24 novembre 2017

Christ Roi ?



« Parle, commande, règne, nous sommes tous à Toi ! Jésus étends ton règne, de l’univers sois Roi… » Tel était le refrain du cantique que nous chantions dans mon enfance et que nous martelions avec un ton martial et presque impérial !  L’Église était encore douloureusement marquée par les évènements qui aboutirent aux expulsions des congrégations et à la séparation des Églises et de l’État. L’affirmation de la souveraineté du Christ et de son « Vicaire » (le Pape) essayait alors de compenser  en paroles ce qui avait été vécu comme un affront humiliant et parfois comme un retour de la persécution.


L’expression « Royaume de Dieu » ou « des cieux » remonte aux écrits de la première Alliance. Désespérés de ne jamais voir le royaume de David ou de Salomon refaire surface, affligés par les occupations successives de Jérusalem, les sages d’Israël avaient fini par reporter son avènement à la fin des temps quand Dieu serait Lui-même le Roi incontesté du monde après avoir vaincu tous ses ennemis. L’espérance de l’Église s’est inscrite dans cette perspective en « démilitairalisant » pour ainsi dire l’établissement de ce Royaume. Jésus lui-même ne l’avait-il pas promis aux doux et aux pauvres ?


Mais au cours de sa longue histoire L’Église s’est trouvée dans la nécessité de devoir remplacer le pouvoir civil et il lui est arrivé bien souvent de prendre goût à ce pouvoir. On a vu des évêques fortifier des cités, faire justice, punir les coupables, commander des troupes. Ce sentiment de représenter un certain pouvoir est resté longtemps vivace. Il hante encore l’analyse de nos statistiques et l’estimation de l’influence de L’Église sur la société. Pourtant depuis les écrits des Pères de L’Église et jusqu’à ceux des Papes contemporains, il a toujours été bien spécifié que notre seul pouvoir était de servir. Mais la tentation est toujours là de vouloir servir en s’imposant !


Aujourd’hui, l’hymne  de l’office du Christ Roi résonne d’une tout autre tonalité : « Qu’il soit béni, qu’il vienne le Roi Notre Seigneur ! Il donne aux misérables la paix du bon pasteur ! Il est doux, Il est humble. Son joug sera léger ! C’est Lui qui nous mène jusqu’à la liberté ! »


04 novembre 2017

Quand l’hommage aux morts engendre des vivants.





C’était l’une des dernières fêtes de village du canton. De ces fêtes sans prétention et sans tapage publicitaire qui réunissent presque dans l’intimité, à l’abri des importuns, les habitants de ces fermes éparpillées entre Béarn et Soule, dans le seul but de se rappeler que la vie en communauté organisée marque le  passage de la horde sauvage à la société humaine.


La messe achevée, une douzaine d’adolescents entourent Monsieur le Maire, forment une sorte de haie d’honneur autour du monument aux morts et après le dépôt de la gerbe rituelle prononcent, chacun à leur tour, les noms inscrits sur le marbre. « Mort pour la France ! » - (et peut-être à 20 ans à peine, pour que nous puissions aujourd’hui nous réjouir dans la paix…) Minute de silence, Marseillaise, et les jeunes tout empreints du sérieux requis par cette liturgie républicaine, regagnent l’assemblée.


Et c’est alors que je me suis surpris à penser à tous ces enfants de France qui ne connaissent de la République qu’une scolarité chaotique et sans avenir, une défiance instinctive vis-à-vis de toute autorité quand ce n’est pas un affrontement recherché avec les  forces de sécurité suivi de quelques passages devant la justice qui ne sait quoi leur proposer. Adeptes inconscients d’une ignorance généralisée de l’histoire et de la finalité des grandes institutions du pays et absents résolus de tous les rendez-vous citoyens, allez donc leur parler des valeurs de la République ou de la démocratie !


Les jeunes adolescents d’Angous qui, espérons-le, renouvèleront encore ce geste, se souviendront un jour de leur timide « appel aux morts » et de leur participation à l’histoire de leur village et de leur pays. Accepteront-ils de prendre la relève de leurs parents qu’ils ont vu se dévouer durant la journée au service de la communauté villageoise ? Se rappelleront-ils que le célébrant, après avoir commenté le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », leur a dit : « L’avenir de la société sera un jour entre vos mains. Ne faites jamais de César un Dieu ; ne faites jamais de votre Dieu un César. » ?




"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.