29 avril 2006

Néo ruraux :

A la suite d' une conférence donnée par le sociologue palois Bruno Morin, une rencontre, destinée à donner la parole aux nouveaux habitants du rural, était organisée dans les locaux de la communauté des communes du canton de Navarrenx le 26 avril. Sous la direction décontractée et souriante de Michel Durriez, trois jeunes couples et une célibataire nous ont donné leur version, très positive, de leur installation dans le pays.
Nous les « vieux autochtones », nous en concluons d’abord que celui qui veut bien « s’intégrer » le peut. Nous touchons aussi du doigt qu’aujourd’hui « néo ruraux », « nouveaux habitants », « rurbains », « natif », « anciens » sont des catégories qui sont en train de se diluer dans un type d’habitant du rural qui est avant tout une sorte de « transhumant » perpétuel. Qui peut prétendre aujourd’hui être plus villageois qu’un autre, vu le mode de vie et de relations qui s’instaurent de plus en plus ? Ne sommes nous pas en train de retrouver la vieille étymologie du mot paroisse, l’ancêtre de la commune, et qui désignait des « habitants de passage ». De toutes les façons nous ne sommes effectivement que de passage plus ou moins prolongé !
L’aspect positif des témoignages entendus ce soir là ne nous empêche pas cependant de constater un versant plus problématique de cet apport nouveau de population. Une catégorie de nouveaux résidents ont les moyens de s’installer dans de vieilles demeures et de les rénover. Leur premier problème n’est pas forcément de s’intégrer dans le paysage et de faire de nouvelles relations, si ce n’est celles que l’on peut qualifier d’utilitaires. A l’autre bout de la chaîne une population précaire, « refoulée » des agglomérations cherche refuge dans le rural. Habituée à être assistée, elle a du mal à faire le premier pas vers les autres. Elle risque de faire « ghetto » et de ne pas se mélanger. En effet un des moyens essentiels de trouver du travail, et donc de s’intégrer, est la possibilité de se déplacer de façon autonome, de faire garder les enfants ce qui n’est pas toujours à la portée de ces nouveaux venus.
Entre ces deux pôles se situent les jeunes couples qui par choix ou par nécessité cherchent à construire un logement neuf, souvent situé à équidistance du lieu de travail de chacun des conjoints et pour lesquels l’école des enfants et les associations restent une occasion privilégiée de rentrer dans le circuit.
Il reste aussi les agriculteurs qui se font du souci devant la flambée du foncier et une sorte de dépossession de la place centrale qui était la leur autrefois. Du moins le ressentent-ils ainsi.
Quant aux anciens et aux retraités ils observent… Heureux de ce retour inattendu des citadins vers le rural. Inquiets de l’oubli manifeste de certaines règles ou de certains rituels qui s’étaient instaurés dans nos villages et qui rendaient plus humaine et plus supportable la vie « en commun » qui nous a donné la « commune »!

