17 septembre 2019

Pape François, père trop prodigue ou la parabole à revoir et à corriger !

Dans un village béarnais, il y a 60 ans :  une famille paysanne avec deux enfants. Le père et la mère ont trimé toute leur vie pour conserver le bien familial et leur acharnement a fini par payer. Leur maison a acquis une réputation de solidité et même une certaine aisance. Le fils aîné, économe et travailleur, prendra la suite mais il tarde un peu à se marier. Le fils cadet ne semble pas vouloir « rester à la terre » comme on dit. On a économisé sou par sou pour lui faire faire quelques études. Il a déjà adopté des habitudes de citadin, ce qui ne réjouit guère son père. Cependant dans cette vie de labeur monotone, il apporte une petite note de fantaisie et, comme par hasard, c’est celui que la mère préfère !

Voilà que le jour de sa majorité (21 ans) arrive. La ville le fascine. Pourquoi ne pas tenter l’aventure ? Prenant son courage à deux mains, il demande sa part d’héritage et rompt les amarres. Mais c’est ici que tout se gâte ! A cette époque l’avenir d’un cadet était tout tracé. Ou bien il restait au service de l’aîné moyennant le gîte, le couvert et un maigre pécule ou bien il renonçait à son bien et cherchait un emploi. Mais on ne touchait pas à la propriété ! L’affaire avait fait grand bruit au village. Les uns disaient que le père n’avait pas su être assez ferme, les autres qu’il n’avait pas su suffisamment négocier. Mais le plus dur à avaler c’est que les voisins, avec lesquels on ne se parlait plus, en avaient profité pour acheter la part du cadet et depuis, ils ne perdaient aucune occasion de faire sentir que la fortune avait changé de camp.

Trois années s’étaient écoulées. Le père avait pris un « coup de vieux » et, à force de ruminer les mêmes idées avait empoisonné sa vie. Le frère aîné était toujours aussi travailleur et taciturne. La mère gardait un secret espoir : peut-être reviendra-t-il ! Mais elle n’osait pas imaginer la scène du retour. Depuis trois ans, on ne parlait plus de lui, il était mort. Pire, il n’avait jamais existé !
Un jour, le père fauchait les « arpunchs », ces coins de pré inaccessibles à la faucheuse mécanique attelée. En s’arrêtant pour aiguiser sa faux, il regardait le chemin qui menait à la ferme. Soudain il aperçut une silhouette. Quelqu’un marchait lentement comme s’il hésitait. Au premier coup d’œil, il reconnut l’allure de son fils cadet. Celui-ci avait beaucoup réfléchi avant de se décider à revenir. La belle vie n’avait duré qu’un temps. Ensuite, il avait vécu d’expédients, de petits boulots. Très vite, il n’avait pas pu payer son loyer. Un jour, il avait dû  mendier pour pouvoir manger. Lui qui avait imaginé un retour triomphal au pays dans un costume neuf et coiffé d’un chapeau de riche revenait par des chemins de traverse, en rasant les haies comme un vagabond.

Le père avait enfoncé un peu plus son béret sur la tête et s’était remis à faucher. Le fils, maintenant était tout près de lui. Le père n’avait toujours pas levé la tête. « Bonjour père » lui dit le fils. Le père lève les yeux : « Ah, c’est toi ! » comme s’il l’avait vu la veille. Pas un mot de plus, pas un geste, par pudeur ou par rancœur. Il y avait là une deuxième faux. Le père, d’un coup de menton,  la désigne à son fils. Celui-ci se retrousse les manches et sans un mot se met au travail.
Midi, l’angélus sonne. Ils rentrent à la maison. Emotion de la maman qui se jette au cou de son fils et qui commence à lui poser mille questions, à lui reprocher de n’avoir pas envoyé son adresse : elle lui aurait envoyé un colis... Elle en a oublié le repas mais pas très longtemps. Le fils aîné qui n’avait pas desserré les dents lance d’un ton courroucé : « Quand va-t-on manger ici ? ». Les effusions s’arrêtent net, tout rentre dans l’ordre.

Le dimanche suivant, après la messe, les chrétiens du village n’ont qu’un sujet de conversation :le fils prodigue est revenu ! Les uns ne comprennent pas que ce fils indigne ose encore se montrer dans la commune. D’autres pensent que le père a failli dans son autorité : il n’avait qu’à le laisser à la porte. En tous cas, tous estiment que le cadet ne mérite qu’une place : celle de domestique dans la maison de  l’aîné.

C’était il y a 60 ans dans un village du profond Béarn. Dieu, en ce temps là, ressemblait à un père de famille de bonne réputation, ferme et juste qui ne transigeait ni avec la morale ni avec ses intérêts. Il avait su garder un peu de bon sens ! Il n’avait pas grand-chose à voir avec ce père prodigue un peu inconscient qui se jette au cou de son fils, tue le veau gras et dépense sans compter pour fêter le retour d’un ingrat. Folie de Dieu ? Sagesse humaine ?
Au fait, 60 ans après, en ces temps de nationalismes exacerbés et d’individualisme forcené, un Dieu tellement père peut-il encore toucher notre cœur et celui de nos contemporains ? Notre Pape n’est-il pas la cible de critiques de moins en moins voilées parce qu’il Lui ressemblerait trop ?



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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.