21 mars 2020

Babel : plan B



On se souvient de cette tour qui devait défier le ciel et Dieu. Une langue commune facilitait le projet. Avant que l’édifice ne touche le firmament, Dieu mit le désordre dans le langage, les hommes se dispersèrent en divers peuples et le projet échoua. La Bible ne dit pas que dans leur maligne ingéniosité les hommes avaient prévu un plan B. Et nous y sommes.

L’anglais commun a pris tous les accents du monde. Avec son aide, les hommes  se sont occupés du jardin dont ils s’étaient appropriés pour en faire un paradis bien organisé. Par la mondialisation des échanges  et des biens, ils ont voulu effacer le risque des ouragans monétaires, la gelée des guerres froides et la disette économique. A chaque partie du jardin a été assignée une spécialité. A l’une, l’atelier du monde, à l’autre, les agrumes sous plastique ou les usines à viande, à une autre encore, les calculs informatiques, à la France les produits de luxe et les laboratoires d’idées, à l’Afrique, la patience pour attendre son tour. Et tout cela sous la houlette des grands maîtres de la finance et de la politique qui se partagent les prébendes. Le résultat en est un homme « transformé » ! Un individu devenu contrôleur-serviteur de la machine ou du robot, enregistreur-pourvoyeur du savoir instantané, gros amateur de loisirs programmés et enfin pousseur-payeur de caddie ou adorateur d’Amazon. Bref, la jouissance paradisiaque assurée !

Sauf que les maîtres du jardin avaient oublié que sur cette terre vouée à l’obésité consentie et à la dévoration sans retenue, le petit, l’oublié, le négligé, l’invisible peut s’infiltrer partout et gripper la machine. Le virus de l’épidémie défie la médecine, celui de la peur et de la faim multiplie les migrants, celui des nationalismes tente de boucler en vain les issues, celui des séparatismes cadenasse les cerveaux, celui des « sans-voix » bloque la circulation, celui de la méfiance empoisonne le quotidien…

Partout cependant, fleurissent « de nouveaux modes de vie » qui prônent la sobriété, la solidarité, la proximité, la qualité du produit et de la vie. Bref, les hommes réinventent les limites que le Créateur avait posées en lui offrant son jardin, non pour l’asservir mais pour lui éviter d’entrer dans des impasses mortelles, lui et  la « maison commune »… Limites qui ouvrent sur un champ infini.

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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.