17 avril 2006

Matin de Pâques :
« Il vit et il crut ». Les évangiles et les actes des apôtres nuancent quelque peu la spontanéité de l’acte de Foi premier. Il faudra une lente relecture des Ecritures pour « digérer » l’évènement pascal. Mais faut-il croire encore toutes ces histoires après quatre siècles de rationalisme triomphant et deux siècles de progrès scientifique ? Force est de constater que les croyances se portent fort bien et la « modernité » n’a pas eu leur peau. Bien au contraire il est même aujourd’hui recommandé de tenir compte des croyances même s’il faut leur ajouter une dose de raison pour les transformer en convictions.
Croire est indispensable à toute vie en société. La confiance réciproque est même la base de toute relation humaine et une société qui apprend à ses enfants de se méfier dès le plus jeune âge de la parole des adultes a de quoi se faire du souci. Croire n’est donc ni exceptionnel ni enfantin ni surnaturel : c’est tout simplement humain. Le tout est de savoir quoi ou qui croire ?
On a cru longtemps aux hommes providentiels. Il a fallu se rendre à l’évidence qu’ils résistaient mal à l’abus du pouvoir.
On nous a demandé de croire en la raison universelle. Il nous fallu du temps pour reconnaître que nos vérités n’étaient que celle des occidentaux et que l’homme n’était pas par nature un animal raisonnable.
Le progrès scientifique devait régner sur une société sortie de l’obscurantisme. Il a augmenté les risques et les peurs.
La marche de l’histoire devait faire chanter les lendemains. Il nous a fallu le retour de quelques uns de l’enfer pour entendre la marche funèbre des goulags.
Aujourd’hui c’est la nature qui nous demande de l’adorer. Il faudrait oublier qu’elle est violente et porteuse de mort.
Dans ce contexte d’échec des grandes idéologies, pourquoi serait-il inconvenant de croire que notre monde est voulu par un Dieu plutôt que le produit de milliards de hasards bien intentionnés ? Pourquoi serait-il insensé de croire que dans cet univers Dieu ait voulu partager sa vie par amour, en toute gratuité, avec un être « à son image » ? Ne sommes nous pas issus de l’amour partagé de nos parents ? Un monde et des hommes crées par amour : premier et toujours actuel grand miracle.
L’amour peut être refusé car l’amour cherche toujours à nous transformer et la chenille n’a aucune envie de mourir à sa vie de chenille pour devenir papillon. Le péché refuse cette transformation de l’amour. Alors Dieu, par delà notre refus va nous donner la possibilité de nous laisser diviniser et c’est le signe du tombeau vide et de Pâques. Deuxième et toujours actuel grand miracle.
Non, il n’est pas plus humain de ne pas croire que de croire ! Il n’est pas plus idiot de croire que Dieu ce soit donné à l’homme que de croire (ce que nous faisons tous spontanément) que l’homme puisse se faire Dieu ! Si du moins le 21ème siècle pouvait nous libérer de tous les tombeaux fermés de la pensée que l’homme a pu fabriquer pour son malheur ! Il faut croire que nous aimons les « sépulcres blanchis ».

15 avril 2006

Sylvie Germain
Rencontrée furtivement, comme l’an passé, à l’entrée d’un monastère entre trois bouffées de fumée de cigarette et une nuée d’encens… Elle accumule les prix littéraires et la reconnaissance de ses lecteurs. Elle a écrit « Les échos du silence » ed DDB ouvrage qui débute sur une évocation de Job ( cf la chronique précédente), un des rares ouvrages qu’on s’oblige à relire…

12 avril 2006

Job
Puisque la Semaine Sainte nous fait emprunter le chemin du calvaire, le livre de Job peut nous servir de guide.
Tout allait bien pour Job jusqu’à ce que Satan désoeuvré et quelque peu jaloux de la réussite de ce croyant modèle demande à Dieu l’autorisation de s’occuper de lui. Permission accordée sauf à toucher à un seul de ses cheveux. Satan s’attaque à ses greniers et à ses moissons. Réaction de Job : « Dieu a donné, Dieu a repris Dieu soit béni ! »
Vient le tour du bétail, les animaux meurent par milliers. Réponse : « Dieu a donné, Dieu a repris Dieu soit béni ! ». Les fils de Job, comme il se doit pour un ami de Dieu, sont nombreux et prospères. Le vieux père prend sur eux toutes les garanties car il offre à leur place des sacrifices au cas où…Un jour de bombance, ils sont tous écrasés par l’effondrement de leur maison. On avertit Job. Accablé, il ne bronche pas et répète la même invocation.
Déprimé par une telle résistance et au bord de la crise de nerfs, Satan réclame pouvoir sur la santé de Job. Accordé.
Et la vie de Job n’est plus qu’ulcère purulent. Lui si riche et donc si adulé connaît le vide et la solitude. Le fumier est son domaine, le mépris sa nourriture.

