24 février 2006

Re Abraham

Toujours à propos de l’acte de Foi tel qu’il apparaît dans la vie du « Père des croyants », cet extrait de St Augustin : « Supposons que tu veuilles remplir une sorte de poche et que tu saches les grandes dimensions de ce qu’on va te donner, tu élargis cette poche, que ce soit un sac, une outre, ou n’importe quoi de ce genre. Tu sais l’importance de ce que tu vas y mettre, et tu vois que la poche est trop resserrée : en l’élargissant, tu augmente sa capacité. C’est ainsi que Dieu, en faisant attendre, élargit le désir ; en faisant désirer, il élargit l’âme ; en l’élargissant, il augmente sa capacité de recevoir. » St Augustin « Sermon sur la 1ère lettre de St Jean.
N’appelait-on pas Gandhi : « La grande âme »…Dieu avait dû élargir son désir et son âme…

23 février 2006

Abraham
Un homme tout ce qu’il y a de plus homme…avec des désirs d’homme : avoir une descendance, posséder une terre, être protégé par son Dieu. Entrer dans le temps, s’inscrire dans un espace, s’ouvrir un infini.
Un homme qui va tout risquer pour réaliser ses rêves. « Va, quitte ton pays… »
Dieu va répondre à ses désirs mais bien au-delà ou bien autrement de ce qu’il attendait. Il lui donnera un fils mais aussi une multitude de nations à condition de partager la paternité avec son Dieu (sacrifice d’Isaac).
Il lui accordera une terre mais qui restera définitivement « promise », jamais totalement acquise. Jusqu’à aujourd’hui la terre d’Abraham est partagée si ce n’est divisée…
Son Dieu sera « avec lui » mais à condition qu’il « marche en sa présence », ainsi fera-t-il l’expérience d’un Dieu ni lointain ni souverain mais d’un Dieu qui se fait proche, qui provoque la rencontre.
Abraham sera l’homme de la Foi non pas parce qu’il va croire au miracle mais parce qu’il va laisser Dieu entrer dans ses désirs d’homme et les élargir à la mesure même du désir de Dieu. « J’élargirai l’espace de ta tente » dira Isaïe.
L’acte de foi consiste donc à laisser le désir de l’homme ouvert à l’infini (puisqu’il vient de Dieu) rencontrer le désir de Dieu qui vient le diviniser.
Lévinas disait du désir : « J’ai essayé de décrire la différence du Désir et du besoin par le fait que le Désir ne peut être satisfait ;que le Désir, en quelque manière, se nourrit de ses propres faims et s’augmente de sa satisfaction… » Emmanuel Lévinas « Ethique et Infini » Fayard 2004.

21 février 2006

Liberté chérie

Je reviens encore sur la question des caricatures. Pour employer la langue de bois actuelle la liste des victimes « collatérales » de cette histoire s’allonge de plus en plus et ce triste bilan ne remet pas en question ceux qui s’en tiennent au dogme de la liberté d’expression quoiqu’il en coûte…
Admettons qu’ils rencontrent sur leur chemin quelqu’un qui pour diverses raisons ne peut exprimer son opinion ni par les arguments longuement réfléchis, ni par le dessin, ni par un langage châtié mais uniquement par ses poings ou ses armes. Au nom de la liberté d’expression laisseront-ils cet individu s’exprimer longtemps de la sorte ?
Les fanatiques de la liberté d’expression ne font-ils pas le lit de tous ceux qui estiment n’avoir pas d’autre recours que la violence pour s’exprimer. Ils devraient se souvenir que les mots ou les dessins lancés au grand vent de la « tolérance » peuvent aussi tuer….

10 février 2006

Le Savoir vivre

Je rédige cet article au moment où toutes les sommités de la pensée hexagonale s'époumonent et s'émeuvent au sujet de la réaction des musulmans par rapport aux caricatures du Prophète qui ont enflammé des foules certainement manipulées. Dans le feu des passions exacerbées peut-on risquer quelques remarques.
La critique d’une idée ou d’une théorie est légitime et même recommandée. C’est ainsi qu’avance la pensée. Caricaturer le personnage que certains considèrent comme l’inspirateur de leurs raisons de vivre et de mourir mérite par contre une certaine retenue.
Notre laïcité est, selon Régis Debray, une laïcité "d'incompétence". Elle veut ignorer les religions, les cantonner dans la sphère privée, quitte à leur faire la leçon quand elle l'estime nécessaire. Mais il existe aussi de par le monde des constitutions qui prônent une laïcité qui tient compte du fait religieux.
Il faudra bien s'habituer à ce que la dimension religieuse ou croyante des citoyens entre en ligne de compte dans la gestion du Bien public. Avons nous déjà oublié qu'une "Marseillaise" huée lors d'un match de foot avait déclenché une colère présidentielle et la réprobation unanime de la population! Quels journalistes auraient alors osé caricaturer outrageusement le président ou la République elle-même?
Au lieu d'ajouter de l'huile sur le feu et de risquer la vie de nos compatriotes ou des Européens qui résident à l'étranger, ceux qui ont le pouvoir d'éclairer l'opinion seraient bien inspirés de promouvoir une laïcité de respect, comme s'appliquent à la vivre ceux et celles qui côtoient tous les jours dans leurs immeubles des personnes de race et de culte différents.
La lecture du dernier livre de J. Cl. Guillebeau "La force de conviction" paru aux éditions du Seuil nous rappelle fort à propos qu'une société ne peut vivre sans convictions partagées. Celle du respect, en particulier le respect de l'autre même différent et le respect de la loi, pourrait figurer en première position...

07 février 2006

Rossignol :
Ce n’est pas seulement le nom d’un oiseau mais celui de l’ancien supérieur général des Missions Etrangères de Paris. « Fasciné » par l’Inde, il y est resté 25 ans et continue à voyager en Asie. Il n’est guère étonné par les performances techniques et économiques de ce pays. Il sourit lorsqu’on lui parle de « patriotisme économique » et se contente de rappeler les dimensions de ce pays, son antique culture et sa soif de développement.
Pour lui, il ne fait aucun doute que malgré de violents soubresauts sociaux l’Inde et la Chine seront très bientôt le laboratoire du monde et l’atelier du monde. Les chinois excellant dans la fabrication et les Indiens dans la recherche. Et il faudra bien que l’Europe et l’Occident admettent qu’ils devront partager les palmes sur le tableau d’honneur de la planète.
Le fonds religieux de l’Inde sera-t-il un handicap pour ce développement ? Il semble que jusqu’ici la « modernité » n’ait pas entamé l’attachement des élites aux fondements millénaires de leur culture et qu’elle n’empêche pas l’Inde de se comporter en République Laïque. La constitution n’ignore pas les religions, elle les protége. Les usages de la démocratie peuvent constituer un frein pour la rapidité du développement par rapport à celui de la Chine, mais il sera certainement un atout pour le long terme.
Point capital à ne jamais oublier : pour un asiatique le bonheur n’est pas dans l’avoir ou le pouvoir ni à l’extérieur de soi mais à l’intérieur de l’être. Nous avons beaucoup à apprendre de ceux qui ne nous ont pas attendu pour faire cette « expérience ».
Il fallait qu’un « paysan de la Garonne » qui réfléchit à l’échelle du vaste monde nous rappelle cela avec l’accent d’un terroir qu’il n’a jamais renié mais qu’il sait relativiser. Merci Père Rossignol.
Un site à retenir : www mepasie.org
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.