermées dans le choeur et proches du Coeur étaient également bouleversants. J'y suis retournée le lendemain et la même ferveur était palpable dans cette foule de fidèles mêlés aux touristes.
Aucun doute c'est bien Lui, le Seigneur. Il attend patiemment que le bruit cesse et entend la plus humble des prières. Il a converti Charles de Foucault et Massignon. Il attend patiemment chacun de ses enfants.
Amen.

Anonyme a dit…

lu

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.