25 octobre 2020

Le retour des idolâtres

 

 « Alexamenos adore son Dieu », ainsi est formulée la légende du célèbre graffiti romain datant du 3ème siècle qui représente un chrétien priant devant un crucifié affublé d’une tête d’âne. L’art de la caricature ne date donc  pas d’aujourd’hui, touche toutes les religions et produit encore son effet 18 siècles après.


Nous sommes tous légitimement horrifiés de constater que la décapitation a fait son retour dans notre cher pays qui se croyait à l’abri d’une telle barbarie. Cet acte inqualifiable a suscité un tsunami de commentaires qui a trouvé son épilogue dans le discours prononcé à la Sorbonne par le Président de la République. Soit dit en passant, cette célébration de la laïcité absolue dans la maison de Robert de Sorbon, ecclésiastique et théologien, laissait songeur !! Mais n’est-ce pas la France !


Il restera aussi de cet évènement tragique, le matraquage télévisuel organisé autour d’une équation simple : islamisme= religion ; religion=obscurantisme et fanatisme ; donc l’ennemi c’est la religion et, sous-entendu, y compris la religion chrétienne! Voilà à quoi se résumait la plupart des interventions.  Or, ce qui est le fond du problème, c’est justement l’absence de religion c’est-à-dire de la recherche de ce qu’est véritablement Dieu. Cette quête du vrai Dieu qu’aucun croyant véritable ne peut réduire à une appellation, une formule, une image. La Bible tout entière n’est qu’une réfutation sans cesse renouvelée de tous les prétendus dieux. Enfermer Dieu dans un mot, une définition, un signe quelconque est un acte idolâtre.

Or, le débat suscité par l’assassinat du professeur Paty n’est que confrontation de deux idolâtries. Celle d’un Islam dévoyé et celle de la liberté d’expression élevée au rang d’une divinité intouchable. Le fait que ses dévots se permettent de demander l’éradication de leurs adversaires au nom de cette même liberté est pour le moins paradoxal. Les sophistes ne sont pas morts !
Il faudra bien un jour que quelques courageux élèvent la voix pour affirmer que cette liberté comme toutes les autres réalités de ce monde a une limite. Quand la caricature provoque l’amalgame, quand elle blesse toute une catégorie de citoyens, elle devient la caricature de la liberté d’expression. Quand comprendrons-nous que la liberté débridée peut tuer la fraternité, si nous ne mettons pas celle-ci au même rang que les deux autres emblèmes de la République ?


Voilà l’impasse dans laquelle veulent nous fourvoyer les nouveaux idolâtres. En divinisant des réalités humaines, ils ouvrent la voie de la pire des violences, la violence sacrée. En outre, ils disqualifient par avance et obstruent le chemin de la recherche du Dieu transcendant qui est au-delà de tout ce qu’on peut nommer…

 

 Jean Casanave
Le roman inachevé du bœuf de la crèche, chez Médiaspaul

1 commentaire:

Jacques LASSERRE, sdb a dit…

CHRONIQUE RCF 28/10/2020 LA LIBERTE D EXPRESSION (JM Petitclerc)


Chacun d’entre nous garde en mémoire, je crois, tel ou tel souvenir de professeurs qui l’ont marqué durant sa scolarité, car ils savaient allier pertinence de leur enseignement et bienveillance a l’égard de leurs élèves. De l’avis de tous ceux qui l’ont eu comme « prof », Samuel Paty comptait parmi ceux-ci. Et l’émotion est grande dans tout le pays suite a ce meurtre abject, au caractère complètement inhumain. Et je voudrais, ce matin encore, partager cette émotion. Mais je voudrais dire aussi -au risque de choquer quelques-uns – que l’éducateur que je suis a également été touché par la mort de cet adolescent criblé de balles. Il avait tout juste 18 ans, il voulait jouer au héros défenseur de sa religion, et a été malheureusement embrigadé dans une idéologie radicale qui l’a poussé à commettre le pire des crimes.
Ces épisodes tragiques font surgir dans tout le pays le débat autour de la liberté d’expression. Et, en mémoire de Samuel Paty, tous les élèves de nos établissements scolaires seront invités, le jour de la rentrée, à réfléchir sur ce thème. Mais derrière l’unité de façade de tous ceux qui, à juste titre, défendent cette liberté d’expression qui constitue un droit fondamental dans notre pays, se cache, je crois, une grande diversité de conceptions.
Q : Mais vous, qu’entendez-vous par « liberté d’expression » ?
Je commencerai par dire ce qu’elle n’est pas. Elle ne consiste pas à autoriser à tout dire, tout écrire, tout dessiner. Il est interdit, par exemple, au nom de cette liberté, de dessiner des croix gammées sur les tombes d’un cimetière. Et éduquer nos enfants à la liberté d’expression ne doit pas leur laisser entendre qu’il leur est permis d’insulter leurs parents et leurs enseignants. Ils leur doivent le respect.
En fait, notre République, dans sa devise, associe la notion de liberté avec celle de fraternité. Et, si la liberté est un droit, la fraternité, quant à elle, est un devoir. Ce n’est pas un droit d’être frère, c’est un devoir. La liberté d’expression doit donc être associée, à mes yeux, avec le devoir de fraternité, qui impose le respect de chacun dans ses convictions, qu’il soit croyant ou incroyant. Il s’agit donc d’éduquer à la liberté d’expression dans le cadre de ce respect mutuel.
« Qu’on donne ample liberté aux jeunes de sauter, de courir, de crier à cœur joie ! » aimait répéter Don Bosco a ses éducateurs, mais cette éducation à la liberté s’accompagnait de l’apprentissage du respect.
Q : Que penser alors du droit à la caricature ?
La caricature est un art, et, pour ma part, je considère les caricaturistes comme de véritables artistes. Songeons à l’exposition actuelle des œuvres de Cabu. Il s’agit, pour le caricaturiste, de faire rire, en aidant le lecteur à prendre un peu de distance par rapport à ses préjugés et à ouvrir le champ de sa réflexion. Mais le but est de faire rire, et non pas de blesser. Je me suis senti personnellement blessé par quelques caricatures du Christ, et comprends tout à fait la blessure que ressentent certains de mes amis musulmans lorsque l’on caricature de manière grossière leur prophète. L’œuvre du caricaturiste doit être habitée par le respect des personnes à qui il s’adresse.
Il ne s’agit pas alors, comme je l’entends ici ou là, de résumer la laïcité au droit a n’importe quel type de caricature, mais de rappeler que la laïcité est le moyen que se donne l’état pour être le garant de la fraternité entre tous les citoyens français, quelles que soient leurs convictions religieuses ou athées.

à Jean Cazanave. Ce matin mon confrère Jean-Marie Petitclerc donnait à RCF cette parole. Je vous l'envoie; elle rejoint votre réflexion sur "LA LIBERTE DE PAROLE. MERCI encore Jacques Lasserre, salésien de don Bosco

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.