Interviennent ses amis. Ils n’en finissent pas de chercher à savoir pourquoi le vieux sage a mérité un tel sort. Et tout y passe. Comme ses bons copains qui vous rendent visite pour vous expliquer qu’ils ont été aussi malades que vous et qui compulsent la liste de vos remèdes pour vanter l’efficacité des leurs.
Là, Job se fâche, il leur demande le silence.
Et le voilà qui se lance dans une longue diatribe : il fait à Dieu un procès. « Prouve moi que j’ai péché et je suis prêt à accepter ma punition ! » Et Dieu se tait comme il le fait depuis le début du livre.
Quand Job en a fini avec son réquisitoire, Dieu répond.

On s’attend à toutes les réponses sauf celle la. Dieu ne répond en rien à la question du mal ni à celle de l’innocence ou de la culpabilité de Job. Il se contente de lui poser des énigmes auxquelles un homme de cette époque ne peut répondre. Et Job se tait… Le silence de l’homme rejoint celui de Dieu au sujet du mal.
En fait Dieu par ses énigmes évite le procès mais ne dit rien du mystère du mal. Il faudra attendre le Vendredi Saint pour savoir que pour Dieu lui-même le mal est inexplicable. Aussi Il le subit comme nous. Faut-il subir le mal jusqu’à renoncer à le comprendre, ce qui serait encore une façon de le maîtriser ?
Proverbes
En ces temps de crise ou de sortie de crise… avant la prochaine, un petit détour par le livre des proverbes bibliques s’impose. Il y en a pour tous…
Pour les gouvernants d’abord :
« L’insensé juge droite sa propre voie,
mais le sage écoute les conseils » Pr 12,15
« Faute de délibération les projets échouent,
grâce à de nombreux conseillers, ils prennent corps » Pr 15,22

Pour les hommes politiques :
« Une aimable réponse apaise la fureur,
une parole blessante fait monter la colère » Pr 15,1

Pour les commentateurs professionnels :
« Tout labeur donne du profit
le bavardage ne produit que disette » Pr 14,23

Pour les jeunes et leurs pères…quand ils en ont…
« Qui épargne la baguette hait son fils,
qui l’aime prodigue la correction. » Pr 13,24

Pour les juges de l’après-Outreau :
« Acquitter le coupable et condamner le juste :
deux choses dont Dieu a horreur » Pr 17,15

Et enfin pour les Français déprimés :
« Cœur joyeux excellent remède,
esprit déprimé dessèche les os » Pr 17,22

03 avril 2006

Comme gémit la tourterelle…

Avec les beaux jours revenus et le temps des amours retrouvés, les tourterelles familières viennent donner leurs roucoulades au plus prés des oreilles humaines, comme pour les associer au renouveau de la nature tout entière. Ce concert printanier laisse échapper parfois une mélopée plaintive, celle d’un oiseau effarouché ou tout simplement mélancolique. Perché sur son toit, observateur attentif d’un quotidien à la joie absente, il répète inlassablement son message désabusé : « Vanité des vanités…Rien de nouveau sous le soleil… »
Des élections sans enthousiasme ont eu lieu en Israël. Comment, alors, ne pas entendre, en écho, ces colombes qui peuplent le pays de la Bible, et qui, longtemps, ont été vouées aux offrandes du Temple. Maigre substitution, réservée aux pauvres qui ne pouvaient pas sacrifier bœufs, taureaux ou agneaux, la colombe n’était pas seulement destinée au culte. Elle était devenue au cours des siècles le symbole même du peuple de la première alliance. Inconstant comme « une tourterelle écervelée », pourchassé par de cruels ennemis, il criait, comme elle, sa plainte infinie à la face de Dieu.
Tourterelles et colombes d’Israël et de Palestine ne connaissent pas les frontières de 1948 ni celles des territoires occupés. Apeurées par les faucons, leurs vols s’entrecroisent et leurs plaintes se confondent. Trouvera-t-on encore un Noé, pour confier à l’oiseau innocent, l’improbable mission de ramener un brin de paix dans cet amoncellement de violences et de rancoeurs. « Viens ma bien aimée, ma toute belle…le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre… ma colombe cachée au creux du rocher…montre moi ton visage ! »(Le Cantique)
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.