23 décembre 2017

J’y avais pourtant cru…



« J’y avais pourtant cru » dit Dieu. « Je vous avais donné tout ce qu’il fallait pour que nous achevions ensemble la grande œuvre de la création. Je m’étais promis de partager, par votre intermédiaire, la vie divine, à tous les êtres qui accepteraient la compagnie de notre Trinité. J’avais façonné votre corps d’argile, en soufflant dans vos narines assez de mon Esprit, pour que vous distinguiez le bien du mal. Isaïe, le grand prophète, l’avait doté de six dons différents avant que l’Eglise n’en  reprenne le compte pour en trouver sept.

Je vous avais donné la connaissance, l’intelligence, la sagesse, la force et tous les moyens  pour percer les secrets de l’univers afin d’en faire la « maison commune » de tous ses habitants mais vous n’avez su que saigner la terre et la voler aux premiers occupants.

Je vous avais donné un cœur pour considérer l’autre humain comme un frère et vous avez inventé le gourdin et les missiles à longue portée pour lui adresser vos sentiments les plus chaleureux.

Je vous avais donné surtout la liberté pour que vous vous sentiez, « à mon image et à ma ressemblance », responsables de vos actes et que vous vous attachiez volontairement à ce divin projet. Je ne voulais en rien vous obliger. Ai-je bien fait de vous respecter à ce point ?

Je vous avais donné les mots pour dire le vrai et vous avez propagé le faux. La parole est devenue votre guillotine préférée. Elle fonctionne à plein régime et en surmultiplié.

En fait, j’avais cru qu’en suivant mes conseils vous auriez dégagé la route, préparé le temps et le moment où je vous aurais fait passer le gué de la mort en vous tenant la main pour vous conduire en éternité, vous et toute la création, enfin prêts pour ce dernier passage par l’eau. Mais vous avez refusé que je vous accompagne dans votre marche tâtonnante vers l’Humanité. Vous avez voulu vous en sortir tout seuls et malgré tous vos déguisements, vous n’êtes plus que des morts-vivants, marchant vers un mur en esquissant les pas de la danse macabre.

Mais, ni vous ni Moi ne sommes totalement coupables de ce désastre. Le Diviseur à double face, l’Anti-Christ, qui a accaparé une large part de mon souffle divin pour tromper s’est glissé entre vous et Moi. Il en est toujours ainsi : le trop-plein d’amour suscite, malgré lui, la jalousie assassine.

Alors, fidèle à moi-même, je vous ai envoyé mon Fils. Dès le commencement, Il avait bu mon Esprit jusqu’à le mêler à son sang. Il avait mangé ma Parole jusqu’à ce qu’elle prenne son corps. Il est venu, vous l’avez tué mais vous ne lui avez pas volé ma vie. Il vous l’avait déjà offerte et Il vous la transmet encore à profusion avec le pardon.

Et depuis le premier Noël, l’humanité et le monde ont retrouvé leur haleine divine au point que la loi de la mort et les méfaits du péché, eux-mêmes, peuvent concourir à rattraper l’avenir. Tous les brins d’amour comme toutes les larmes qui tissent votre quotidien et qui étaient voués au non-sens final résisteront à l’anéantissement et germeront en fleurs d’éternité. Ainsi l’abîme qui s’ouvrait devant vous devient tremplin  pour le salut.

La mort peut ricaner dans son coin ; elle n’empêchera plus la vie de faire résonner les rires de l’enfant ni l’espérance de sourire au vieillard . Le mur barre toujours l’impasse mais il est devenu paroi de verre  comme le sont les yeux du bébé de la crèche qui laissent transparaître ma joie. Car, figurez vous, cette fois ci, j’y crois encore et plus que jamais. Alors, bon Noël et belle année pour vous ».

12 décembre 2017

Noël pour le rockeur.



En plagiant St Paul s’adressant aux grecs sur l’aréopage d’Athènes, je déclare : « Français vous êtes les plus religieux des hommes! ». Qu’avons-nous entendu pendant presque une demi-semaine ? Des torrents de commentaires charriant tout un lexique religieux, d’habitude soigneusement banni des medias nationaux, exhumé de nos panthéons désaffectés. On invoquait le « dieu vivant », « l’idole du peuple », on promettait une « éternité » de souvenirs, le « ciel des musiciens » pouvait s’ouvrir. Le dithyrambe accumulait les superlatifs et malheur au païen qui se tenait un tant soit peu en retrait de cet élan ébouriffé de mysticisme. L’idole en question arborait une fausse croix d’archevêque et nul adorateur de la laïcité chatouilleuse ne lui demandait de la « flouter » sur les plateaux de notre télévision publique pour l’occasion totalement déchaînée! Certains de ses fidèles nous faisaient entrer dans l’intimité de leur oratoire et exposaient leurs reliques à la dévotion des caméras. Seule la déesse publicité était épargnée et tirait son épingle du jeu. Son temps d’antenne n’était pas avalé. Claude Lelouch remarquait : « Si le public s’est jeté sur lui, c’est qu’il y a, chez lui, quelque chose de divin ». Ce qui est somme toute rassurant pour tous ceux qui prétendent être eux aussi des enfants de Dieu ! Enfin, apothéose finale, la procession liturgique  avec ses cérémoniaires et ses thuriféraires conduisait Johnny, redevenu un homme, au séjour élyséen du champ des âmes.

La nation, s’ébrouant comme à la sortie d’un bain de jouvence, se ressaisissait pourtant, le temps d’offrir à l’académicien Jean d’Ormesson une célébration Républicaine dans la « belle langue » et l’élégance du style.

Mais la démonstration était faite: l’homme du 21ème siècle comme celui de la grotte de Lascaux  ne peut se passer de Dieu. « L’homme est une machine à faire des dieux » nous a-t-on dit. Nous l’avons vérifié et nous pouvons remercier le chanteur. Nous avons passé un siècle à vider le ciel d’un Dieu qui nous voulait à son image. Nous nous dépêchons de le remplir de nos idoles que nous façonnons à notre ressemblance.

L’idole des jeunes imposait sa présence sur les scènes du monde et quelle présence ! Voici que des anges musiciens  nous annoncent  la venue discrète et ignorée d’un Enfant dans le sous-sol de notre galerie marchande. Johnny reconnaîtra-t-il dans les yeux de cet Enfant le visage tuméfié de Celui qui pendait sur sa croix pectorale, victime consentante de tous les excès du monde ? Je le souhaite. Je prie pour lui, d’autant plus qu’il était né, comme moi, en 43… une très bonne année !!

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.